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La contention et l’isolement en milieu psychiatrique et dans les ESMS

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Associées à la privation de liberté, les mesures de contention et d’isolement dans le secteur psychiatrique et dans les établissements sociaux et médico-sociaux ont souvent été décriées. Conduisant le législateur à encadrer ces pratiques et à préciser dans quelles situations elles peuvent être prononcées et comment elles sont contrôlées. Présentation.

Le droit national comme le droit international protègent les droits et libertés fondamentaux des individus et notamment la liberté d’aller et venir. Néanmoins, dans les établissements accueillant des personnes âgées ou en situation de handicap et dans les établissements psychiatriques, la liberté d’aller et venir des résidents et des patients est parfois entravée ou limitée par des mesures de contention ou d’isolement. Définies comme des pratiques de dernier recours, ces mesures doivent être prises dans le respect des dispositions législatives et réglementaires relatives aux droits et à la protection des personnes.

Le dossier juridique s’intéressera plus particulièrement à ces mesures susceptibles de porter atteinte à des droits fondamentaux, afin de comprendre notamment dans quelles situations elles peuvent être prononcées et comment elles sont contrôlées.

I. Les mesures de contention et d’isolement

A. Définition

La Haute Autorité de santé distingue deux types de contentions : la contention physique et la contention mécanique(1). La contention physique consiste à maintenir ou à immobiliser une personne au moyen de la force physique alors que la contention mécanique repose sur l’utilisation de méthodes, de matériels ou encore de vêtements spécifiques.

En pratique, et notamment dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), on observe d’autres types de contention. En effet, la contention peut être médicamenteuse, ce qui signifie que le personnel soignant administre par exemple des psychotropes en vue de réduire la mobilité des résidents. Il existe également la contention psychologique qui consiste à inciter oralement et de façon répétée la personne à ne pas bouger. Enfin, la contention est dite « architecturale » lorsque l’aménagement des locaux a pour conséquence de limiter la mobilité des individus.

Les mesures de contention sont à distinguer des mesures d’isolement. En effet, l’isolement se définit comme le placement d’une personne dans un espace au sein duquel celle-ci ne peut sortir librement et est séparée des autres personnes.

B. Recours à la contention

Dans les établissements accueillant des personnes âgées ou en situation de handicap comme dans les établissements psychiatriques, la liberté d’aller et venir est le principe. Néanmoins, certaines situations nécessitent en pratique le recours à la contention.

A titre d’illustration, au sein des Ehpad, la contention a pour vocation par exemple de prévenir les chutes ou la déambulation des résidents. Elle est également utilisée lorsqu’un résident devient agité ou agressif et risque de se blesser ou de s’enfuir. Elle permet en ce sens de les protéger et d’assurer leur sécurité au sein de l’établissement.

C. Règles spécifiques dans les ESMS

Le recours à la contention est encadré par les autorités de santé dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). En 2000, l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes), devenue la Haute Autorité de santé (HAS), a établi un référentiel de bonnes pratiques pour la contention intégrant dix points principaux(1) :

• critère 1 : la contention est réalisée sur prescription médicale ; elle est motivée dans le dossier du patient ;

• critère 2 : la prescription est faite après l’appréciation du rapport bénéfice/risque pour le sujet âgé par l’équipe pluridisciplinaire ;

• critère 3 : une surveillance est programmée et retranscrite dans le dossier du patient ; elle prévient les risques liés à l’immobilisation et prévoit notamment les soins d’hygiène, la nutrition, l’hydratation et l’accompagnement psychologique ;

• critère 4 : la personne âgée et ses proches sont informés des raisons et buts de la contention ; leur consentement et leur participation sont recherchés ;

• critère 5 : le matériel de contention sélectionné est approprié aux besoins du patient ; il présente des garanties de sécurité et de confort. Dans le cas de contention au lit, le matériel est fixé sur les parties fixes, au sommier ou au cadre du lit, jamais au matelas ni aux barrières. Dans le cas d’un lit réglable, les contentions sont fixées aux parties du lit qui bougent avec le patient. En cas de contention en position allongée, les risques liés aux régurgitations et aux escarres sont prévenus ;

• critère 6 : l’installation de la personne âgée préserve son intimité et sa dignité ;

• critère 7 : selon son état de santé, la personne âgée est sollicitée pour effectuer des activités de la vie quotidienne et maintenir son état fonctionnel. La contention est levée aussi souvent que possible ;

• critère 8 : des activités, selon son état, lui sont proposées pour assurer son confort psychologique ;

• critère 9 : une évaluation de l’état de santé du sujet âgé et des conséquences de la contention est réalisée au moins toutes les 24 heures et retranscrite dans le dossier du patient ;

• critère 10 : la contention est reconduite, si nécessaire et après réévaluation, par une prescription médicale motivée toutes les 24 heures.

