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Accidents du travail et maladies professionnelles

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Accidents du travail et maladies professionnelles

Crédit photo Alison Dahan, Clarisse Girard
Les professionnels du secteur social et médico-social sont particulièrement exposés à des accidents du travail et à des maladies professionnelles. Panorama des risques professionnels au sein du secteur et éclairage sur la faute inexcusable de l’employeur, tenu à une obligation légale de sécurité et de protection de la santé envers ses salariés.

En 2017, 16 % de la totalité des accidents du travail se sont déroulés dans le secteur social et médico-social alors que les salariés de ce secteur représentent seulement 11 % des salariés, chiffres publiés par le site de l’assurance maladie. En outre, parmi les métiers de l’aide et des soins à la personne, la fréquence des accidents du travail est de 51,9 pour 1 000 salariés, 33,5 pour 1 000 salariés dans les autres secteurs.

Par ailleurs, on observe également des disparités au sein du secteur de l’aide et des soins à la personne dans la mesure où les accidents du travail sont « trois fois plus nombreux pour les activités menées auprès des personnes âgées ». La question des accidents du travail et des maladies professionnelles a donc une place centrale dans ce secteur d’activité professionnelle.

Le dossier reviendra ainsi sur les principaux risques professionnels du secteur social et médico-social et s’intéressera plus particulièrement à la faute inexcusable de l’employeur.

I. Les risques professionnels au sein du secteur

A. Accidents du travail

1. Définition

Conformément à l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale (CSS) : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »

La qualification d’un accident du travail repose donc sur la réunion de trois conditions cumulatives :

• un fait accidentel survenu à une date certaine. De jurisprudence constante, la Cour de cassation exige que l’événement accidentel soit survenu à une date certaine. Tel est le cas par exemple d’une brûlure ou d’une chute. En revanche, lorsque la lésion est apparue de manière lente et progressive, par exemple lors de la répétition d’un geste, il s’agit d’une maladie professionnelle et non d’un accident du travail ;

• une lésion. Un accident du travail est subordonné à l’existence d’une lésion médicalement constatée. Elle peut être physique et résulter, à titre d’illustration, d’une plaie ou d’une entorse, mais elle peut également être d’ordre psychologique. On peut prendre l’exemple d’une assistante de vie agressée verbalement par un bénéficiaire qui se retrouve en état de choc ;

• un lien avec le travail. Afin d’établir l’existence d’un accident du travail, il convient d’établir un lien entre l’accident et le travail. Le législateur a mis en place une présomption de causalité lorsque l’accident se déroule au temps et au lieu de travail. Dans ces conditions, une infirmière qui fait une chute de plain-pied chez un patient pendant ses heures de travail bénéficie de la présomption de causalité. En revanche, lorsque l’accident ne survient par au temps et au lieu de travail, il ne peut être qualifié d’accident du travail, sauf si le salarié peut le rattacher à son activité professionnelle. A titre d’illustration, un malaise survenu au moment d’une visite médicale chez le médecin du travail est présumé être un accident du travail (voir notamment Cass. civ. 2e, 6 juillet 2017, n° 16-20119).

2. Procédure pour faire reconnaître un accident du travail

Lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail, il doit prévenir son employeur dans la journée où l’accident s’est produit ou au plus tard dans les 24 heures (CSS, art. R. 441-2) pour que ce dernier effectue une déclaration de l’accident auprès de la caisse d’assurance maladie. L’employeur dispose d’un délai de 48 heures pour accomplir les formalités (CSS, art. R. 441-3).

Après avoir réalisé la déclaration d’accident, l’employeur peut émettre des réserves auprès de la caisse sur la qualification professionnelle de l’accident dans un délai de 10 jours francs (CSS, art. R. 441-6). Les réserves peuvent porter sur les circonstances de lieu et de temps de l’accident mais également sur l’existence d’une cause étrangère au travail (voir notamment Cass. civ. 2e, 10 juillet 2008, n° 07-18110). A titre d’illustration, un employeur peut émettre des réserves si un assistant de vie prétend avoir été victime d’un accident alors que le bénéficiaire indique qu’il ne s’est pas présenté pour réaliser l’intervention.

La caisse d’assurance maladie dispose de son côté d’un délai de 30 jours francs à compter de la réception de la déclaration d’accident et du certificat médical pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident (voir schéma ci-dessous).

