Les animaux sont au cœur de notre société et de notre culture. De surcroît, ces dernières années, la place de l’animal est de plus en plus importante dans le monde professionnel et notamment dans le secteur social et médico-social. Selon une enquête menée par Facco et Kantar TNS en 2018, près d’un foyer sur deux posséderait au moins un animal de compagnie en France.
Le présent dossier abordera la place de l’animal dans le secteur social et médico-social sous l’angle de la médiation animale. Il reviendra ensuite sur l’évolution de la législation sur les animaux et les perspectives d’évolution.
Les animaux intègrent la sphère sociale et médico-sociale dans le but de créer des réactions émotionnelles, psychologiques ou physiques visant à améliorer la condition de la personne. Mais l’encadrement de ce type de « soins » comme leur fonctionnement posent question en pratique. Retour sur l’émergence de la « médiation animale ».
Il n’existe malheureusement aucune définition juridique ni d’encadrement et, en conséquence, aucune sécurité juridique sur ce « dispositif ».
Les termes de « médiation animale » sont apparus dans le vocabulaire commun en 2008. Ils sont reconnus par la Haute Autorité de santé (HAS) dans le cadre des thérapies non médicamenteuses.
Ces termes à la fois neutres et inclusifs désignent un processus qui consiste pour un professionnel à mettre en relation un animal et une personne en vue de réaliser un programme thérapeutique, social ou éducatif. Selon la Fondation Adrienne et Pierre Sommer, ce dispositif s’analyse comme « la recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal ».
A noter : La Fondation Adrienne et Pierre Sommer est une organisation à but non lucratif privée et indépendante créée en 1971, qui œuvre pour développer la médiation animale. Elle met ainsi en œuvre des actions d’information et de recherche et soutient également des programmes à travers tout le territoire français.
Le cadre juridique de la médiation animale dans le secteur sanitaire et dans le secteur social et médico-social est difficile à appréhender.
A ce jour, aucun texte spécifique ne vient réglementer la médiation animale. Néanmoins, certaines dispositions régissent l’accessibilité des animaux dans les établissements publics relevant du secteur sanitaire mais également du secteur social et médico-social.
Conformément à l’article R. 1112-48 du code de la santé publique, les animaux domestiques ne sont pas autorisés dans l’enceinte des hôpitaux à l’exception des chiens-guides d’aveugles. Toutefois, les chiens-guides d’aveugles ne peuvent pas entrer dans les chambres des patients et dans les salles de soins. En outre, le législateur admet que les personnes en situation de handicap puissent être accompagnées de leur animal d’assistance dans les transports et les lieux publics sans porter de muselière à condition néanmoins de justifier de leur éducation (code rural et de la pêche maritime, art. L. 211-30).
Par conséquent, on observe que l’accès d’un animal dans les établissements de santé est très réglementé et que seules certaines exceptions limitativement énumérées peuvent être acceptées par la direction de ces établissements.
Dans le secteur social et médico-social, le législateur n’interdit pas expressément la présence d’un animal. Chaque établissement est donc en droit d’autoriser ou non la présence des animaux. La direction de l’établissement doit néanmoins recueillir l’avis du coordinateur pour la lutte contre les infections associées aux soins et de l’équipe opérationnelle d’hygiène. En effet, la présence animale peut comporter des risques à l’égard des bénéficiaires. A titre d’illustration, des infections peuvent être transmises en cas de griffures ou de morsures de chiens ou de chats. Il existe également des risques d’allergie.
En l’absence de cadre légal défini, les types d’intervenants peuvent être nombreux.
S’il est au cœur du processus de médiation, l’animal n’est toutefois pas le thérapeute. Il est soigneusement choisi et éduqué par un professionnel en fonction du public qui sera visé par la médiation. On retrouve généralement des chiens mais également des lapins, des chats, des poneys ou encore des chevaux.
La médiation animale est de plus en plus utilisée et reconnue en France par certains professionnels comme les psychomotriciens, les infirmiers, les ergothérapeutes ou encore les travailleurs sociaux. Depuis quelques années, on peut également voir apparaître des formations spécialisées dans la médiation notamment équine et canine.
En 2020, la Fédération française d’équitation a proposé pour la première année une formation de « médiateur équin ». Cette formation s’adresse aux professionnels du secteur sanitaire, social et médico-social et aux professionnels de l’encadrement des activités équestres. Elle compte 546 heures de formation dont 140 heures de stages réparties sur 18 mois et permet notamment de prendre en compte les besoins individualisés des bénéficiaires, d’apprendre à élaborer un projet d’accompagnement personnalisé ou encore de conduire et d’évaluer des séances. Le médiateur équin intervient ainsi en complément des professionnels soignants et éducatifs.