D. Principales critiques à l’encontre des mesures de contention et d’isolement

La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), comme le personnel soignant, alerte très régulièrement sur la situation des patients placés en contention ou à l’isolement. On observe que les critiques ont diverses origines.

1. L’insuffisance de moyens dans le secteur de la psychiatrie

Depuis plusieurs années, le personnel soignant déplore un manque de moyens dans le secteur de la psychiatrie. Ce manque de moyens est tout d’abord marqué par les difficultés de recrutement des praticiens dans ce secteur. Les établissements peuvent alors être amenés à recruter des médecins étrangers ou des médecins généralistes qui ne disposent pas d’une spécialisation en psychiatrie. En conséquence, les médecins n’ont parfois pas la compétence pour signer des décisions relatives aux soins sans consentement. En outre, la CGLPL constate dans son rapport de l’année 2018 que dans certains cas la continuité médicale n’est pas assurée car il n’y a pas de transmission ni de préavis entre les médecins qui se succèdent.

De surcroît, l’insuffisance de moyens a également un impact sur les conditions d’hébergement des personnes dans les établissements psychiatriques. Dans certaines structures, l’ensemble des installations sont dégradées ou vétustes. Néanmoins, de telles situations sont assez rares. En pratique, les établissements ont généralement fait l’objet de rénovation partielle. La qualité des installations peut donc être particulièrement hétérogène. Ces conditions d’hébergement ont nécessairement un impact sur la qualité des soins et les conditions de vie des patients.

2. Le non-respect du droit à l’intimité

A la lecture des différents rapports annuels de la CGLPL, on constate que les conditions de vie dans les chambres d’isolement sont parfois sommaires et peu respectueuses des droits et libertés fondamentaux. En effet, selon la CGLPL : « Il n’y a pas d’accès à la lumière naturelle ou à l’air libre, l’intimité n’est pas assurée, les caméras de surveillance filment les toilettes et la douche, les sanitaires ne sont pas accessibles librement ou remplacés par des seaux hygiéniques, la lumière reste allumée toute la nuit, il n’y a pas de bouton d’appel, la sécurité électrique n’est pas assurée… » (CGLPL, « Rapport pour 2018 », p. 52). Pire, dans certains établissements, il n’y a pas de toilettes dans les chambres d’isolement et les patients sont contraints de recourir à un seau ou un à urinal (CGLPL, « Rapport pour 2020 », p. 101).

En outre, les personnes placées en isolement ne sont pas toujours libres du choix de leurs vêtements. Il arrive souvent qu’elles soient contraintes de porter un pyjama de l’hôpital pas toujours adapté à leur taille. Cette pratique n’est pas majoritaire et tend à disparaître mais, comme le souligne la CGLPL, « le fait même que cette pratique soit minoritaire suffit à la disqualifier » (CGLPL, « Rapport pour 2018 », p. 41). Elle permet notamment d’identifier les patients au sein de l’établissement. Ce type de pratique doit par principe résulter d’une décision médicale spécifique en raison de l’état du patient et ne peut être générale.

3. Le traumatisme des patients

Les difficultés liées aux mesures de contention et d’isolement sont dénoncées par la CGLPL mais également par le personnel soignant.

On peut prendre l’exemple du Collectif des 39, qui publiait en septembre 2015 un article intitulé « La sangle qui attache tue le lien humain qui soigne ». Les auteurs de cette publication constataient alors que ces actes de contention étaient en nette augmentation et se banalisaient dans notre société. Néanmoins, ils rappelaient que ces pratiques ne sont pas anodines dans la mesure où elles produisent des « traumatismes à jamais ancrés dans leur chair et leur cœur » et « déshumanisent les soignants ».

Par ailleurs, ces mesures sont également largement dénoncées par des psychiatres qui constatent que ces mesures ne font qu’aggraver l’état des patients.

E. Situation dans les établissements au cours de l’épidémie de la Covid 19

L’épidémie de la Covid-19 a touché de plein fouet les établissements sociaux et médico-sociaux comme les établissements psychiatriques. En effet, ils ont été particulièrement sollicités durant cette période. Néanmoins, comme le soulignait la CGLPL le 27 mars 2020, tout le personnel de ces établissements a fait preuve de réactivité, de professionnalisme et d’adaptabilité(1).