De surcroît, lorsque la caisse a des doutes sur le caractère professionnel de l’accident, elle peut procéder à une enquête plus approfondie et dispose alors d’un délai de 90 jours pour rendre sa décision. Au cours de cette procédure (voir schéma page 20), la caisse adresse un questionnaire à l’employeur et à la victime et peut procéder à une expertise de la victime. Une fois que la caisse a terminé ses investigations, elle met le dossier à la disposition des parties afin de leur permettre de le consulter et d’effectuer des observations (CSS, art. R. 441-8).

3. Accident de trajet

Il convient de distinguer les accidents du travail et les accidents de trajet. Si l’indemnisation par la caisse d’assurance maladie est identique pour les deux types d’accidents, en revanche, le salarié victime d’un accident de trajet ne bénéficiera pas d’une protection particulière contre le licenciement et il ne pourra pas engager la responsabilité de son employeur sur le fondement d’une faute inexcusable (voir page 23).

Un accident est qualifié d’« accident de trajet » lorsqu’il survient sur le trajet entre le lieu de résidence et le lieu de travail ou sur le trajet entre le lieu de travail et le lieu de repas à condition de remplir certains critères (CSS, art. L. 411-2) :

• trajet normal : un parcours est dit « normal » lorsqu’il est habituel et direct ;

• temps normal : l’accident doit survenir à des horaires normaux de travail. Si au cours de son trajet le salarié prend une pause de 2 heures pour aller au supermarché et qu’il a un accident, il ne sera plus protégé.

B. Maladie professionnelle

1. Définition

Une maladie peut être reconnue comme professionnelle lorsqu’elle est inscrite dans la liste des maladies professionnelles ou suite à une expertise médicale (CSS, art. L. 461-1).

a) Maladies inscrites dans la liste des maladies professionnelles

Progressivement, le législateur a créé différents tableaux de maladies professionnelles. Chaque tableau recense (CSS, art. R. 461-3) :

• le nom de la maladie ;

• le délai de prise en charge : ce délai correspond au délai au cours duquel la maladie doit être constatée médicalement pour la première fois à compter de la cessation de l’exposition au risque ;

• la liste des principaux travaux susceptibles de provoquer ladite maladie.

Pour bénéficier de la présomption du caractère professionnel d’une maladie, le salarié doit tout d’abord démontrer que l’affection est expressément mentionnée dans les tableaux des maladies professionnelles. Il doit ensuite respecter le délai de prise en charge mentionné par le code de la sécurité sociale. Enfin, il lui incombe de prouver qu’il a été exposé de façon habituelle aux travaux indiqués dans la liste fixée par les tableaux des maladies professionnelles.

A titre d’illustration, pour présumer qu’une « tendinopathie d’insertion des muscles épicondyliens associée ou non à un syndrome du tunnel radial » est d’origine professionnelle, le salarié doit avoir exécuté de façon habituelle des « travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d’extension de la main sur l’avant-bras ou des mouvements de pronosupination » (CSS, annexe II, tableau n° 57) et faire constater sa maladie dans un délai maximal de 14 jours à compter de la cessation de l’exposition au risque.

Par ailleurs, s’agissant du syndrome du canal carpien, la présomption ne joue que si le salarié a été exposé à des « travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d’extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main » (CSS, annexe II, tableau n° 57) et que la première constatation médicale intervient dans un délai de 30 jours à compter de la fin de l’exposition au risque.

b) Maladies reconnues suite à expertise médicale

Si le salarié ne remplit pas l’ensemble des conditions posées par les tableaux de maladies professionnelles ou si sa maladie n’est pas inscrite dans ces tableaux, il peut se voir reconnaître l’existence d’une maladie professionnelle après expertise médicale.

Toutefois, dans ces deux hypothèses, le salarié doit remplir certaines conditions particulières. Lorsque la maladie est inscrite dans les tableaux mais que les conditions ne sont pas remplies, elle peut être d’origine professionnelle si elle est directement causée par le travail habituel du salarié. En revanche, si la maladie n’est pas inscrite dans les tableaux (cas du du burn out), le salarié doit prouver qu’elle est essentiellement et directement causée par son travail habituel et qu’elle a entraîné son décès ou une incapacité permanente de 25 % (CSS, art. R. 461-8).

