Les scandales se multiplient au Maroc, où les autorités affichent leur incurie dans la prise en charge des mineurs isolés comme de ceux en situation de handicap. Au cœur de la tourmente, le ministère de la Solidarité, du Développement social, de l’Egalité et de la Famille, dirigé par Jamila El Moussali, issue de la formation islamiste du Parti de la justice et du développement (PJD). Incapables de débloquer le budget alloué à l’enseignement des enfants en situation de handicap, officiellement en raison de dysfonctionnements entre son ministère et celui de l’Economie et des Finances, Jamila El Moussali a été sauvée in extremis par l’Entraide nationale, une structure créée à l’indépendance par le roi Mohammed V, laquelle s’est engagée à verser la subvention allouée pour l’année 2020. Mais rien n’est réglé : les associations qui s’occupent des enfants en situation de handicap, moyennant le versement d’une allocation mensuelle, ont été contraintes de déposer un dossier auprès de l’Entraide nationale pour espérer toucher leur dû, et ont maintenu leur mouvement de grève, en rappelant que près de 5 000 cadres et enseignants n’avaient pas été payés depuis dix mois, en raison de la négligence du gouvernement.
Selon les chiffres dévoilés par le quotidien Assabah, le budget annuel total alloué au fonds d’appui à la protection sociale ne dépasse pas 167 millions de dirhams (15,5 millions d’euros). Une somme qui n’a pas bougé depuis 2019, en dépit des carences et d’une croissance constante de la démographie marocaine. Pire, la subvention mensuelle pour chaque enfant handicapé est passée de 1 100 à 750 dirhams (de 102 à 70 €) ces cinq dernières années. Le royaume chérifien, qui délègue la plupart de ses missions régalienne d’entraide aux associations, que ce soit pour la prise en charge du handicap, des mineurs isolés ou pour la lutte contre l’illettrisme, n’est même plus en capacité de respecter les dispositions du code du travail. Toujours selon Assabah, les salariés du secteur, lorsqu’ils sont payés, ne le sont que 11 mois sur 12 et sont privés de leurs congés payés.
Une déliquescence qui éclaire d’un autre jour l’inertie du Maroc, accusé d’avoir sciemment laissé entrer, à la mi-mai, près de 10 000 migrants dont de très nombreux mineurs isolés, dans l’enclave espagnole de Ceuta. Si dans ce cas précis, les chancelleries occidentales, en particulier la France et l’Espagne, soupçonnent Rabat d’utiliser les flux migratoires pour forcer les pays de l’Union européenne à modifier leur position sur la question du Sahara occidental (dont la souveraineté est disputée par le Front Polisario soutenu par l’Algérie), le problème est bien plus vaste et les pouvoirs publics en Europe sont eux-mêmes dépassés de longue date par l’ampleur du phénomène. « Nous sommes un territoire de 19 km2 et de 85 000 habitants : nous n’avons pas de capacités ni de ressources pour loger ou scolariser tous ces enfants. Ce n’est pas tenable », explique Mabel Deu, vice-présidente de la ville autonome de Ceuta, dans les colonnes du Monde du 6 juin, alors que 1 200 nouveaux mineurs rejetés par le Maroc ont été recensés ces dernières semaines. « Nous nous préparons à mettre en place un dispositif qui permettrait de recevoir ces mineurs dans de meilleures conditions », a rétorqué la ministre marocaine de la Solidarité, en promettant un accueil dans des centres sociaux appartenant à l’Etat, à la suite de l’annonce du roi Mohammed VI de régler « définitivement » l’affaire des mineurs non accompagnés. Une promesse qui laisse perplexe, tant ce ministère dysfonctionnel et sans moyens s’avère déjà incapable d’assurer la prise en charge de l’éducation des enfants handicapés comme de rémunérer ses travailleurs sociaux.