La crise sanitaire a toutefois eu des répercussions importantes sur la liberté d’aller et venir des patients mais également sur leur droit de maintenir des relations et liens familiaux et avec leurs proches. Les visites des familles et des proches ont par exemple été supprimées au moment du premier confinement.

Par ailleurs, dès le mois d’avril 2020, l’Association nationale des psychiatres présidents et vice-présidents de commissions médicales d’établissement des centres hospitaliers (ANPCME) a mis l’accent sur les mesures d’isolement et de contention en rappelant que « comme, habituellement, le recours à l’isolement et à la contention est limité par l’attention particulière qui est portée à la recherche de toute mesure alternative pertinente. Cette période de réorganisation majeure ne doit pas faire passer au second plan la nécessité de la réduction déterminée des pratiques de contention et d’isolement en psychiatrie publique. La très grande attention portée au patient durant cette période critique doit favoriser plus encore la recherche et l’obtention de son consentement, et limiter ainsi le recours encore trop fréquent aux soins sans consentement » (ANPCME – « Droits des patients et Covid-19 » – 17 avril 2020).

En outre, il est important de préciser que l’épidémie a également mis en lumière la faiblesse des moyens matériels dans les hôpitaux et plus particulièrement dans le secteur psychiatrique.

II. Les modalités de contrôle des mesures d’isolement et de contention

Le législateur français est venu réglementer le recours à la contention et à l’isolement à partir de 2016. Ces dispositions législatives ont fait l’objet de vives critiques avant d’être abrogées à deux reprises par le Conseil constitutionnel.

A. La loi du 26 janvier 2016 critiquée et abrogée

1. Retour sur le texte de loi

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a créé l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique pour réglementer la pratique de la mise à l’isolement et de la contention des malades dans les établissements psychiatriques. Cette loi est venue en réponse aux préconisations formulées par les organisations internationales comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui précisait dans un rapport de 2006 que « afin de protéger les patients contre les mauvais traitements, la législation doit énoncer les circonstances exceptionnelles où ces méthodes peuvent être employées. La contention et l’isolement ne peuvent être autorisés que s’il n’existe aucun autre moyen de prévenir tout préjudice immédiat ou imminent au patient ou à autrui. En outre, la période d’application de ces méthodes devrait être la plus courte possible »(2).

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) est également très attentive aux questions de contention et d’isolement. Elle rappelle régulièrement que : « Le recours à de telles mesures doit s’accompagner de garanties adéquates contre les abus, prévoir des garanties procédurales suffisantes et pouvoir reposer sur des éléments montrant de manière suffisante que les impératifs de nécessité ultime et de proportionnalité ont été respectés et qu’aucune autre solution raisonnable ne permettait de pallier de manière satisfaisante le risque de dommage au patient ou à autrui. Il faut aussi démontrer que la mesure ne s’est pas prolongée au-delà de la durée strictement nécessaire à sa finalité » (CEDH, 19 février 2015, n° 75450/12, M. S. c/ Croatie).

Il convient en premier lieu de préciser, comme le rappelle l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, que ces mesures sont des pratiques de dernier recours. En ce sens, elles ne peuvent être utilisées que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui. De surcroît, les établissements doivent pouvoir prouver que des mesures ont été prises en amont en vue d’éviter de recourir à l’isolement et à la contention.

Compte tenu de la gravité des mesures d’isolement et de contention, seul un psychiatre est habilité à les prendre. Elles doivent être à durée limitée et être révisées périodiquement pour tenir compte de l’évolution de l’état de santé du patient. En outre, elles doivent faire l’objet d’une surveillance par des professionnels de santé formés et spécifiquement désignés.

Le code de la santé publique prévoit également un suivi strict et encadré des mesures. En effet, les établissements de santé doivent tenir un registre spécifique qui mentionne notamment :

• le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure ;

• la date et l’heure du début de la mesure ;

• la durée de la mesure ;

• le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée.

Ce registre permet une traçabilité des mesures et doit être présenté à la commission départementale des soins psychiatriques, au CGLPL et aux parlementaires s’ils en font la demande.

En outre, l’établissement doit réaliser un rapport annuel sur les pratiques en chambre d’isolement et de contention.

