Vingt-cinq ans après avoir fondé l’Agence pour l’éducation par le sport (Apels) et avoir lancé, six ans après, des programmes pilotes destinés à repérer et développer le potentiel des jeunes correspondant aux besoins des entreprises, Jean-Philippe Acensi transforme l’essai. Son idée : créer des écoles de l’inclusion par le sport. La première a été lancée à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise) fin mai, grâce à un cofinancement des territoires, de l’Etat, des municipalités et du secteur privé. L’Apels espère en déployer une dizaine d’autres d’ici juin 2022 puis une par département. Le principe ? Les compétences et les valeurs acquises par la pratique sportive – travail collectif, rigueur, maîtrise de soi, persévérance – sont un capital précieux et recherché par les employeurs. Or aujourd’hui deux millions de jeunes au chômage sont sans diplôme et, chaque année, 60 000 jeunes de quartiers prioritaires décrochent scolairement et « sortent des radars » des acteurs de l’insertion.
Pour y remédier, le président de l’agence mise sur « le dernier rempart de la confiance », les coachs sportifs : « Nous avons identifié 1 000 clubs et repéré des coachs inspirants, intégrés dans un réseau », précise-t-il. Formés à accompagner les jeunes via des programmes d’insertion par le sport de deux à six mois, les coachs sont la clef de voûte du dispositif. A Roubaix (Nord), Sana Djemma, ex-fonctionnaire territoriale et vice-présidente d’un club de boxe appartient à la première promotion : « Tout entraîneur sait que pour être performant, un sportif doit se sentir bien à tous les niveaux. Dans le club de boxe fondé par mon père il y a 35 ans, on avait déjà mis en place une aide aux devoirs avant l’entraînement. La formation nous permet de professionnaliser ce que nous savons déjà et d’aller beaucoup plus loin. »
Les coachs apprennent ainsi à développer la transversalité sport-emploi sur des ateliers, à objectiver les savoir-être grâce à des outils permettant au jeune de visualiser son évolution et de s’en servir pour nourrir un échange avec un DRH. « La force d’un club sportif tient au fait que les jeunes viennent à nous. Et surtout, on travaille sur le seul terrain où ils connaissent la réussite », souligne la vice-présidente. Projet professionnel, communication orale, posture, codes, mais aussi laïcité et citoyenneté, autant de thèmes abordés pour que, une fois en entreprise, « il n’y ait plus de sujet ». Jean-Philippe Acensi complète : « Il faut aller jusqu’au bout, une formation qualifiante ou un emploi confirmé. Le coach continue donc à effectuer un point hebdomadaire avec le jeune pendant ses premiers mois en poste car cela peut vite dériver. »
Autres éléments essentiels du dispositif : les partenariats étroits avec les entreprises, les municipalités, les territoires. « Soit les entreprises partenaires nous font des demandes précises, soit nous leur proposons des profils intéressants », détaille Sana Djemma qui collabore aussi quotidiennement avec les travailleurs sociaux. « Ce matin, j’ai contacté mon réseau car j’étais en recherche pour une banque. L’intervenant social vient avec le jeune, on se met tous autour de la table et s’il aime le sport, on y va. »
L’Apels ambitionne d’accompagner 2 000 jeunes vers l’emploi d’ici à 2022. Par ailleurs, le ministère des Sports lui a demandé de former 500 coachs. « En plus d’aider les jeunes, nous développons une filière, qui servira non seulement aux écoles d’inclusion mais aussi aux fédérations sportives », se félicite Jean-Philippe Acensi.