2. Procédure de reconnaissance des maladies professionnelles

Contrairement à l’accident du travail, la déclaration d’une maladie professionnelle est effectuée par la victime (voir schéma page 22). A compter de la réception de la déclaration, la caisse dispose d’un délai de 120 jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou pour saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Afin de réaliser des investigations, la caisse adresse un questionnaire à l’employeur et au salarié. Une fois ses investigations terminées, le dossier est mis à la disposition des parties, qui peuvent le consulter et émettre des observations (CSS, art. R. 461-9).

La caisse est tenue de saisir le CRRMP lorsqu’une ou plusieurs conditions du tableau de maladie professionnelle ne sont pas remplies ou lorsqu’il s’agit d’une demande de reconnaissance de maladie hors tableau.

Lorsque la caisse saisit le CRRMP, elle dispose alors d’un nouveau délai de 120 jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie (voir schéma page 22). Au cours de ce délai, elle met le dossier à la disposition des parties qui peuvent le consulter et émettre des observations. A l’issue de cette procédure, le dossier est examiné par le comité qui rend un avis dans un délai de 110 jours francs à compter de sa saisine. Une fois que le comité a rendu son avis, la caisse effectue ensuite une notification de sa décision à la victime et à l’employeur conformément à cet avis (CSS, art. R. 461-10). En conséquence, la caisse se trouve liée par l’avis rendu par le CRRMP.

C. Les principaux risques professionnels

L’assurance maladie est venue recenser les différents types de risques professionnels au sein du secteur social et médico-social. Ces risques peuvent être classés en plusieurs catégories.

• Risques liés à l’activité physique et aux manutentions manuelles. Dans le secteur des services à la personne et de l’aide à domicile, certaines maladies sont beaucoup plus fréquentes que d’autres. En raison de l’accomplissement de gestes répétitifs, les salariés sont très souvent confrontés à des affections péri-articulaires au poignet, à l’épaule ou au coude (CSS, annexe II, tableau n° 57). Ils contractent également des affections du rachis lombaire (CSS, annexe II, tableau n° 98) ou des maladies liées à des agents infectieux ou parasitaires.

• Risques de chutes et de glissades. Les salariés réalisent de nombreux déplacements au cours de leurs activités. De ce fait, ils sont sujets de manière plus fréquente que dans d’autres secteurs à des chutes de plain-pied ou de hauteur.

• Risques infectieux. Le risque infectieux est non négligeable dans le secteur social et médico-social. En effet, les salariés sont en contact permanent avec des personnes fragiles mais également avec des déchets médicaux. Ces risques se sont multipliés pendant la crise sanitaire. Les salariés étaient susceptibles de transmettre la Covid-19 mais également d’être infectés au cours de leurs activités.

• Risques psychosociaux. Le secteur social et médico-social est parfois confronté à l’usure professionnelle. Il arrive par exemple que le salarié ne soit pas suffisamment formé ou que la charge de travail soit trop importante. Il incombe alors à l’employeur de mettre en place des actions de prévention ciblées (ex. : entretien professionnel pour réfléchir sur des formations ou une évolution professionnelle).

Dans certaines structures d’aide à domicile, le risque d’isolement est parfois important. Les contraintes peuvent être nombreuses (longs trajets, logements des bénéficiaires non adaptés…). Dans cette hypothèse, des solutions peuvent être apportées par exemple pour réorganiser les tournées des intervenants ou réaliser des réunions régulièrement.

Dans les Ehpad, le personnel est très souvent confronté à la souffrance et au décès des personnes âgées qu’il prend en charge. Pour aider les salariés, la direction peut analyser la performance de la procédure en place et prévoir des temps d’échange et des formations spécifiques sur la fin de vie.

• Risques liés aux horaires atypiques. Le domaine de l’aide et des soins aux personnes nécessite une présence continue auprès des bénéficiaires ou des patients. En vue d’assurer la continuité des soins, les salariés travaillent ainsi de jour comme de nuit et parfois en astreinte.

Ces horaires de travail peuvent provoquer des troubles de la concentration et de la fatigue, mais ils ont également des conséquences à long terme puisqu’ils peuvent augmenter par exemple la fréquence de certains cancers.

• Risques chimiques. Les salariés sont soumis à des risques chimiques lorsqu’ils manipulent certains produits de désinfection ou de nettoyage ou encore certains médicaments.