2. Un premier dispositif de contrôle unanimement critiqué

Dans son rapport annuel de 2018, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté dressait un constat alarmant sur les mesures d’isolement et de contention. Elle a, en effet, pu observer que certaines mesures d’isolement étaient prises à titre de sanction ou par commodité pour le service de santé, se prolongeant parfois jusqu’à 8 jours. De surcroît, les registres qui recensent par principe l’ensemble des mesures prises au sein du service sont parfois inexploitables et établis de manière purement formelle sans contrôle. Pire, certaines mesures d’isolement dans la chambre du patient ne sont parfois par enregistrées. La CGLPL a également observé « une quasi-absence de formation » des infirmiers et des médecins.

3. Un dispositif de contrôle abrogé

L’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique encadrant l’usage et le contrôle des mesures de contention et d’isolement portait, selon de très nombreux observateurs, une potentielle atteinte aux droits et libertés fondamentaux, soulignant le spectre d’une détention arbitraire, nécessairement en opposition avec les dispositions constitutionnelles.

Comme on pouvait s’y attendre, au détour d’une affaire, une question prioritaire de constitutionnalité a été posée par la Cour de cassation, le 5 mars 2020, aux juges de la rue de Montpensier, portant sur la conformité de l’article L. 3222-5-1 en litige à la Constitution. L’article 66 de celle-ci constituait alors le fondement de la saisine : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. » Le requérant soutenait, en effet, l’effectivité d’une atteinte aux libertés par l’article L. 3222-5-1.

Saisi de l’allégation d’une atteinte aux libertés, le Conseil constitutionnel affirme dans un premier temps : « La question posée présente un caractère sérieux en ce que l’atteinte portée à la liberté individuelle par les mesures d’isolement et de contention pourrait être de nature à caractériser une privation de liberté imposant, au regard de l’article 66 de la Constitution, le contrôle systématique du juge judiciaire. »

C’est précisément le registre prévu par l’article L. 3222-5-1 qui est l’objet de la réflexion des juges. Comme indiqué plus haut, ledit registre du suivi des mesures avait pour vocation d’assurer l’effectivité des droits de la personne concernée par une mesure de contention – décision par un psychiatre, durée, présentation à la CDSP…

Le Conseil rappelle tout d’abord le contenu des dispositions litigieuses, l’argumentation du requérant – notamment l’absence de contrôle juridictionnel entourant de telles mesures et de toute voie de recours –, ainsi que le contenu de l’article 66 de la Constitution.

Il constate que les mesures litigieuses constituent une détention incontestable, une privation de liberté évidente, et que le registre de suivi de ces mesures ne saurait suffire à garantir l’exercice des libertés fondamentales, du fait de l’absence d’un contrôle dans un court délai par le juge judiciaire, traditionnel protecteur de ces libertés.

Les dispositions de l’article L. 3222-5-1 sont déclarées inconstitutionnelles, au visa de l’article 66 de la Constitution (C. const., 19 juin 2020, n° 2020-844 QPC).

La décision du Conseil Constitutionnel a pour effet d’abroger les dispositions déclarées contraires à la Constitution. Mais cette abrogation n’a pas eu des effets immédiats. En effet, selon la possibilité légale qui lui est laissée par l’article 62 de la Constitution, l’abrogation a été décalée dans le temps, soit le 31 décembre 2020. L’abrogation immédiate des dispositions en cause aurait, selon les juges, empêché, pendant une certaine période, la possibilité de placer à l’isolement ou en contention des personnes admises en soins psychiatriques sous contrainte, en attendant une réforme législative, par définition requérant du temps. Les conséquences d’une abrogation immédiate ont ainsi été considérées comme manifestement excessives.

Le législateur, sommé de réformer le code de la santé publique, est finalement intervenu par l’adoption de nouvelles modalités de contrôle des dispositions relatives aux mesures de contention via la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

B. La nouvelle législation soumise au contrôle du Juge

1. Les principales mesures issues de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021

Le législateur a très rapidement tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel susvisée ayant abrogé l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique et réécrit l’ancien article au sein de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Les nouvelles dispositions ont été complétées par le décret n° 2021-537 du 30 avril 2021 relatif à la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention en matière d’isolement et de contention mis en œuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement.

Les dispositions du nouvel article précisent que l’isolement ou la contention sont limités aux personnes relevant des soins psychiatriques sans consentement.

Ainsi, dès lors que la personne est admise en soins libres, la décision d’isolement ou de contention, doit être corrélée à une admission en soins psychiatriques sans consentement.

Comme la version ancienne de l’article, l’isolement ou la contention demeurent des pratiques de dernier recours visant à « prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée aux risques après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical ».

