Des chips pour le goûter d’un tout-petit. Un lave-linge et un réfrigérateur flambant neufs abandonnés dans un appartement derrière soi sitôt financés. Des enfants laissés seuls en train de jouer dans la rue. Une main tendue que l’interlocuteur refuse de serrer. Pratique religieuse, conception de la famille, modes d’éducation… Nos quotidiens regorgent de situations possiblement porteuses d’incompréhensions, tant le « ça va de soi » des uns s’avère parfois différent des habitudes des autres. Les travailleurs sociaux, qui accompagnent fréquemment des personnes issues de l’immigration, se trouvent régulièrement confrontés à ces différences culturelles.
Longtemps, la volonté d’intégration républicaine et la défense du modèle universaliste « à la française » ont tenté de gommer les particularismes. Lentement, une évolution se matérialise (page 8). La tentative de conjuguer le respect des spécificités de chacun avec l’égalité républicaine pointe désormais. Principales avancées ? Sans doute la conscience que le travail d’équipe peut permettre de dépasser les préjugés dont chacun est porteur individuellement et de construire une réponse admissible par une personne accompagnée. Mais aussi la place réservée aux interprètes qui, au-delà de la traduction, à certaines conditions, deviennent des alliés des travailleurs sociaux (page 10). Fins connaisseurs des pays dont ils pratiquent la langue, ils aident à décortiquer le contexte des personnes accompagnées et conduisent ainsi les travailleurs sociaux à bâtir des propositions qui seront suivies d’effets, parce qu’adaptées, recevables.
Pour autant, décrypte le sociologue Bruno Michon (page 12), le contexte français actuel, porteur de nombreuses discriminations, limite les progrès de la prise en compte de l’altérité. La tendance demeure, note-t-il, à rapidement considérer l’attachement à une culture d’origine comme le témoignage d’un communautarisme, ou même d’un début de radicalisation.
A tort. Car, fait aussi observer le chercheur, la différence culturelle ne se confond pas avec l’exotisme. En matière, par exemple, de protection de l’enfance, l’Allemagne, notre voisin, un Européen, adopte des politiques différentes des nôtres. Et au sein même de l’Hexagone, à y regarder de près, on peut croiser l’Autre sans même traverser la rue… Le podcast SMS de la semaine (voir sur www.ash.tm.fr) en propose une illustration, avec l’évocation de la culture sourde.