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Remplacements d’été : un défi permanent

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Permettre aux salariés de prendre leur pause estivale frise la mission impossible pour les structures sociales et médico-sociales. La recherche d’intervenants ponctuels exige des établissements et services de penser leur politique de recrutement comme leur organisation du travail.

À l’approche de l’été, c’est l’inquiétude récurrente des chefs de service : les postes de remplacement des titulaires partant en congés seront-ils pourvus ? La pandémie, qui avait déjà généré d’importants besoins d’intérim l’an dernier, complique encore cette année la préparation de la période estivale. « Les chefs de service sont pris dans le flux actuel de recherche de remplacements », témoigne Christophe Langlais, directeur territorial à l’Adapei (association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales) de Loire-Atlantique (1 700 salariés). S’y ajoute l’effet du Ségur de la santé (voir ce numéro page ??) qui conduit certains soignants à quitter le secteur du handicap pour percevoir les augmentations salariales appliquées au grand âge. Pas de quoi réduire, pour autant, les pénuries dans les établissements pour personnes âgées : en Occitanie, le manque d’infirmières conduit le Synerpa (Syndicat national des maisons de retraite privées), la Fehap (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs) et la Fédération hospitalière de France à réclamer des réquisitions à la préfecture de région.

Les difficultés de recrutement, qui s’exacerbent avec les années, rendent le sujet de plus en plus compliqué à gérer, obligeant les établissements à y travailler des mois à l’avance. « Diffuser une annonce en juin revient à la jeter dans le vide », avertit Alexandre Tourret, gérant d’Adomiservices, dont les agences d’aide à domicile sont situées à Bordeaux et à Tresses (Gironde). Cependant, l’anticipation n’évacue pas toujours le problème. Le casse-tête s’étale sur de longs mois car « beaucoup de remplaçants ne se présentent pas », observe de son côté Véronique Gémar, directrice de l’Ehpad Maisonneuve, à Villefranche-de-Lauragais (Haute-Garonne). L’impératif d’assurer la continuité du service avec des professionnels qualifiés exige de multiplier les viviers de recrutement. Après s’être appuyée sur le « bouche-à-oreille », la jeune coopérative d’intérim Ettic, fondée en 2019 par une dizaine de structures bretonnes spécialisées principalement dans le handicap, s’emploie à élargir son sourcing : au-delà des sites d’annonces d’offres d’emploi fiables à actionner, elle entame un rapprochement avec des écoles pour intensifier les liens avec les étudiants. « Nos associations se rendent compte qu’il convient d’intervenir dès la formation », constate son directeur Yann Largeaud.

Se rapprocher des écoles permet non seulement d’accroître l’attractivité globale des structures mais aussi de répondre aux besoins de remplacement estivaux. « Quand on reçoit nos stagiaires en janvier, on essaie de les fidéliser pour qu’ils reviennent effectuer des remplacements pendant le week-end et les vacances », explique Mathieu Schell, directeur de l’Ehpad Les Orchidées à Roubaix (Nord), qui compte entre 25 % et 50 % d’anciens stagiaires en période de congés. Devant les difficultés, l’Adapei de Loire-Atlantique en vient aussi à tenter cette formule cette année. « L’année prochaine, on prend quatre apprentis sur des postes d’aides-soignants et d’accompagnants éducatifs et sociaux avec un deal clair : à la fin de leur apprentissage en juin 2022, on rallongera leur contrat avec deux mois sous contrat à durée déterminée. On s’assure ainsi quatre remplaçants d’été », prévoit Christophe Langlais. A la Fondation Ildys, structure généraliste, recevoir les étudiants en stage relève ainsi d’une « politique d’établissement » : « Nos cadres participent à des oraux en fin de diplôme et à l’accompagnement des stagiaires », explique David Cogen, directeur délégué à la stratégie de la structure de 1 600 salariés, implantée entre Brest et Morlaix (Finistère). Outre le recrutement de 60 apprentis, dont une vingtaine pour des postes d’aides-soignants, la fondation a également lancé, cette année en particulier, une campagne de « soutien » en direction des étudiants qui consiste à leur proposer des jobs d’été sur des fonctions « non qualifiées » d’accueil, d’orientation téléphonique, d’entretien, de blanchisserie…

Difficultés hors les murs

Si les établissements disposent de telles marges de manœuvre, l’équation s’avère tout autre quand l’activité se situe hors les murs. Dans le champ du handicap ou de la protection de l’enfance, les intervenants à domicile ne sont guère remplacés. « En été, on distend la prise en charge en réduisant les rendez-vous avec les usagers », rapporte Yann Largeaud, de chez Ettic. Les services de prévention spécialisée, d’action éducative en milieu ouvert ou d’aide éducative à domicile (AED), eux, ne prévoient pas de remplacements : trop compliqué, compte tenu de la particularité des liens engagés entre les équipes éducatives et les familles. « Ces services préfèrent travailler en sous-effectif ou mutualiser les moyens en interne », explique Azdine Zeggou, directeur de l’agence d’intérim Social & Co.