La décision du psychiatre doit être prise après évaluation du patient et de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque. Le nouvel article renforce également le suivi des mesures de contention et d’isolement qui doit dorénavant être tracé dans le dossier médical du patient.

En outre, la grande nouveauté de l’article repose sur l’encadrement de la durée des mesures de contention et d’isolement et sur la surveillance de ces dispositifs par le juge des libertés et de la détention au-delà d’une certaine durée. Le législateur fait une distinction entre les mesures d’isolement et de contention.

Une mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de 12 heures. Elle peut être renouvelée par périodes maximales de 12 heures et dans la limite d’une durée totale de 48 heures lorsque l’état de santé du patient le nécessite. A contrario, les mesures de contention sont prises pour une durée maximale de 6 heures et peuvent également être renouvelées lorsque l’état du patient le requiert par périodes maximales de 6 heures et dans la limite d’une durée totale de 24 heures. Ces durées correspondent aux recommandations qui avaient été données par la Haute Autorité de santé en 2017.

A noter : On précisera que toute mesure de contention ou d’isolement prise au moins 48 heures après une précédente mesure est considérée comme une nouvelle mesure. En deçà de 48 heures, les durées des mesures s’ajoutent pour apprécier les durées légales maximales et le déclenchement de l’information du juge des libertés et de la détention.

De façon exceptionnelle et sous réserve qu’elles soient « adaptées, nécessaires et proportionnées », ces mesures peuvent être renouvelées au-delà des durées totales précédemment énoncées. Néanmoins l’article ajoute qu’au-delà des 24 heures pour la contention et des 48 heures pour l’isolement, les mesures ne peuvent être prolongées qu’à titre exceptionnel par un médecin qui a cependant l’obligation d’informer sans délai le tuteur ou curateur, la famille ou en toute hypothèse la personne qui aura la faculté d’agir dans l’intérêt du patient faisant l’objet des soins. Et il doit les prévenir de leur droit de saisir le juge des libertés et de la détention pour la levée de la mesure et des modalités de saisine du juge.

Le juge des libertés et de la détention peut être saisi par :

• lui-même ;

• la personne faisant l’objet des soins ;

• les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure ;

• la personne chargée d’une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l’objet des soins ;

• son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité ;

• la personne qui a formulé la demande de soins ;

• un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de la personne faisant l’objet des soins ;

• le procureur de la République.

Le médecin est également tenu d’informer le juge des libertés et de la détention dès lors qu’il prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de 48 heures en cas d’isolement et de 24 heures en cas de contention sur une période de 15 jours.

Le patient, qu’il soit ou non à l’origine de la demande, peut demander à être entendu par le juge (CSP, art. R. 3211-34 et R. 3211-36). Par ailleurs, le médecin qui a pris la mesure est en droit d’adresser au juge des observations. Le juge peut également solliciter l’avis d’un autre psychiatre et décider de se rendre sur place en vue d’apprécier les conditions d’exécution de la mesure (CSP, art. R. 3211-38). Une fois saisi, le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de 24 heures. A défaut, il est automatiquement mis fin à la mesure contestée (CSP, art. L. 3222-5-1 et R. 3211-39). Enfin, l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel dans un délai de 24 heures à compter de sa notification (CSP, art. R. 3211-42 et suivants).

Par ailleurs, le contrôle de la mesure d’isolement ou de contention peut également être sollicité lors du contrôle de la légalité d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement (CSP, art. L. 3222-5-1 et L. 3211-12-1).

La mise en place du nouveau dispositif a généré plusieurs interrogations et notamment quant à la conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 19 juin 2020. En effet, il semblait ressortir de cette décision des sages que le législateur devait fixer la durée maximale des mesures d’isolement et de contention et prévoir les conditions dans lesquelles, au-delà d’une certaine durée, le maintien des mesures devait être soumis au contrôle du juge.

A peine entré en vigueur, le nouvel article L. 3222-5-1 du code de la santé publique a donc fait l’objet d’une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité : le Conseil constitutionnel ayant été saisi le 2 avril 2021 par la Cour de cassation.

2. Une nouvelle législation critiquée et abrogée

Cette nouvelle législation a très rapidement suscité des interrogations. En effet, le Conseil constitutionnel avait sollicité une intervention du juge judiciaire. Or, à première vue, le nouvel article L. 3222-5-1 n’instaure pas un contrôle systématique des mesures mais une simple information sans délai du juge des libertés et de la détention.