L’équicien est un professionnel dont la mission est d’accompagner et de mettre en relation des personnes en situation de handicap avec des équidés. Il met en place des actions individualisées et participe ainsi au développement des personnes en situation de handicap. Cette profession s’adresse aux personnes qui possèdent des compétences dans le domaine des sciences humaines et le domaine équin, mais également à celles qui disposent d’un sens de l’écoute et d’une appétence pour le travail en équipe. Pour devenir équicien, il convient d’obtenir une certification par le biais d’une formation continue ou d’une validation des acquis de l’expérience.
Le praticien en médiation canine est un professionnel qui intervient auprès de personnes âgées ou handicapées mais également auprès d’enfants ou d’adolescents présentant des troubles du comportement ou des difficultés psychologiques afin de développer leur autonomie, de les stimuler et de favoriser leur bien-être. Plusieurs organismes de formation proposent des sessions chaque année.
Quel que soit le type de professionnel ou d’animal, les intervenants doivent connaître les besoins et les troubles de la personne qu’ils accompagnent mais également les capacités et les limites de l’animal.
En raison de l’augmentation de l’espérance de vie dans notre pays, la proportion de personnes âgées au sein de la population s’accroît. Les initiatives se multiplient ainsi depuis plusieurs années pour les accompagner et leur permettre de vivre en bonne santé.
Parmi ces différentes initiatives, la médiation animale est de plus en plus utilisée notamment dans les maisons de retraite. En effet, la médiation animale est bénéfique pour ce public parce qu’elle permet notamment de stimuler leur capacité de déplacement, de travailler la coordination ou encore de réduire les angoisses et les tensions. Ce dispositif permet également de créer un lien d’affection et de rompre l’isolement des personnes âgées(1).
En France, on estime aujourd’hui que près de 12 millions de personnes seraient en situation de handicap. Il existe plusieurs types de handicaps : visuel, moteur, auditif, psychique, mental ou lié à une maladie.
Pour les accompagner, les professionnels peuvent avoir recours à la médiation animale. Elle a pour objectif de les faire travailler sur le plan sensoriel en favorisant le contact physique avec l’animal, sur le plan moteur en préservant leurs capacités de déplacement ou encore sur le plan psychologique en contribuant à renforcer l’estime de soi et l’interaction sociale(2).
Le contact entre l’enfant ou l’adolescent et l’animal contribue à son développement à différents stades clés de sa vie. Il permet notamment de favoriser sa motricité, sa pédagogie ou encore la confiance en soi(3).
Si le législateur ne fixe pas de cadre juridique précis à la médiation animale, il prévoit en revanche des mesures spécifiques aux animaux dans le code civil ou encore dans le code rural et de la pêche maritime. Nous reviendrons brièvement sur l’évolution de la législation et aborderons les perspectives d’évolution à venir.
Le droit des animaux tend à se développer depuis le Moyen Age. A cette époque, les animaux étaient considérés comme des sujets de droit. Ils devaient répondre de leurs agissements devant le juge et étaient défendus par des avocats. A l’issue de leur procès, ils pouvaient être acquittés ou condamnés, généralement à la pendaison.
Par la suite, les animaux ont été intégrés au sein de certains articles du code civil de 1804. Toutefois, il faudra attendre 1850 et la loi « Grammont » sur les mauvais traitements envers les animaux domestiques pour voir apparaître en droit français la première loi sur les animaux. Cette loi avait été proposée par un député sensible au traitement des chevaux de guerre et des animaux dans les rues. Elle punissait d’une amende de 5 à 15 francs et d’une peine de prison de 5 jours les personnes qui exerçaient « publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques ». Cette législation a ensuite été élargie une centaine d’années plus tard aux mauvais traitements commis dans la sphère privée et aux animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité.
De surcroît, à compter du milieu des années 1970, le législateur a reconnu le caractère sensible de l’animal. La loi du 10 juillet 1976 est ensuite venue préciser au sein du code rural que : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. » Elle reconnaissait ainsi les conséquences des mauvais traitements des animaux sur leur sensibilité.
Par la suite, la loi du 22 juin 1989, dite loi « Nallet », a rendu obligatoire la vaccination antirabique des carnivores domestiques dans les départements déclarés infectés par la rage (art. 17). Elle a également réglementé les modalités de vente d’animaux et a prohibé l’euthanasie systématique des animaux mis en fourrière ( art. 1er et s.).
La loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux est adoptée est revenue notamment sur la réglementation des fourrières et des cessions d’animaux. A titre d’illustration, la vente de chiots et de chatons est alors prohibée en dessous de 8 semaines (art. 16). De même, elle a alourdi à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende la peine encourue en cas de maltraitance animale (art. 22). En outre, elle a fait une distinction symbolique entre les animaux et les objets au sein du code civil, laissant toutefois l’animal dans la catégorie des biens meubles (art. 24 et s.).
