Un livret de douze pages, dans lequel chaque personne souffrant de troubles psychiques peut indiquer ses souhaits en cas d’hospitalisation et les caractéristiques qui lui sont propres, qu’elles soient liées ou non à la maladie. Le kit « Mon GPS », pour « Guide de prévention et de soins en santé mentale », est à la psychiatrie ce que les directives anticipées, introduites par la loi « Leonetti » de 2005, sont à la fin de vie. Le premier n’a pas de caractère légal alors que les secondes s’imposent au corps médical, mais les deux poursuivent le même objectif : mieux prendre en compte les volontés de la personne dans l’hypothèse où celle-ci n’est plus à même de consentir aux soins. L’outil a été développé par deux psychologues cliniciennes, Ofelia Lopez Hernandez et Marie Condemine, en partenariat avec le pôle « Paris 12 » des Hôpitaux de Saint-Maurice. « On travaillait dans un foyer post-cure du GHU Paris neurosciences, dans une démarche de réhabilitation sociale, lorsqu’on a commencé en 2018 à réfléchir à cet outil. On cherchait ainsi à mieux préparer les résidents à la sortie et à prévenir les crises et les rechutes », explique Ofelia Lopez Hernandez.
A travers une revue de littérature scientifique, les deux consœurs ont démontré les vertus des directives anticipées en psychiatrie et des plans de crise conjoints : ces outils sont éthiques mais aussi thérapeutiques. D’abord, ils renforcent le respect des droits des patients, consacrés par la loi « Kouchner » de 2002. Ensuite, ils contribuent concrètement à diminuer les soins sans consentement, les mesures d’isolement et de contention. Ils sont enfin pour les usagers source d’« empowerment », en favorisant leur implication dans les soins et leur pouvoir d’agir sur leur maladie. Peu investies en France, ces directives anticipées en psychiatrie ont été développées en Suisse, en Allemagne ou encore en Espagne. Seuls défauts, objecte Ofelia Lopez Hernandez, « elles ont souvent été créées par des professionnels, sont centrées sur la crise et ne parviennent pas à s’implanter durablement dans les usages ». D’où la volonté de créer un outil francophone qui dépasserait ces limites et serait utilisable dans la vie quotidienne comme lors d’une hospitalisation.
Pour impliquer le maximum de partenaires, le GPS a été imaginé selon une démarche participative. « On a travaillé avec les usagers et les professionnels du sanitaire et du médico-social – des centres médico-psychologiques, des établissements et services d’aide par le travail ou encore des foyers d’accueil médicalisé – mais aussi avec l’Unafam [Union de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques] pour avoir le point de vue des proches. » En résulte une version finale où les besoins de l’usager restent au centre du dispositif. Est ainsi renseignée une série d’éléments sur la vie quotidienne, sur les ressources dont dispose la personne pour aller mieux, sur l’entourage en capacité de la soutenir et sur ses traitements médicamenteux. La personne peut préciser ses expériences passées, ce qu’elle souhaite ou ne souhaite pas en cas d’hospitalisation, ce qui la perturbe ou l’agace (porter un pyjama, ne pas fumer…). Le livret n’est pas lié au diagnostic médical : toute personne, même celle connaissant mal ses troubles, peut le remplir. A condition que sa capacité de jugement ne soit pas altérée au moment de sa rédaction.
Téléchargeable gratuitement, le kit a été mis en ligne fin 2020 sur le site du groupement de coopération sanitaire Psycom, spécialisé dans l’information en santé mentale. Il est accompagné de trois notices : une dédiée aux personnes concernées, une autre aux professionnels et la dernière aux proches. Objectif : que le maximum d’acteurs s’en empare, notamment les professionnels du secteur social et médico-social, nombreux à accompagner des personnes en souffrance psychique. Un « Guide de réflexion sur l’implantation du kit dans les services de soins et d’accompagnement » sera également diffusé dans un second temps. Signe de sa pertinence, le kit « Mon GPS » a reçu, en 2020, le prix du jury au concours « Droits des usagers de la santé », organisé par le ministère des Solidarités et de la Santé. L’ARS Ile-de-France lui a également décerné le label Droits des usagers de la santé 2020. Reste désormais à communiquer pour généraliser l’utilisation de ce GPS, véritable boussole éthique de la prévention et des soins en psychiatrie.