« Family by family », un « réseau de familles qui aide d’autres familles », voilà le dispositif innovant mis en place par le Centre australien de l’innovation sociale (Tacsi). L’expérience a débuté en 2010 par une prise de conscience, celle de l’isolement total de nombreuses familles en proie à de sérieuses difficultés (financières, psychologiques, en situation de handicap…), des difficultés formulées auprès d’une inspectrice de l’aide sociale à l’enfance assistée par deux « designers sociaux ». Plusieurs de ces familles assurent alors se sentir incomprises des travailleurs sociaux, parfois prescripteurs de conseils inadaptés et d’injonctions vécues comme contradictoires. D’où l’idée du Tacsi de mettre en relation, sur la base du volontariat, des familles vulnérables ou en difficulté avec des « familles-partage » qui ont traversé des épreuves similaires, et qui se portent mieux aujourd’hui. Contrairement aux dispositifs classiques, ce ne sont donc pas des travailleurs sociaux qui essaient d’amener les familles à modifier leurs habitudes ou leurs comportements, leur manière d’interagir avec les enfants par exemple.
Bien qu’en retrait, les professionnels de l’action sociale ne sont cependant pas absents du dispositif mais interviennent à trois moments clés. Au départ pour fixer les objectifs, au milieu du parrainage pour faire un bilan à mi-parcours, et à la fin pour mesurer les changements et les bénéfices pour les familles. A contrario, les travailleurs sociaux maintiennent un lien constant avec les familles marraines. Celles-ci bénéficient de trois jours de formation, durant lesquels des jeux de rôle permettent de les préparer aux différentes situations qui pourraient se produire pendant le parrainage et les aider à y faire face. Ce processus permet également au Tacsi de jauger la pertinence du choix de ces « familles marraines », tester leurs valeurs (tolérance, ouverture d’esprit, partage) et mettre à l’épreuve leurs capacités de résilience. Ces dernières sont également confrontées entre elles chaque semaine, pendant deux heures, dans des ateliers animés par un professionnel. Un temps d’écoute visant là aussi à partager les difficultés rencontrées lors de problématiques spécifiques (autisme, handicap), afin d’élaborer ensemble des solutions. Quant aux familles repérées comme « inaptes » ou insuffisamment prêtes pour participer au dispositif, car affrontant des problématiques trop lourdes à gérer, les travailleurs sociaux peuvent leur proposer de bénéficier à leur tour du statut de « famille parrainée ».
Selon les chiffres du Centre australien de l’innovation sociale, 1 500 foyers ont participé au réseau entre 2012 et 2019, et l’organisme vante les changements et bénéfices observés autant au sein des familles parrainées que chez les familles marraines. Parmi ceux-ci : la prévention de l’entrée dans le dispositif de protection de l’enfance et les placements, un isolement social rompu, un meilleur soutien au retour à l’emploi ou à la reprise d’études, ainsi qu’à l’accès aux droits, en particulier dans le logement. Le Tacsi met en avant le chiffre flatteur de « 80 % des familles marraines et parrainées » déclarant « aller beaucoup mieux » grâce à une meilleure confiance en soi, une diminution du stress, la mise en place de nouvelles habitudes permettant de faire diminuer les conflits, voire la possibilité d’arriver à sortir de chez soi, de multiplier les déplacements et de se sentir moins isolées. Bien que « Family by family » s’appuie sur de nombreux partenariats avec les municipalités ou des acteurs associatifs comme la Croix-Rouge ou le Secours catholique, l’expérience fonctionne encore avec des moyens relativement réduits, s’appuyant sur neuf professionnels et l’équivalent de 170 € d’indemnités versés aux familles aidantes.