Plus récemment, en 2015, le législateur a modifié le code civil et intégré la notion de « sensibilité » rejoignant ainsi l’avancée réalisée par le code rural. L’animal n’est donc plus seulement un bien meuble mais il reste néanmoins soumis au régime des biens. On notera que cette évolution n’est pas significative et vise uniquement à harmoniser le statut juridique des animaux au sein des différentes sources juridiques.
En conséquence, au dernier état du droit, l’animal ne possède pas de personnalité juridique et est réglementé par le droit des biens.
En France, les animaux ne bénéficient pas d’une personnalité juridique et sont assimilés à des biens. Face à cette situation, les associations de défense des animaux tentent de faire reconnaître un statut particulier aux animaux.
L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, le 29 janvier 2021, une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale.
Cette proposition contient diverses mesures parmi lesquelles figurent notamment la création d’un certificat de sensibilisation pour l’acquisition d’un animal de compagnie dont le contenu et les modalités de délivrance seraient établis par décret (art. 1er) ou encore la stérilisation des chats errants (art. 4).
Elle renforce également les sanctions à l’encontre des personnes se livrant à des sévices graves ou à des actes de cruauté. La peine serait portée à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende et elle pourrait être complétée par un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance (art. 8 et 9).
En outre, la proposition interdit la détention d’animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums (art. 12) mais également les élevages de visons d’Amérique destinés à la production de fourrure (art. 15).
A ce jour, le texte n’est toujours pas passé devant le Sénat.
Le référendum d’initiative partagée est une procédure prévue par l’article 11 de la Constitution de 1958 depuis la réforme constitutionnelle de 2008. Il donne la possibilité de formuler une proposition de loi devant le Parlement à condition d’être soutenue par 185 parlementaires et 10 % du corps électoral, soit environ 4,7 millions de personnes.
La proposition doit porter sur l’organisation des pouvoirs publics, les réformes relatives à la politique économique, sociale et environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent. De surcroît, elle ne peut pas avoir comme conséquence d’abroger une disposition législative promulguée par le président de la République depuis moins de 1 an.
A titre d’exemple, un projet de référendum d’initiative partagée avait été lancé pour modifier le statut des Aéroports de Paris. Néanmoins, il n’a pas abouti dans la mesure où le seuil requis n’était pas atteint puisqu’il était soutenu par seulement 1 093 030 personnes.
Une proposition de référendum d’initiative partagée sur le bien-être animal a été lancée le 2 juillet 2020(1). Le texte propose six mesures :
• interdiction de l’élevage en cage ;
• interdiction des élevages à fourrure ;
• fin de l’élevage intensif ;
• interdiction de la chasse à courre, du déterrage et des chasses dites « traditionnelles » ;
• interdiction des spectacles avec animaux sauvages ;
• fin de l’expérimentation animale.
A ce jour, le projet de référendum sur les animaux est soutenu par environ 930 000 personnes et 151 parlementaires (chiffres mis à jour le 2 juin 2021). Les seuils ne sont donc pas encore atteints pour le moment.
Selon l’article 1243 du code civil : « Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. »
Dès lors, le professionnel qui encadre la médiation est responsable de l’animal et des risques liés à son intervention. A titre d’illustration, si l’animal mord un bénéficiaire, l’intervenant sera responsable puisque l’animal était sous sa garde au moment de l’accident. Il lui incombe donc de souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle.
• En Belgique, le Parlement de Wallonie a adopté en 2018 un code du bien-être animal. Il réglemente la détention et le commerce d’animaux ou encore les expérimentations animales. A titre d’illustration, il est interdit de teindre un animal (art. D. 39) ou de détenir des animaux dans les cirques (art. D. 25).
• Aux Etats-Unis, en 2015, la Cour suprême de New York a accordé le statut de personnes « non humaines » à deux chimpanzés qui avaient été utilisés par une université pour une étude scientifique.
• En Argentine, en 2014, un tribunal a reconnu le statut de « sujet non humain ayant le droit à la liberté » à une femelle orang-outan. Elle a pu être transférée en 2019 dans une réserve en Floride avec d’autres congénères provenant de cirques et de zoos.
(1) Pour plus d’informations, voir Les Cahiers de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer – Cahier n° 1, « Personnes âgées et médiation animale ».
(2) Pour plus d’informations, voir Les Cahiers de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer – Cahier n° 2, « Médiation animale et handicaps ».
(3) Pour plus d’informations, voir Les Cahiers de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer – Cahier n° 3, « Développement de l’enfant et présence animale ».