Si cette procédure permet de ne pas surcharger les établissements psychiatriques, elle semble en revanche contrevenir aux droits et libertés des patients placés en contention ou à l’isolement. Face à ce constat, le Conseil constitutionnel a de nouveau été saisi par la Cour de cassation le 2 avril 2021.

D’aucuns diront que la décision était « prévisible » ou « inévitable ». Une chose est sûre : elle était attendue par les patients et leur famille. Le 4 juin 2021, soit presque un an jour pour jour après sa première décision, le Conseil constitutionnel a une fois de plus abrogé les dispositions de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique. Il a en ce sens rappelé que : « La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans les plus court délai possible » (C. const., 4 juin 2021, n° 2021-912/913/914 QPC). En conséquence, le maintien en contention ou à l’isolement au-delà d’une certaine durée ne peut pas se concevoir sans une intervention systématique du juge judiciaire.

L’abrogation a une nouvelle fois été reportée par le Conseil. Les parlementaires ont cette fois-ci jusqu’au 31 décembre 2021 pour légiférer. Dans ce contexte, une question persiste encore : pour quelle solution va opter le législateur ? Va-t-il faire le choix d’instaurer un contrôle systématique des mesures au-delà de 24 heures pour les mesures de contention et de 48 heures pour les mesures d’isolement ou au contraire va-t-il augmenter les délais pour ne pas surcharger les institutions judiciaires ? Nous n’avons pour l’instant aucun indice sur l’évolution du dispositif.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) est une autorité administrative indépendante nommée pour 6 ans par le président de la République. Afin de garantir son indépendance, il ne reçoit aucune instruction et ne peut être révoqué. Le CGLPL veille au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Il s’assure ainsi que ces personnes sont traitées avec humanité et dans le respect de leur dignité.

Il s’intéresse particulièrement aux conditions de détention, de rétention ou d’hospitalisation. Dans le cadre de ses missions, il peut être amené à visiter des établissements pénitentiaires, des locaux de garde à vue, des établissements de santé ou encore des locaux de rétention douanière.

Le premier CGLPL a été nommé en 2008. Depuis cette date, les fonctions ont été confiées à Jean-Marie Delarue puis à Adeline Hazan. Elles sont actuellement exercées par Dominique Simonnot qui a été nommée le 14 octobre 2020. Celle-ci a été éducatrice à l’administration pénitentiaire puis journaliste spécialiste des affaires judiciaires.

La commission départementale de soins psychiatriques

La commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) assure le suivi des admissions en soins psychiatriques sans consentement (code de la santé publique [CSP], art. L. 3223-1). A ce titre, elle est informée des décisions d’admission sous contrainte en soins psychiatriques mais également des décisions de renouvellement et mettant fin aux soins.

En outre, elle est informée des réclamations portées par les personnes placées dans cette situation et examine leur situation. Elle est également habilitée à visiter les établissements recevant des patients en soins sous contrainte afin de vérifier la régularité des registres.

La commission peut saisir le représentant de l’Etat dans le département ou le procureur de la République si l’état des personnes placées en soins psychiatriques sans consentement le nécessite. Elle a également compétence pour proposer au juge des libertés et de la détention (JLD) d’ordonner une levée d’une mesure de soins psychiatriques.

Enfin, elle établit un rapport annuel d’activité qu’elle adresse au JLD, au représentant de l’Etat dans le département, au directeur général de l’agence régionale de santé, au procureur de la République et au contrôleur général des lieux de privation de liberté.

La commission est composée (CSP, art. L. 3223-2) :

• de deux psychiatres, l’un désigné par le procureur général près la cour d’appel, l’autre par le représentant de l’Etat dans le département ;

• d’un magistrat désigné par le premier président de la cour d’appel ;

• de deux représentants d’associations agréées respectivement de personnes malades et de familles de personnes atteintes de troubles mentaux, désignés par le représentant de l’Etat dans le département ;

• d’un médecin généraliste désigné par le représentant de l’Etat dans le département.

Notes

(1) HAS – « Recommandation de bonne pratique, Isolement et contention en psychiatrie générale » – Février 2017.

(1) Anaes­– « Evaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé. Limiter les risques de la contention physique de la personne âgée » – Octobre 2000.

(1) CGLPL – « Covid-19 : recommandations relatives aux établissements de santé mentale » – Mars 2020.

(2) OMS – « Santé mentale : relever les défis, trouver des solutions – Rapport de la Conférence ministérielle européenne de l’OMS » – 2006.

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