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Bénéficiaires : un utile retour sur le travail social

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L’usager peut, lui aussi, être amené à donner son avis sur les soins et l’accompagnement qui lui sont proposés. Cette évaluation, au travers d’instances plus ou moins formelles comme les conseils de la vie sociale, s’avère parfois complexe à mettre sur pied. Pourtant, pleinement intégrés aux prises de décision internes, ces procédés portent leurs fruits.

« Gage de progrès », « terreau exceptionnel », « facteur de cohésion sociale ». Malgré une reconnaissance unanime de leur potentiel, les instances de participation dans le secteur social et médico-social demeurent partiellement mises en place et effectives. « Les CVS [conseils de la vie sociale] ont été institués en 2002, mais moins d’un sur cinq fonctionne correctement dans les Ehpad », se désole Patrick Collardot, fondateur de l’association TouchePasMesVieux. Une enquête qualitative de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) réalisée en 2019 montre que ces conseils restent méconnus des usagers. Mais aussi, parfois, des professionnels. « Beaucoup de résidents, même parmi ceux qui ont voté aux élections du CVS, ne savent pas ce qu’est cette instance, ni à quoi elle sert. Ils ne savent pas que l’on peut être l’intermédiaire entre leurs idées et la direction », rapporte ainsi une élue de CVS interrogée à cette occasion. « Le conseil de la vie sociale fait souvent partie du projet de l’établissement, mais il est loin de connaître partout une vraie appropriation par les équipes et par les personnes concernées, souligne Adrien Breger, chargé de mission “travail social et participation” au sein de la fédération. Nous observons ainsi des CVS qui informent les personnes plus qu’ils ne les consultent. »

Pourtant, lorsque ces instances comptent vraiment au rang des projets stratégiques internes, l’accompagnement peut s’en voir profondément modifié. Depuis dix ans, l’union départementale des associations familiales (Udaf) de l’Hérault a mis en place de manière volontaire un CVS au sein du service Mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM). Grâce à cette consultation du public, une charte illustrée des droits de la personne protégée a, par exemple, vu le jour. Celle-ci vient accompagner la partie scripturale et « permet ainsi une meilleure appropriation » par les bénéficiaires, détaille Marc Pimpeterre, directeur général de la structure. Récemment, en lien avec des étudiants stagiaires du diplôme d’Etat d’ingénieur social (DEIS), un questionnaire a également été élaboré pour évaluer l’impact des mesures de protection par les personnes protégées elles-mêmes. Le représentant des familles au sein de l’instance est par ailleurs l’une des parties prenantes externes de la démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) de l’Udaf. « A ce titre, cette personne est évaluée directement, et sans nous, par l’Afnor [Association française de normalisation], rapporte Marc Pimpeterre. Elle réalise des analyses et porte des propositions d’ordre social, environnemental et sociétal. »

« Matériau commun »

Pour les personnes accompagnées, cet exercice d’évaluation présente l’occasion de structurer une opinion, des avis et des propositions. « Les jeunes sortent peu à peu de leur parcours personnel car ils ont écouté le vécu des autres, explique François Petit, chargé de l’animation du tout nouveau Haut Conseil aux enfants confiés de l’Allier, lancé en début d’année par le conseil départemental. Grâce aux prises de parole en petits groupes, ils réussissent à trouver un matériau commun, des définitions collectives par rapport à telle ou telle réalité. » Même si aucune préconisation n’a encore été formulée, les 30 jeunes âgés de 8 à 21 ans qui composent le conseil expriment par exemple le besoin de travailler autour de l’accord parental ou de mieux définir le rôle du référent des enfants confiés, qu’ils ont parfois du mal à relier à leur quotidien.

Afin de fluidifier cette parole, il s’avère souvent nécessaire de former les salariés ainsi que les personnes accompagnées tant sur le cadre juridique que sur l’animation et le positionnement. « Si, lors de la réunion, chacun reste dans son rôle habituel, que le directeur parle avec sa voix de directeur, le chef de service avec sa voix de chef de service, ce ne sont pas des conditions idéales, soulève Adrien Breger. Il faut travailler à une forme d’égalité de discours qui permette de changer de référent. » Afin de réinvestir son conseil de la vie sociale, le foyer L’Oiseau-Mouche, établissement du Gapas (Groupement des associations partenaires d’action sociale), situé à Roubaix (Nord), a compris l’intérêt de miser sur la formation. « Un accompagnement des personnes en situation de handicap a été organisé pour mieux cerner les manières de réaliser les demandes du CVS, de les argumenter, de les réfléchir », rapporte Charly Chevalley, directeur « stratégie et développement » du Gapas. Parallèlement à la mise en place d’« apéros CVS », cette démarche a permis une évolution du règlement en autorisant l’accueil d’un animal de compagnie au sein de l’établissement.

