Recevoir la newsletter

Tampons de la République

Article réservé aux abonnés

C’est un père. Un homme affaibli battu par son fils. C’est un homme à la tête fracassée dont le sang gicle sur les murs. C’est un homme épuisé, qui finit par se suicider. C’est un homme qui se pend dans son garage. C’est un tampon de la République sur un acte de décès.

C’est une sœur. Une enfant, 12 ans à peine, violée par son frère. Une enfant menacée et apeurée, qui ne pleure jamais. Parce que si elle pleure, si elle parle, il les tuera, elle et sa mère. Une balle pour chacune, c’est ce qu’il a dit. Alors elle se tait, et elle subit. C’est une enfant qui veut s’enfuir et qui veut mourir. C’est une enfant en foyer à la vie fracassée. Un tampon de la République sur une ordonnance de placement.

C’est un frère. Un enfant terrorisé par son frère. Battu et humilié. Un enfant à qui l’on plante une fourchette dans la main, sur qui l’on pointe le canon d’un fusil. C’est un homme qui ne peut nommer son frère autrement que par « l’autre ». C’est un tampon de la République sur un témoignage de plus.

C’est une épouse. Une femme battue, isolée, menacée, défigurée. C’est une femme qui s’enfuit pour sauver sa peau et celle de son enfant. Une femme qui se cache parce qu’elle a peur, de lui, de ses coups, de ses armes. C’est une femme qui porte plainte, en vain. Un tampon de la République sur une plainte classée sans suite.

Ce sont des enfants. Des enfants qui naissent et grandissent à l’abri des regards, dans une petite maison aux volets bleus au fond d’une impasse. Des enfants qui ne sortent jamais seuls. Des enfants moqués et harcelés à l’école. Des enfants qui ont peur, pour eux et pour leur mère. Des enfants qui découvrent que leur mère se prostitue. Des enfants qui enterrent le corps de leur père dans une forêt. Des enfants qui font corps autour de leur mère, pour la soutenir, pour la protéger, parce que c’est elle, la vraie victime, pas l’autre. Et, pour chacun, un tampon de la République au procès de leur mère.

C’est un homme. Un fils, un frère, un beau-père, un mari, un père. Mais aussi « un tyran, un détraqué, un pervers, une pourriture, le diable en personne, le monstre de La Clayette ». Un homme qui frappe, qui menace, qui viole, qui salit et détruit tout sur son passage. Toujours coupable, toujours responsable. Accusé, condamné, incarcéré, libéré. Et un tampon de la République sur son casier judiciaire.

C’est une femme. Une enfant, une adolescente, une mère, violée, frappée, manipulée, contrôlée, engrossée, émancipée, épousée, menacée, humiliée, isolée, surveillée, tabassée, prostituée, emprisonnée, accusée, jugée, condamnée, libérée. Une femme coupable d’avoir été victime et victime d’être coupable. C’est une femme qui sort libre de la cour d’assises, libre de vivre, enfin. Et un dernier tampon de la République sur la trop longue liste des défaillances de l’Etat. Mais la République s’en tamponne.

La minute de Flo

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur