Dans une période particulièrement troublée, les bonnes nouvelles ne sont pas légion. Il convient donc de saluer la récente annonce du ministère chargé du logement : les 43 000 places d’hébergement d’urgence, qui permettent d’offrir un toit, même provisoire, aux sans-abri, seront maintenues jusqu’en mars 2022. Elles auraient dû disparaître au 31 mai, en même temps que prend fin la trêve hivernale. Le financement, de 700 millions d’euros, devrait être voté sans difficulté dans une loi de finances rectificative.
Il s’agit d’une rupture avec la gestion dite au « thermomètre » de la prise en charge des plus pauvres. Une rupture saluée par les grandes associations du secteur qui, outre l’évidente revendication sociale qu’elles portent parfois depuis des dizaines d’années, se réjouissent des facilités en matière de gestion des ressources humaines qui en découlent.
Les acteurs de la lutte contre la très grande précarité affirment qu’ils seront vigilants quant à l’application de ces mesures. Surtout qu’en 2020 l’Etat n’a pas été capable de régler la totalité des sommes qu’il doit aux associations et aux organismes prenant en charge ceux qui sont à la rue. Les obligeant à puiser dans leur trésorerie ou à contracter des prêts bancaires, comme le détaille un rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale rendu public le 26 mai. Ce reliquat s’élève tout de même à 100 millions d’euros. Mais les professionnels s’interrogent aussi sur l’intérêt de maintenir des dispositifs provisoires, alors que 200 000 logements restent vacants. Un chiffre avancé par le gouvernement l’an dernier. Rien qu’à Paris, le taux d’inoccupation avait bondi de 14 % à 17 % entre 2014 et 2019.
Il est aussi utile de souligner la perplexité de ceux qui aiment embrasser la situation économique de notre pays dans son ensemble. La réforme de l’assurance chômage va précipiter des centaines de milliers de Français dans la grande pauvreté. Une réforme qui devrait pénaliser plus particulièrement les jeunes entrant sur le marché du travail, comme l’a révélé l’Unedic début mai. Nombre de ces précaires seront privés de logement. Y aura-t-il alors suffisamment de places en hébergement d’urgence pour les accueillir ?
Poser la question, c’est plonger le regard dans l’abysse de l’incohérence gouvernementale.