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Entretenir une culture commune : un défi permanent pour les associations

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Crédit photo Mongkolchon - stock.adobe.com
Les associations ne cessent de se développer. Dès lors, le partage d’une culture commune, dépassant celle des établissements, relève parfois de la gageure. Mais des leviers existent, pour tisser ce lien indispensable entre professionnels.

« L’adhésion aux va­leurs communes (la solidarité, la non-discrimination, l’humanisme républicain…) est un préalable dès la candidature de nos futurs salariés », explique Emmanuel Brasseur, directeur de l’hébergement et du logement accompagné de l’association Coallia, qui regroupe 4 000 salariés et près de 800 établissements, intervenant autant auprès des exilés que des personnes âgées ou en insertion, en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) comme dans les Hauts-de-France. Il précise : « L’important est de relier ces valeurs, définies par le conseil d’administration, à l’action de terrain et jusqu’à la relation aux usagers. Faire ruisseler ce sens est un enjeu évident mais pas si simple à mettre en œuvre. »

Plus que tout autre organisation, l’association asseoit son action sur un corpus idéologique porté par un conseil d’administration et qui doit être partagé par les salariés. Sous peine de perdre le sens du projet et de générer confusion et conflits. Conséquence : comme le secteur lucratif, qui a érigé en totems les notions de marque employeur, d’identité et, avec elles, d’esprit de corps, les associations doivent rassembler l’ensemble de leurs valeurs dans une « culture d’entreprise ». Mais, quelle que soit la taille de la structure, entretenir une culture commune représente un défi. Et plus encore lorsque l’association compte différents établissements œuvrant sur des champs variés de l’action sociale et médico-sociale.

Le premier préalable tient à l’intégration des nouveaux salariés. APF France handicap, qui emploie 15 000 personnes, organise régulièrement des journées d’accueil. Pour les nouveaux directeurs, d’abord : « Nous gérons près de 550 établissements et services avec 300 directeurs à leur tête, ce qui constitue une véritable communauté. Malgré un turn-over assez faible, on en recrute une quarantaine par an, explique Prosper Teboul, directeur général. Une présentation du projet associatif, de nos actions militantes, de nos plaidoyers et de nos différents secteurs d’activité leur est proposée. Elle est ponctuée d’échanges en présence de l’équipe dirigeante. C’est un moment fort que j’apprécie particulièrement. » Cette journée d’accueil est proposée aussi à tous les autres nouveaux salariés, en région, cette fois.

Créer un sentiment d’appartenance

L’organisation des structures, par métiers ou par territoires, influe sur la manière d’entretenir une culture commune, comme l’explique Emmanuel Brasseur. « Des pôles métiers permettent un transfert de compétences plus naturel mais ils rendent la structure moins agile en termes de mutualisation. Des pôles territoriaux, avec un directeur qui chapeaute toutes les activités sociales de l’association, comme chez Coallia, favorise l’émergence de cultures de territoire. Le fait d’avoir un seul interlocuteur au niveau régional, vis-à-vis d’un préfet par exemple, offre une agilité dans la réponse que peut apporter la structure. Le défaut, par contre : la transmission des valeurs d’un métier, en particulier, est moins naturelle. Il faut alors créer des liens entre les professionnels d’une même activité, sur différents territoires. » Pour y parvenir, Coallia a créé huit réseaux métier. Chacun d’entre eux réunit tous les un ou deux mois les chefs de service de l’activité concernée. Une manière d’harmoniser les pratiques. Et de partager des postures qui dépassent celles des établissements. « Je crois à la rencontre de différents points de vue qui permettent de définir une ligne directrice partagée, des thèmes de coconstruction et des modes opératoires d’action », indique Emmanuel Brasseur. Il incombe ensuite aux managers de vérifier, sans cesse, la conformité des actions aux valeurs de l’association.