• Risques liés aux agents physiques. Les risques liés aux agents physiques sont moins fréquents puisqu’ils concernent les salariés exposés aux champs électromagnétiques, aux rayonnements optiques ou à la radioactivité. Sont par exemple dans cette situation les personnes qui pratiquent les IRM ou les radiologies.

• Risques liés aux déplacements. Les salariés qui travaillent dans le secteur de l’aide et des soins à la personne sont très exposés au risque routier. A titre d’illustration, les salariés qui interviennent à domicile effectuent plusieurs interventions chaque jour. Ils réalisent donc de nombreux déplacements et les trajets peuvent être risqués en raison des conditions météorologiques, des horaires décalés, du travail de nuit ou encore du travail les week-ends et jours fériés.

II. La faute inexcusable de l’employeur

La « faute inexcusable » est une notion parfois méconnue par les employeurs comme par les salariés. Le présent dossier reviendra brièvement sur cette notion et sur les conséquences de sa reconnaissance. Il s’intéressera ensuite à la jurisprudence très récente de la Cour de cassation sur les particuliers employeurs.

A. Notion et procédure de demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur

La définition de la faute inexcusable de l’employeur a été remaniée à plusieurs reprises par la Cour de cassation. Par 29 arrêts rendus le 28 février 2002 et publiés au Bulletin, la Cour de cassation relie la faute inexcusable de l’employeur à la violation de son obligation d’assurer la sécurité des salariés dans leur cadre de travail : « En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l’entreprise ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver » (Cass. soc., 28 février 2002, nos 00-10051, 99-21255, 99-17201, 99-17221 et autres).

Un salarié qui souhaite faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur peut en premier lieu se diriger vers une procédure amiable. Cette tentative de conciliation entre les parties est toutefois facultative. En l’absence d’accord amiable entre l’employeur et le salarié, le litige est ensuite tranché par le pôle social du tribunal judiciaire (CSS, art. L. 452-4).

A noter : L’action en reconnaissance d’une faute inexcusable se prescrit par 2 ans à compter du jour de l’accident, de la cessation du travail ou du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières (CSS, art. L. 431-2).

B. Les conséquences indemnitaires

La reconnaissance d’une faute inexcusable a des conséquences financières très lourdes pour l’employeur. En effet, la victime peut prétendre à une majoration de sa rente (CSS, art. L. 452-2) et à une réparation complémentaire des préjudices qu’elle a subis. Les préjudices réparés sont ceux listés par le livre IV du code de la sécurité sociale : le préjudice esthétique, d’agrément, les souffrances physiques et morales, la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle, mais également, depuis une série d’arrêts du 4 avril 2012 rendus par la Cour de cassation, les préjudices non couverts par le code tels que les frais d’aménagement du domicile, de la voiture ou encore le préjudice sexuel. En outre, il convient de préciser que la caisse d’assurance maladie peut également demander le remboursement des sommes qu’elle a engagées (CSS, art. L. 452-3).

A noter : Conformément à l’article L. 452-4 du code de la sécurité sociale, l’auteur d’une faute inexcusable est responsable des conséquences financières sur son patrimoine personnel. Dès lors, le législateur autorise les employeurs à s’assurer contre les conséquences financières de leur propre faute inexcusable et de celle de leurs préposés.

C. La faute inexcusable et le particulier employeur

Jusque très récemment, les particuliers employeurs se voyaient exclus des règles permettant d’engager leur responsabilité dans l’hypothèse d’un manquement à l’obligation de sécurité ayant eu pour conséquences une faute inexcusable.

Il était donc admis, sous le simple prétexte de la qualité de l’employeur « particulier », que les salariés n’aient pas les mêmes garanties quant à la protection de leur santé et de leur sécurité au travail.

A la suite d’un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 8 avril dernier, la Haute Juridiction a, pour la première fois, considéré que « comme tout employeur, un particulier est tenu à une obligation légale de sécurité et de protection de la santé envers son employé de maison susceptible d’engager sa responsabilité au titre de la faute inexcusable » (Communiqué de la Cour de cassation, « Obligations du particulier employeur », 8 avril 2021, à propos de Cass. civ. 2e, 8 avril 2021, n° 20-11935).

Dans cette affaire, l’employée à domicile du particulier avait chuté d’un balcon.

Les conséquences avaient été tout à fait dramatiques, l’employée étant devenue paraplégique à la suite de l’accident.