Dans l’aide à domicile, on peut trouver en ligne des « jobs d’été » d’auxiliaires de vie ouverts aux étudiants. Toutefois, être formellement qualifié constitue bien souvent un incontournable pour exercer des missions d’un travail en complète autonomie. Le service d’aide à domicile Adomiservices profite ainsi de la moindre activité des prestations ménagères « de confort ». « En juillet-août, les aides ménagères peuvent être réquisitionnées sur la partie auxiliaire de vie, pour assurer des tâches simples auprès des personnes âgées », précise son gérant Alexandre Tourret. Reste que « toutes ne peuvent pas tenir le poste, qui nécessite des compétences techniques mais aussi humaines ». En période estivale, les semaines peuvent dépasser les 50 heures. Concentrées sur les tâches essentielles, les interventions sont démultipliées. Alexandre Tourret insiste sur l’importance d’une communication ouverte avec les auxiliaires de vie pour ne pas « aller au point de rupture ».

L’intensité du travail augmente également chez les assistantes familiales qui s’organisent entre elles pour accueillir les enfants placés de leurs collègues. « La solution, c’est la surcharge », voire le renoncement aux congés, résume de son côté Laurent Ningres, membre du bureau national de l’Ufnafaam (Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistants maternels). Le sujet préoccupe départements et structures. « Depuis quelques années, les assistantes familiales souhaitent mettre en œuvre l’organisation de leurs congés », reconnaît David Cogen, directeur délégué à la stratégie de la Fondation Ildys, qui compte 80 assistants familiaux auxquels s’ajoutent une quinzaine d’assistantes familiales « relais ».

Les « faisant fonction »

Quand les remplacements ont lieu, reste l’option bien connue des « faisant fonction ». Une voie de secours qui ne fait pas l’unanimité. « On a pu prendre des raccourcis en étant moins sélectifs, mais l’équipe nous le reproche très vite. On préfère travailler avec moins de personnel plutôt que d’avoir des personnes qui n’ont pas la même conscience professionnelle et vont porter atteinte au travail réalisé au cours de l’année », témoigne Mathieu Schell. A l’inverse, à l’Adapei 44, les difficultés sont telles l’été que des aides médico-psychologiques ou des moniteurs-éducateurs suppléent les éducateurs. « Même si ce n’est pas idéal, il vaut mieux quelqu’un formé à l’accompagnement que personne », estime Christophe Langlais, qui gère notamment une maison d’accueil spécialisée. Des initiatives émergent pour leur apporter un minimum de bases, tant dans le handicap que dans le grand âge (voir ci-contre).

Mais ce moindre mal comporte de multiples limites. Le sujet le plus sensible concerne le risque médicamenteux, poursuit Christophe Langlais. Ne parvenant pas à recruter une infirmière remplaçante pour cet été, c’est une aide-soignante qui viendra se coordonner avec les autres professionnelles présentes. « On a travaillé avec elles la décomposition de leurs tâches et ce qu’elles pouvaient déléguer à ce profil dans une période d’extrême tension “RH” », poursuit Christophe Langlais. L’emploi de « faisant fonction » ne libère donc pas totalement les titulaires, et porte en lui-même des risques professionnels pour les remplaçants. « Nos nouveaux salariés sont accompagnés, mais ce n’est pas toujours suffisant pour intégrer les principes de manutention. On a pu observer que les accidents du travail concernaient plus souvent des gens non diplômés », constate Véronique Gémar.

Enfin, dépendre fortement des faisant fonction en période estivale peut se révéler délicat en cas d’absences imprévues de titulaires ou de roulements de plannings mal pensés. Le danger ? Laisser ces personnels livrés à eux-mêmes. D’où l’importance d’équilibrer ses ratios entre titulaires et remplaçants. « De mon point de vue, il n’existe pas de réponse unique mais un faisceau de solutions », considère David Cogen. Outre le recrutement de jeunes, sa fondation dispose non seulement d’un pool de remplaçants en CDI, mais mise aussi, en interne, sur le fractionnement des congés et sur leur échelonnement pour trouver le bon compromis en période estivale.

Éviter les faux pas RH

Pour recruter les intérimaires, poster des annonces ne suffit plus : les politiques de ressources humaines (RH) des structures doivent être soignées dans les moindres détails pour ne pas rater les postulants. Pas gagné. Il arrive encore que des établissements refusent les candidatures par mail, témoigne Yann Largeaud, directeur d’Ettic, coopérative d’intérim spécialisée. Il constate aussi des « politiques de rémunération aberrantes » consistant, par exemple, à ne pas rémunérer des remplaçants à la hauteur de leur expérience mais au strict minimum de leur qualification, en cas de mission inférieure à deux mois. De quoi détourner des candidats aujourd’hui conscients de leur position de force. « Les employeurs doivent comprendre qu’ils n’ont plus la main sur le marché du travail », insiste Yann Largeaud.

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