Il s’avère parfois utile de travailler sur la définition même de ces valeurs. Confrontée à une croissance rapide, France Horizon, qui a doublé ses effectifs en moins de six ans, passant de 500 à plus de 1 000 salariés, en a ressenti le besoin. Après avoir changé de nom et d’identité visuelle en 2015, l’ex-Comité d’entraide aux Français rapatriés a mené une série d’entretiens individuels pour identifier ce qui faisait sens commun. Dans la même logique, elle démarre actuellement un chantier sur la culture managériale qui devrait durer un an ou deux. « Par des actions transverses, autour de la qualité de vie au travail (QVT), de la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) ou encore des formations, on crée du lien », explique Charles Laurent, directeur des ressources humaines. Créer une culture commune se construit dans le temps, en privilégiant, autant que possible, le travail sur des outils, aussi utiles que prétexte à la rencontre entre établissements. « On ne fait pas de saut à l’élastique ou tout autre événement de ce type », sourit Prosper Teboul, qui cite en exemple un travail de codéveloppement centré sur l’éthique managériale. « On a commencé modestement il y a quatre ans avec des régions volontaires avant que l’ensemble des directeurs y participent. Cette réflexion doit donner lieu, à la fin de l’année, à une charte dégageant des principes managériaux ouverts, et non pas un cadre rigide. Il s’agira d’un document habité, parce que préparé par l’ensemble des directeurs, et de nature à créer un sentiment d’appartenance. »

Le codéveloppement, c’est aussi le credo de Don Bosco. Structure de poids, avec ses 1 200 salariés, l’association œuvre dans le champ du handicap, de la protection des mineurs, de l’insertion et de la petite enfance. Des interventions hétéroclites qui ne facilitent pas l’édification d’une culture commune, mais effectuées sur un territoire très restreint : ses 50 établissements se situent tous dans le nord du Finistère. « Chaque habitant a un lien direct ou indirect avec Don Bosco. L’association fait partie du patrimoine local, explique son directeur général, Michel Jézéquel. Son projet n’est pas centré sur un public mais sur l’éducation et l’inclusion des personnes. » C’est autour de ces valeurs qu’on cherche à fédérer en associant les différentes parties prenantes à l’organisation de la structure : salariés, adhérents bénévoles, usagers, mais aussi la société civile. A côté des instances officielles, des commissions de travail – sur les mobilités ou le développement durable, par exemple – favorisent l’émergence de nouveaux projets et alimentent un sentiment d’appartenance. Des causeries, ouvertes sur la cité, abordent une fois par an une question transversale aux champs d’activité de l’association. Une manière, là encore, de fédérer et d’attirer de nouvelles personnes pour enrichir le projet.

Communication interne et formation

Et rien de mieux pour diffuser ces valeurs que de communiquer en interne. Au moyen de magazines : l’association Don Bosco diffuse à tous ses salariés son trimestriel Rev’Ues, en version papier. Via des newsletters également : à Coallia, elles sont propres à chaque secteur d’activité. Ou bien par l’intranet. Celui d’APF France handicap a été refondu il y a trois ans : « C’est l’outil par excellence de la vie de l’association, explique Prosper Teboul. Chaque salarié peut personnaliser sa page d’accueil et bénéficie d’un partage d’informations denses. On vient par exemple d’y publier notre référentiel RSE [responsabilité sociétale de l’entreprise] »(1). L’association a étoffé son service communication pour renforcer sa présence sur les réseaux sociaux. Et elle travaille sa marque employeur en diffusant dans ses réseaux des portraits de métiers, qui ont vocation, là encore, à renforcer le sentiment d’appartenance.

Autre levier possible, celui de la formation, qui permet de diffuser une culture générale autour des métiers et la tenue d’événements en tous genres. Coallia organise des journées professionnelles autour d’une thématique, nourrie par des experts et des partenaires. France Horizon rassemble les directions et les représentants du personnel lors d’une « Journée du dialogue social ». APF France handicap tient sa convention des directeurs tous les quatre ans. Assorti de moments festifs et d’invités parfois décalés – comme l’ancien sélectionneur de l’équipe de France de rugby, Jean-Claude Skrela –, ce séminaire de deux jours rassemble 500 personnes. Les anniversaires sont également des prétextes à la rencontre. Pour ses 70 ans, en 2017, Don Bosco avait créé un village où chaque pôle d’activité tenait un stand illustrant son travail. Coallia envisage de fêter ses 60 ans en 2022. Mais il faut bien l’admettre : rassembler au-delà à la fois des territoires et des métiers relève souvent du casse-tête. Voire de l’absurde. Prosper Teboul, à APF France handicap, s’en amuse : « On ne peut pas louer le Stade de France ! » Dommage, l’idée était séduisante.