En l’absence de reconnaissance d’une faute inexcusable, l’accident était pris en charge au titre de la législation professionnelle et le salarié bénéficiait des indemnités journalières de la CPAM au titre des accidents du travail et maladies professionnelles, mais la réparation ne connaissait qu’un caractère forfaitaire.

Ainsi, la simple qualité de l’employeur « particulier » empêchait la victime de bénéficier de la réparation fixée par les dispositions du code de la sécurité sociale dès lors que la reconnaissance d’une faute inexcusable était exclue.

Le particulier employeur et ses salariés sont soumis à des dispositions régulièrement exclusives de l’application de droit commun et du code du travail.

Ainsi, par exception, le cadre juridique applicable est issu de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 et le code du travail prévoit expressément que son application doit être restreinte à certaines dispositions spécifiques.

Rappelons en préambule que les salariés du particulier employeur sont ceux que l’on nommait les « employés de maison » – les anciens « domestiques ».

Ce n’est en effet qu’en 2016 que la loi « travail » du 8 août 2016 a modifié les termes « employés de maison » pour les remplacer par ceux de « salariés du particulier employeur ».

Aujourd’hui, l’article L. 7221-1 du code du travail donne la définition des salariés employés par des particuliers : ce sont ceux employés au domicile privé afin de réaliser les travaux à caractère familial ou ménager, tandis que les particuliers employeurs visent les personnes employant un ou plusieurs salariés à leur domicile privé, à l’exclusion de tout but lucratif, et afin de satisfaire des besoins relevant de leur vie personnelle et notamment familiale, à l’exclusion de ceux relevant de la vie professionnelle.

Le code du travail paraît donc restreindre son application aux uniques dispositions des articles issus du titre consacré aux employés à domicile par des particuliers.

La convention collective, elle-même, rappelle dans son article premier : « La présente convention collective règle les rapports entre les particuliers employeurs et leurs salariés. Le caractère spécifique de cette profession est de s’exercer au domicile privé du particulier employeur avec toutes les conséquences qui en découlent.

Le particulier employeur n’est pas une entreprise. […]) » (CCN des salariés du particulier employeur, art. 1).

1. Obligation de sécurité du particulier employeur

L’obligation de sécurité est issue des dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui fixent une obligation légale de sécurité et de protection de la santé des travailleurs.

Mais, s’agissant des particuliers employeurs et de leurs salariés, l’article L. 7221-2 du même code précise les seules dispositions applicables aux salariés et les liste, de manière limitative, comme suit :

• harcèlement moral ;

• journée du 1er mai ;

• congés payés ;

• congés pour événements familiaux ;

• surveillance médicale définie au titre II du livre VI (4e partie).

Malgré la formulation de l’article L. 7221-2, qui paraît expressément restreindre la liste des dispositions applicables, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de retenir que certaines dispositions qui n’étaient pourtant pas énumérées par l’article, ni prévues par la convention collective, pouvaient trouver application pour les salariés du particulier employeur.

Ainsi, on pourra prendre à titre d’exemple le montant de l’indemnité de licenciement qui a été modifié par les ordonnances « Macron », montant considéré comme applicable au salarié du particulier employeur, alors que la convention collective fixait un montant moins favorable pour ces employés.

S’agissant de l’obligation de sécurité, ce sont des articles issus du livre de la 4e partie du code du travail.

Or le titre consacré aux employés à domicile par des particuliers employeurs restreint en principe les dispositions de la 4e partie du code du travail à la surveillance médicale.

En conséquence, le caractère limitatif de la liste prévue à l’article L. 7221-2 ne devait pas permettre d’appliquer l’obligation au particulier employeur.

Telle n’est pas l’interprétation de la Cour de cassation, qui décide ainsi que le particulier employeur ne peut pas s’affranchir de l’obligation de sécurité à la charge de tout employeur.

Il est intéressant de relever, en pratique, que la 4e partie du code du travail trouve application aux entreprises et établissements, mais également aux employeurs de manière plus large, ce qui doit permettre de considérer que le particulier employeur ne peut estimer qu’il a la faculté d’être dispensé de protéger la santé et la sécurité de ses salariés sous le simple prétexte de sa qualité de particulier.

On doit, en réalité, exclure les obligations légales que lorsqu’elles sont expressément conditionnées à l’existence d’une entreprise.

