Assister des enfants souffrant de troubles psychiques graves, stimuler leur apprentissage scolaire, amener un supplément de vie… Tel est le rôle de Gandalf et Niddle, les chiens d’assistance en accompagnement social de Passerelles, école spécialisée de l’unité pédopsychiatrique de l’hôpital de jour d’Albi (Tarn). Dans le dispositif Rama (relation d’aide par la médiation animale), les deux toutous partagent le même emploi du temps que leurs référents formés par l’association Handi’chiens, qui leur a confié les labradors.
« Beaucoup de chiens de visiteurs viennent sur site ponctuellement. Les nôtres sont présents 35 heures par semaine », indique Laëtitia Sahum. Référente de Niddle avec Philippe Sonilhac, infirmier, cette éducatrice spécialisée intervient à Passerelles et prépare les enfants aux enseignements qui leur permettront à terme d’intégrer une scolarité en milieu ordinaire. L’infirmier collabore quant à lui à des ateliers tels qu’« Agility », un parcours qui aide à travailler l’attention, le regard, la concentration, la motricité. Anne-Marie Trouche, pédopsychiatre du service à l’origine du projet, est référente de Gandalf, qui l’« assiste » dans ses consultations pour casser le cadre et rassurer les petits. « La rencontre des professionnels avec un enfant autiste est compliquée. C’est mieux avec l’animal que sans. Nos chiens sont un levier », indique-t-elle. Avec eux, les enfants parviennent à patienter, à mémoriser, à se calmer plus vite en cas d’anxiété. A 11 ans, le jeune Martin ne parlait pas. « Il s’est saisi du langage oral grâce à un numéro de dresseur de chien par lequel il a appris, au fil des mois, à donner des ordres et prononcer ses premiers mots », se souvient Laëtitia Sahum. Agités, respectant difficilement les consignes, Lorenzo, Mathis et Brice ont trouvé en Gandalf et Niddle des confidents qui les canalisent. Pour la plupart, ces mineurs sont autistes. Une majorité présentent un retard cognitif associé et souffrent d’isolement. « Le contexte social est souvent difficile », détaille l’éducatrice. Une quarantaine d’entre eux sont suivis au sein de Passerelles, pendant quatre à cinq ans en moyenne. Selon les besoins, ils bénéficient de deux à six demi-journées de médiation thérapeutique par semaine, en petits groupes. « La seule présence du chien peut changer l’atmosphère ou la motivation », précise Laëtitia Sahum.
Pendant la classe, les labradors ont le dos couvert d’une « cape sensorielle » qui sert de support à du matériel. « Pour former des mots ou des séquences, c’est plus amusant et moins intimidant d’aller chercher les lettres, les syllabes ou les pictogrammes scratchés sur le dos du chien, avant de les organiser sur le tableau noir », confie Laëtitia Sahum. Ou de compter avec des croquettes… Les enfants apprennent à brosser le pelage de l’animal, ses dents, à nettoyer ses oreilles… « L’activité de toilettage leur permet de travailler bien plus qu’il n’y paraît, observe le docteur Trouche. Prendre soin d’un autre être vivant apprend à prendre soin de soi-même. »
Le miracle n’est certes pas systématique. « L’intérêt thérapeutique peut être mineur pour certains, véritable pour d’autres », nuance Philippe Sonilhac. Des enfants déscolarisés en grande section de maternelle apprennent à lire, à compter. D’autres, apeurés par l’extérieur, réussissent à sortir, chien en laisse, et à se rendre « dans des endroits (magasins, cinéma) où ils n’auraient pas pu entrer sans eux », indique l’éducatrice spécialisée. Des étapes qui les ouvrent au monde extérieur et leur apprennent à s’intégrer dans la société.