Branle-bas de combat chez les soignants. Le gouvernement brandit la menace d’une vaccination obligatoire contre la Covid-19, et ça s’affole sur la toile, en salle de pause et même chez la boulangère !
« Moi, me vacciner ? Jamais de la vie ! Plutôt démissionner ! », fulmine Martine à la cantine. Pendant ce temps, la Covid fait des petits. Un variant par-ci, un variant par-là. « De toute façon, tout ça, c’est un complot de Big Pharma pour enrichir les labos, je le tiens d’un cousin qui bosse pour un grand groupe et qui m’a avoué que le vrai vaccin n’était pas encore sur le marché », murmure Arthur en salle de sport.
Pendant ce temps, le variant Delta s’installe tranquillement.
« En vrai, ils peuvent pas nous virer, on n’est déjà pas assez de soignants dans les services », tempère Robert dans son thé vert. Le pire, c’est qu’il a un peu raison.
Pendant ce temps, l’épidémie reprend de plus belle.
« Et le code de Nuremberg alors ? Moi, si on me force à faire ce vaccin, je porterai plainte contre l’Etat pour empoisonnement et mise en danger de la vie d’autrui ! » s’écrie Stéphanie du fond de son lit.
Pendant ce temps, le variant Omega attend patiemment son tour.
Au début, j’avoue, ça me faisait doucement rigoler. Cette armée de pseudo-résistants qui hurlaient au complot en vagissant un charabia scientifico-historico, se réfugiant derrière un chanteur-poète-pouet, ça avait quelque chose de désuet, presque inoffensif. De doux rêveurs un peu dingues, sans doute des amis de RoséeDuMatin, sur Facebook, qui a LA solution pour contrer les effets indésirables du vaccin, grâce à l’énergie sacrée du vivant et de la pierre miraculeuse baignée dans la claire cyprine de sa grand-mère guérisseuse céleste qui vous assure la protection divine des forces de la Nature, moyennant la modique somme de 600 € payables en trois fois sans frais en liquide s’il vous plaît (parce que l’impôt, c’est sale, ça sert à financer Big Pharma).
Et puis ils ont beuglé de plus en plus fort, les antivax acharnés. Dans la rue, sur les plateaux télé, dans les colonnes des journaux, couvrant de plus en plus les voix raisonnées des médecins raisonnables qui les suppliaient de se vacciner, pour eux, pour les autres, pour tata Fernande et la boulangère.
Pendant ce temps, la courbe repart à la hausse, ça pue pour la rentrée. Sans doute même pour les vacances.
Alors les médecins raisonnables ont un peu perdu de leur calme, parce que bon, ça suffit les conneries, y a des morts, déjà plus de 100 000, et si on veut en éviter d’autres, c’est maintenant !
Et maintenant ? Chacun crie dans son coin, à coups de slogans et de hashtags, et le brouhaha couvre les timides questions des indécis qui voudraient bien mais qui ont peur. Peur du virus et du vaccin, peur pour l’avenir et sur la ville.
Quid de tata Fernande ? Elle est morte. Et la boulangère ? Orpheline.