A noter : La question de la prévention des risques professionnels a été traitée, pour la première fois, de manière officielle dans le cadre des dispositions conventionnelles applicables aux salariés des particuliers employeurs par l’accord-cadre du 24 novembre 2016, relatif aux règles d’organisation et au choix du service de santé au travail, au suivi individuel et collectif et à la prévention de l’altération de la santé des travailleurs.

2. Une définition spécifique de la faute inexcusable pour le particulier employeur

La faute inexcusable se définit comme un manquement à l’obligation de sécurité dès lors que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il a soumis l’employé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (Cass. soc., 8 octobre 2020, n° 18-25021).

Dès lors, il est nécessaire de caractériser les deux éléments cumulatifs de la conscience du danger et des mesures à prendre pour définir la faute inexcusable.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 avril dernier revient sur la question de la conscience du danger par l’employeur et effectue une appréciation in concreto des mesures de prévention à prendre pour un particulier.

Usuellement, l’employeur a l’obligation de mettre en œuvre des mesures de prévention et, pour chaque danger, d’évaluer les risques.

C’est ainsi que tout employeur de droit privé, association ou entreprise, a l’obligation de mettre en place, notamment, un document unique d’évaluation des risques.

Il n’est pas question d’imposer une telle obligation à un particulier qui emploie au sein de son habitation une personne afin d’effectuer des travaux ménagers ou de nature domestique.

Mais pour autant, peut-on légitimement penser que, sous le simple prétexte d’être « particulier », l’employeur aurait la faculté de se dispenser d’évaluer tout risque à son domicile ?

La Haute Juridiction n’admet pas cette obligation à la charge du particulier. Elle revient cependant sur le fait que le particulier employeur, en fonction de ses moyens, peut avoir été conscient du danger ou aurait dû avoir été conscient de ce danger.

C’est dans cette hypothèse que les juges estimeront que l’employeur aura failli à son obligation de sécurité et commis, en conséquence, une faute inexcusable.

Pour revenir aux faits de l’espèce ayant abouti à l’arrêt du 8 avril 2021, l’employée à domicile avait fait une chute depuis un balcon accessible du bureau de l’employeur dans sa résidence secondaire.

Les juges en ont déduit que l’employeur, en se rendant régulièrement dans cette résidence secondaire, ne pouvait pas ignorer l’état de vétusté de la rambarde, et ont également retenu que les constatations des services de police après l’accident faisaient état de morceaux de bois « en piteux état », ce qui induisait l’impossibilité d’une dégradation très rapide du balcon et donc la nécessaire connaissance, par le particulier, du danger qui pouvait être encouru par son salarié ou n’importe quel membre de sa famille.

La Cour de cassation décide cependant d’adapter la notion de « mesures de prévention à prendre par l’employeur » au regard de la spécificité de son statut, qui, rappelons-le, n’est pas celui d’un professionnel.

La Cour se contente donc de retenir qu’il appartenait à l’employeur « de prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver son employée en condamnant l’accès au balcon ou à tout le moins en lui interdisant l’accès au balcon ou en la mettant en garde sur la dangerosité des lieux ».

Il n’est donc absolument pas question, comme pour une entreprise ou une association, de déterminer des mesures de prévention étendues comme pour un professionnel, en veillant à éviter les risques, et, dans l’impossibilité de le faire, en aménageant les conditions de travail.

Dans le présent arrêt rendu, il n’est question que d’interdire l’accès au balcon à l’employée ou de l’alerter sur la dangerosité de ce dernier, ce qui n’aurait jamais pu être retenu pour une entreprise ou une association.

Il est en effet impensable qu’un tel type d’employeur puisse voir écarter la reconnaissance de la faute inexcusable, en indiquant simplement au salarié d’éviter le danger ou en imposant un panneau de signalisation.

C’est ici qu’intervient l’appréciation in concreto des mesures de prévention pour le particulier employeur, et la décision de la Cour de cassation rappelle l’adaptation de l’obligation en fonction du type d’employeur, ce qui doit être apprécié.

En conclusion, la reconnaissance de la faute inexcusable pour le particulier employeur apparaît nécessaire, car il est impossible de persister à considérer que le salarié du particulier employeur ne bénéficie pas de la même protection de sa santé et de sa sécurité qu’un autre salarié sous le simple prétexte du type d’employeur. Il reste néanmoins nécessaire de prendre en considération la situation particulière d’un employeur à domicile qui ne peut mettre en œuvre des mesures de protection identiques à celles mises en place par une entreprise ou une association.

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