La place du conseil d’administration

Définir les valeurs d’une association est un chantier permanent constitué d’allers-retours entre le conseil d’administration et les salariés, estime Jean-Pierre Joseph, qui intervient au centre Actif. Le premier définit une base et la transcrit dans une charte et des procédures – sans tout encadrer, il ne s’agit pas d’être totalisant. Les suivants font remonter les informations du terrain pour adapter les textes. « C’est un chantier vivant, dynamique, ce ne sont ni des tables de loi, ni des injonctions », souligne le formateur. Selon lui, « il faut redonner toute sa place au conseil d’administration pour éviter la domination du pouvoir technique. Ces dernières années, les associations ont été trop tournées vers l’opérationnel, avec des coordinateurs qui ont la tête dans le guidon et exécutent en perdant le sens. Or, si les encadrants doivent faire vivre le référentiel, la gouvernance doit le construire. » Surtout, les valeurs doivent éclairer l’action. Et les projets d’établissement, notamment, ne pas rester lettre morte.


Association ADMR : Animer un réseau gigantesque

 

Les chiffres donnent le tournis : 94 000 salariés, 85 000 bénévoles. Le réseau ADMR (Aide à domicile en milieu rural) compte 2 700 structures réparties dans tout l’Hexagone. Un réseau technique de services à la personne, mais aussi un mou­vement associatif porté par un projet politique : les deux doivent nécessairement s’articuler et se nourrir l’un l’autre pour qu’émerge une culture commune. Et pour ancrer ses valeurs – la proximité, le respect, la réciprocité, la solidarité, l’universalité – dans l’action. Organisée en associations locales, en fédérations départementales et en une Union nationale, l’ADMR vit d’abord dans les territoires. « Les structures locales animent une dynamique associative qui crée des solidarités, notamment entre bénévoles et salariés, à travers des temps de rencontre et des animations. L’Union nationale, elle, va intervenir en soutien. Elle se déplace à la rencontre des présidents d’associations et des bénévoles, anime des journées de réflexion, échange sur les valeurs », détaille Thierry d’Aboville, secrétaire général de l’Union nationale ADMR. Pour susciter l’adhésion, elle s’attache à coconstruire son projet politique. « Tous les quatre ou cinq ans, l’ADMR définit un cap que l’on décline chaque année en plan d’action. On fait en sorte que le terrain soit force de propositions, en organisant des animations régionales. D’ici trois mois, on va ainsi rencontrer près de 300 personnes », explique Thierry d’Aboville. L’ADMR a la particularité d’intégrer un collège « salariés » au sein de son conseil d’administration. Un quart des postes leur sont réservés, ce qui les place, comme les bénévoles, au cœur de la décision.

Dans son rôle d’animateur, l’Union nationale met l’accent sur l’importance de la communication. En interne, d’abord : la revue Le lien, qui présente des portraits de salariés, des initiatives et des actualités de l’union comme du secteur, a été entièrement revue au printemps, et sa diffusion élargie de 15 000 à 60 000 exemplaires. « Si l’on veut porter les valeurs et la culture d’entreprise, il est important que tous les salariés et les bénévoles en soient destinataires », justifie Thierry d’Aboville. Une communication en externe, ensuite, avec une campagne nationale diffusée du 9 au 30 mai sur les grandes chaînes de télévision et les réseaux sociaux. Le parti pris : trois salariés authentiques de l’ADMR expliquent avec leurs mots pourquoi ils y travaillent. Avant de conclure : « Ce métier me plaît, je me sens utile. » Un procédé classique mais qui possède un double mérite : celui de s’adresser au grand public et aux salariés, en les valorisant et en suscitant la fierté d’appartenir à l’association. Mission accomplie.

 

Notes

(1) Sur la RSE, voir ASH n° 3176 du 18-09-20, p. 6.

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