Selon le type de structures, la mise en place de ces instances est plus ou moins évidente. Des difficultés sont par exemple observées pour les structures « hors les murs », les CHRS (centres d’hébergement et de réinsertion sociale) avec hébergement « diffus » ou dans l’ambulatoire. Le peu d’échanges informels entre les usagers et l’inexistence de temps de vie quotidienne partagés rendent difficile cette participation. « Mobiliser des personnes éloignées se révèle plus compliqué », souligne Adrien Breger. D’autre part, l’objet des échanges est différent : « Le seul point commun entre toutes ces personnes est qu’elles sont accompagnées par la même association. Il convient donc de repenser le fonctionnement de ces instances, en lien avec la question du territoire, de l’environnement, du quartier », poursuit le chargé de mission de la FAS, qui organisait ce mois-ci le Printemps de la participation, pour encourager les réflexions sur le sujet au sein de son réseau.

La taille de l’établissement peut également représenter un obstacle. Il est en effet moins aisé de créer un lien de proximité entre les résidents au sein d’une grande structure. « Nous avons un écueil de taille : à 300, il est difficile d’organiser un système de représentation tout en restant proche des résidents non élus et passer certains messages à tous, témoigne par exemple une directrice dans l’enquête de la FAS. Cela implique aussi qu’être élu au CVS rapproche beaucoup de la direction, ce qui peut constituer une mauvaise motivation pour certains candidats. »

Essaimer les bonnes pratiques

Dans les Ehpad, le manque de confiance des équipes de direction freine le développement de ces conseils, note Patrick Collardot. « Beaucoup craignent que les représentant des familles contestent un certain nombre de points, comme la qualification du personnel, le manque de soignants ou la qualité des repas », explique le fondateur de TouchePasMesVieux, qui regrette amèrement qu’avec la crise du Covid les CVS aient été « mis de côté », alors même que les protocoles du gouvernement recommandaient de les consulter. Autre problématique dans le secteur du grand âge : le profil des résidents a sensiblement évolué en vingt ans, depuis l’application du décret relatif aux CVS. Pour Jacques Rastoul, responsable de l’interCVS 91, le vieillissement des personnes accompagnées et les pathologies dont elles sont souvent atteintes entravent, de fait, leur participation. « Lorsque le conseil est présidé par un résident, la direction peut faire la pluie et le beau temps, pointe-t-il. Ce rôle n’est pas de la figuration, il s’agit de préparer et d’animer la réunion. Cela demande des compétences. Nous insistons auprès des pouvoirs publics pour que la place des familles soit plus importante, ou du moins qu’elle ne soit pas une option. »

France Alzheimer propose de son côté de pouvoir siéger au sein des CVS avec les familles d’usagers. L’objectif étant d’y amener en tant qu’association une « certaine forme d’objectivité ». « La parole des familles est limitée, observe Joël Jaouen, président de France Alzheimer. Elles parlent uniquement du cas de leur proche, tout en ayant souvent peur des retours de la direction. Nous, au contraire, nous pouvons nous appuyer sur notre expérience, notre vue d’ensemble, sans risquer de représailles. »

De manière générale, les acteurs soulignent l’importance d’échanger pour essaimer les bonnes pratiques. LA FAS porte ainsi avec d’autres acteurs des conseils régionaux des personnes accueillies et/ou accompagnées (CRPA) dans neuf régions, pour réfléchir sur des sujets transversaux. En plus des CVS, le Gapas a également mis en place en 2019, avec le soutien de l’ARS Hauts-de-France, une instance consultative de 28 membres au niveau associatif. Ce Comité central des personnes accompagnées (CCPA) permet de ne pas rester « focalisé au niveau de l’établissement ou du service », rapporte le directeur “stratégie et développement”. « Les instances consultatives n’ont de vigueur que si les représentants ont une organisation, estime Jacques Rastoul, de l’interCVS 91. Le fait que des élus de CVS n’échangent pas entre eux apparaît inimaginable si on le transpose aux parents d’élèves ou aux représentants du personnel. »

Cadre juridique

Institués par la loi du 2 janvier 2002, les conseils de la vie sociale (CVS) doivent être mis en place dans les établissements et services qui assurent un hébergement ou un accueil de jour continu ou une activité d’aide par le travail. Elus pour un an, les participants doivent être en majorité des représentants d’usagers et se réunir au moins trois fois par an. La législation prévoit d’autres formes de participation, particulièrement pour l’hébergement non continu. En dehors des structures du secteur, des instances de participation sont mises en place à plus grande échelle, comme le Conseil national des personnes accueillies et/ou accompagnées (CNPA) et ses déclinaisons régionales (CRPA).

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