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Bijoux de famille

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C’est une jolie petite boîte en bois ouvragé, souvenir d’un voyage exotique ou d’un marché aux puces d’une banlieue quelconque.

C’est une jolie petite boîte pleine des souvenirs d’une lignée de femmes. Le collier de perles de mon arrière-grand-mère, le camée de ma grand-mère, la bague de fiançailles de ma mère, ma médaille de baptême… Des bijoux de famille qui se transmettent de mère en fille. Des bijoux que personne ne porte plus, trop chers, trop voyants, trop précieux. L’héritage sublime et encombrant des mères et des filles.

C’est une jolie petite boîte qui regorge d’histoires. L’alliance perdue au milieu de la basse-cour et retrouvée dans le foie gras de Noël, l’exubérant collier offert par mon pétulant grand-père, la bague cachée en un endroit très secret… maintes fois lavée, jamais reportée… comment pourrait-on ? Des histoires et des légendes, nul ne saurait démêler l’écheveau de souvenirs vécus et rêvés.

C’est une jolie petite boîte sagement rangée tout au fond d’un placard.

Et quand mes yeux se posent dessus, c’est un beau et douloureux souvenir qui m’assaille. Souvenir d’une envie assouvie et d’un trésor perdu.

Enfant, je m’extasiais longuement devant cet amas d’or et de pierres. Il y avait ce rituel immuable, à chacun de mes anniversaires. Ma mère venait dans ma chambre, posait le coffret tant convoité sur mon lit, et nous nous installions en tailleur de part et d’autre du trésor familial. Sa main plongeait alors délicatement dans la boîte, fouillant dans les entrailles de son bien le plus précieux. Elle en sortait un à un colliers, bracelets, boucles d’oreilles et bagues, et pour chaque bijou, elle me racontait une femme et une histoire. Luce, Hélène, Elisabeth…

« Tu les raconteras toi aussi à ta fille, un jour. Tu lui parleras de toutes celles avant toi, et elle les racontera à toutes celles après elle. »

Alors, chaque année, je renouvelais la même promesse. Oui maman, je raconterai. Oui, je raconterai les histoires de cachette secrète et de demande en mariage, l’exode et l’amour, l’opulence et l’indigence, l’amour et la mort.

Aujourd’hui, c’est mon anniversaire, et je ne transige pas avec la tradition. Je sors le bien précieux, l’installe sur mon lit, et tout s’étale devant moi. Ça brille, ça étincelle, c’est beau. C’est plein d’histoires et de mémoire, c’est ma mère et ma grand-mère et toutes celles d’avant enterrées dans des grandes boîtes et enfermées dans cette petite boîte. C’est mon héritage, le dernier cadeau de ma mère, le saphir de ses yeux et le rubis de ses lèvres, l’or de son cœur et le diamant de son amour.

Nulle sœur nulle tante nulle cousine ne viendra réclamer ce trésor, parce qu’elles sont mortes ou jamais nées, celles qui auraient pu porter ces bijoux, parce que j’étais l’unique, de la mère à la fille et de la fille à la mère.

Luce, Hélène, Elisabeth… et moi. Moi, la fille unique et chérie, la petite princesse, la poupée parfaite, les yeux de sa mère et le sourire de sa grand-mère.

Et après moi ? J’étais la petite fille et je suis le jeune homme, j’étais Florelle et je suis Floribel. Et je suis seul avec cette boîte, héritée de ma vie d’avant, la vie d’avant moi, la vie que je n’aimais pas.

Bijoux de la famille, bijoux de fille ou de garçon, mais bijoux, toujours.

La minute de Flo

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