Fifi Masuka Saini, gouverneure intérimaire de la province du Lualaba, située dans l’ex-Katanga, la plus riche région minière de la république démocratique du Congo (RDC), a lancé le 1er juin les travaux d’un atelier de formation sur les « bonnes pratiques » pour lutter contre le travail des enfants-soldats dans l’artisanat minier. Soit deux jours de travaux impliquant organisations non gouvernementales (ONG) et responsables politiques locaux, au cours desquels la gouverneure a martelé les efforts du président de la République, Félix Tshisekedi, pour éradiquer ce phénomène, notamment en initiant la gratuité de l’enseignement de base.
Cet atelier succède à d’autres. Tel celui organisé en février dernier à l’initiative de la commissaire générale du gouvernement provincial chargée du genre, de la famille, des enfants et des affaires sociales, et qui rappelait un objectif gouvernemental : « zéro enfant » dans les mines à l’horizon 2025. Ou celui réalisé en mai 2020 avec les ONG Afrewatch, IBGDH et l’appui technique et financier d’Amnesty International, dont les conclusions relevaient benoîtement que « les participants estiment que très souvent, après un atelier, les recommandations sont oubliées ».
Parmi celles-ci, outre la gratuité scolaire déjà citée, figurent la simple application de la loi, l’instauration de mécanismes de contrôle dans une province abandonnée par les pouvoirs et services publics ou l’instauration d’un rapport de force avec les industriels et les multinationales, lesquels profitent de l’anarchie régnant dans l’ex-Katanga et de la corruption endémique des élites locales pour s’affranchir de toutes leurs obligations sociales et environnementales.
Considérée comme le pays au sous-sol le plus riche du monde, qualifiée de « scandale géologique » par le prospecteur belge Jules Cornet dès la fin du XIXe siècle, la RDC constitue le poumon de la « révolution » technologique et énergétique déclenchée au début des années 1990. Ses minerais – à l’instar du cobalt, indispensable à la fabrication des voitures électriques, des ordinateurs et des téléphones portables – irriguent les usines des géants de la high-tech, alors que plus de 40 000 jeunes de moins de 16 ans travaillent dans des conditions épouvantables dans les carrières de la province du Katanga, estiment la section « protection de l’enfant » de l’Unicef et l’ONG internationale Groupe One.
Le 15 décembre 2019, l’association International Rights Advocates (IRA) annonçait le dépôt d’une plainte à Washington contre plusieurs multinationales (Apple, Google, Dell, Microsoft et Tesla), accusées de complicité dans la mort de 14 enfants dans les mines de cobalt, « exploitées en RDC selon des conditions dignes de l’âge de pierre, extrêmement dangereuses, par des enfants qui sont payés 1 ou 2 dollars par jour, pour fournir [le minerai] servant aux onéreux gadgets fabriqués par certaines des plus riches entreprises du monde ».
Mais les protestations des ONG semblent impuissantes à réformer les pratiques d’un secteur opaque qui représente la principale source de devises du pays (près de 16 milliards de dollars annuels, hydrocarbures inclus). Dans un rapport publié en 2016, Amnesty International et Afrewatch ont donné la parole à ces enfants réduits au rang de semi-esclaves, dont le plus jeune est descendu dans la mine à l’âge de 7 ans. « J’ai travaillé dans les mines parce que mes parents n’avaient pas les moyens de me payer à manger et de m’acheter des vêtements, témoignait l’un d’eux. Papa est au chômage et maman vend du charbon. » Les deux ONG pointaient alors : « Même les enfants qui vont à l’école travaillent entre 10 et 12 heures [par jour], pendant les week-ends et les vacances scolaires et aussi avant et après les heures d’école. »