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Le naufrage du logement social au Royaume-Uni

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Le naufrage du logement social au Royaume-Uni

Crédit photo Étienne Cassagne
Une enquête de l’ONG Shelter dévoile la déliquescence de l’habitat dans le pays et appelle le gouvernement à un programme ambitieux de construction de logements sociaux.

Shelter, association caritative pour le logement, appelle le gouvernement britannique à construire 90 000 logements sociaux de bonne qualité par an, après la publication d’une enquête – édifiante – sur l’état de déliquescence de l’habitat dans le pays. Avec l’aide de l’institut de sondage YouGov, Shelter a interrogé 13 000 personnes sur la qualité de leur hébergement et a combiné les résultats avec les données du gouvernement : selon leurs calculs, 34 % des adultes en Grande-Bretagne n’ont pas de foyer sûr ou sécurisé.

Parmi les critères retenus pour définir la qualité du logement figurent l’absence de chambres obligeant à un partage inadapté (par exemple entre frères et sœurs), les problèmes d’humidité et de moisissure, l’impossibilité de garder la maison au chaud pendant l’hiver, les risques de sécurité-incendie liés à des câblages défectueux, ou la précarité financière des personnes logées, obligées de renoncer à des achats de produits de première nécessité (nourriture, produits d’hygiène) pour faire face à leurs échéances de loyer.

Discriminations

L’enquête interroge également les discriminations en « raison de la race, du sexe, de la sexualité, de la nationalité ou de la religion », dans un pays où les statistiques ethniques ne sont pas, comme en France, prohibées. Ainsi, Shelter assure que les « Noirs » sont 70 % et les « Asiatiques » 50 % plus susceptibles d’être touchés par des problèmes de logement que les « Blancs ». Les résultats suggèrent également que plus de la moitié (54 %) des personnes ayant un handicap important n’ont pas de domicile sûr et sécurisé, contre 30 % des personnes sans handicap. Quant aux mères célibataires, les deux tiers (65 %) disent souffrir en fonction de ces mêmes critères.

La date de la publication des données de Shelter n’a pas été choisie au hasard, avec la fin de la trêve de l’expulsion des locataires, censée intervenir à la fin du mois de mai, et une estimation de 450 000 familles « en retard de loyer à cause de la crise du Covid ».

« La pandémie a montré de profondes inégalités dans notre système de logement, les personnes vivant dans des habitations précaires et surpeuplées étant d’avantage exposées aux impacts sanitaires et économiques », a réagi Lucy Powell, responsable du logement au sein de l’opposition travailliste.

« Des décennies de négligence ont laissé le système de logement britannique à genoux », constate de son côté Polly Neate, directrice générale de Shelter. « Une maison sûre est essentielle mais des millions de personnes n’en ont pas. Des vies sont ruinées par des réductions d’allocations, une discrimination flagrante et l’échec total de construction de logements sociaux. »

Logement social à l’abandon

Pour comprendre la spécificité de la situation britannique, il faut remonter aux années Thatcher et à la décision du gouvernement conservateur de mettre un coup d’arrêt à la construction publique. En 1988, ce dernier a par exemple interdit aux autorités locales de construire des logements sociaux, confiant cette tâche à des bailleurs sociaux de droit privé. « Or le secteur privé n’a pas remplacé les constructions autrefois réalisées par les autorités locales », soulignait en 2016 un rapport de la Chambre des Lords.

Un autre facteur avait aggravé la crise : en offrant la possibilité aux locataires de devenir propriétaires de leurs logements sociaux à des conditions très avantageuses, le vaste programme « The Right to Buy » (« le droit d’acheter ») inauguré dès 1980, a exclu de fait les ménages les plus précaires et renforcé leur incapacité à accéder à ces logements sociaux. L’échec patent de ces réformes n’a pas découragé d’autres gouvernements de s’en inspirer. A l’image du slogan « Tous propriétaires » de Nicolas Sarkozy en 2007, lié au projet (raté) des « maisons à 100 000 € » lancé par son ministre de la Cohésion sociale Jean-Louis Borloo.

… et d’ailleurs

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