« Seize ans d’existence, c’est du jamais-vu pour un diplôme », relève Séverine Iffly, directrice du centre et organisme de formation Adyfor, filiale de l’ADMR, à Saint-Jean-Bonnefonds (Loire), filiale de l’ADMR. Comme elle, les acteurs de la formation attendent avec impatience la réforme du diplôme d’Etat de technicien de l’intervention sociale et familiale (TISF). La direction générale de la cohésion sociale (DGCS), sollicitée, ne confirme pour l’heure aucun élément sur son contenu ni sur son calendrier. Mais les travaux devraient débuter à la fin de l’année, pour une entrée en vigueur au plus tôt à la rentrée 2022. L’un des enjeux : revoir la construction de l’enseignement pour favoriser les passerelles entre métiers du travail social. Jusqu’à présent, la formation de TISF comporte six domaines contre quatre pour le diplôme de moniteur-éducateur, de niveau 4 également.
L’une des pistes consisterait à les faire évoluer en blocs de compétences. La nuance n’est pas que sémantique : « Cela permettrait d’individualiser les parcours et de prendre en considération les aptitudes acquises dans le domaine professionnel, explique Daphné Kasprzak, directrice du développement du centre breton Askoria. Une telle réforme aurait le mérite de diversifier les modes de financement. « Les blocs sont éligibles au compte professionnel de formation [CPF]. Les étudiants pourraient passer un bloc à la fois en le faisant financer par le CPF », ajoute Séverine Iffly. Le financement constitue l’autre enjeu de la réforme : chaque année, des étudiants renoncent à s’inscrire ou abandonnent leur cursus pour des raisons financières.
Bien qu’elle soit accessible sans niveau de qualification, la formation demeure exigeante et dense : 950 heures de théorie, 1 155 heures de stages réparties en deux ans. Faut-il en modifier les contenus ? A la marge seulement, à en croire la plupart des acteurs de la formation. Le référentiel est suffisamment souple pour être adapté aux bassins d’emploi. Et il l’a été au fil des années. A une nuance près, souligne l’étude « Recrutement et formations des TISF » réalisée par Askoria en 2019. « L’adéquation enseignement et compétences attendues sur le terrain dépend beaucoup du lien de proximité et de la relation avec l’organisme de formation et cela varie beaucoup d’un territoire à l’autre. » Le centre breton préconise des ajustements pédagogiques pour répondre au développement des interventions autour de la périnatalité, de l’accompagnement à la parentalité ou encore du soutien aux parents d’enfants porteurs de handicap.
Marie-Laurence Erard, responsable du département « métiers de proximité » à l’IESTS de Nice (institut d’enseignement supérieur de travail social), cite quelques thématiques qui pourraient également être accentuées : la gestion de conflit, la communication adaptée et aussi le travail de transmission, avec les notions de confidentialité et de secret professionnel. « Le problème, c’est que nous n’avons pas un nombre d’heures extensibles, rappelle Séverine Iffly. Les TISF sont des généralistes. Charge aux employeurs d’approfondir les domaines d’intervention spécifiques. » De manière pragmatique, Jean-Laurent Clochard, responsable à la FNAAFP/CSF, fédération de l’aide familiale populaire, défend aussi cette idée : développer la formation sur le lien mère-enfant ou sur le handicap, oui, mais en formation continue.
Quoi qu’il en soit, la réforme ne réglera pas tout. A commencer par la pénurie de candidats, épine dans le pied des organismes depuis de nombreuses années. A la rentrée dernière, le centre Adyfor de l’ADMR a dû brutalement renoncer à ouvrir sa formation de TISF. Il n’y aura de fait pas de formation en seconde année à la rentrée prochaine. Et ce cas est loin d’être isolé. Selon l’étude d’Askoria, 97 % des organismes disent souffrir d’un manque de postulants. Partout, les formateurs prennent leur bâton de pèlerin pour informer et sensibiliser dans les lycées, les forums emploi, les centres d’information et d’orientation (CIO)… Et partout le même constat : la profession pâtit d’un manque de visibilité et d’une image désuète qui lui colle à la peau, celle d’un rôle cantonné aux tâches du domicile. Seule évolution : l’apprentissage commence à se développer après avoir été longtemps négligeable et négligé. Et si dans le sillage de la réforme, le nom de ces techniciennes changeait tout simplement ? Certains le suggèrent. Ce serait peut-être un bon début pour gagner en notoriété. Et recruter ces futures TISF qui manquent tant aux employeurs.