Loin d’être aussi connu du grand public que d’autres géants associatifs historiques tels la Croix-Rouge, le Secours populaire, Emmaüs ou APF France handicap, le Groupe SOS est pourtant l’une des structures les plus actives en France. Un développement favorisé, en majorité, par des financements publics en provenance des ministères, des agences régionales de santé et des collectivités territoriales. Pour assurer une telle expansion, le groupe revendique une posture totalement désintéressée : « Sans actionnaires, non lucratif, les résultats du Groupe SOS sont 100 % réinvestis pour créer ou pérenniser des actions sociales et environnementales », peut-on lire sur son site. Une telle réussite méritait bien qu’on lui consacre la Une de notre magazine. Mais d’autres faits nous ont poussés à creuser le sillon de cette enquête. Son président, Jean-Marc Borello, numéro deux du bureau exécutif de La République en marche (LREM), dispose d’une indéniable influence sur les réflexions du parti au pouvoir en matière d’affaires sociales. Son groupe est également emblématique des profondes mutations du monde médico-social, transformant les modes de gestion des associations en s’inspirant du secteur privé afin de les intégrer dans un champ concurrentiel. La « mesure d’impact », très discutée, est placée au centre de cette philosophie. « Un groupe, un objectif : l’intérêt général. Ce cap induit la recherche constante d’un impact social, sociétal et environnemental positif. Le modèle d’entreprise que nous développons y est entièrement dédié », indique le groupe.
Mais ce modèle « économico-associatif » interroge. Dans son rapport publié en 2019 sur « le rôle et la place des associations dans le contexte des nouveaux modèles d’entreprise », le Haut Conseil pour la vie associative (HCVA) notait que la finalité et le mode de fonctionnement des associations « différent du modèle de l’entrepreneuriat dominant, et vouloir faire de celui-ci un modèle unique est lourd de risques, à terme, pour notre cohésion sociale ».
Rien ne semble pourtant entraver ce mouvement. Tandis que la concentration des acteurs associatifs s’accélère sous l’impulsion des pouvoirs publics, le géant de l’entrepreneuriat solidaire ne cesse de croître en instaurant son propre mécanisme de « filialisation » (page 8) et en privatisant, avec l’aval des autorités locales, des établissements publics, des Ehpad en particulier (page 12). Une stratégie parfois ponctuée, sur le terrain, de bras de fer avec des travailleurs sociaux ou des usagers. Proche du pouvoir, le Groupe SOS épaule en outre le gouvernement dans certains de ses dossiers sociaux les plus sensibles (page 15), tout en se positionnant au premier rang des mécanismes financiers en faveur de l’entrepreneuriat social (page 16). Une question demeure : est-ce au profit du plus grand nombre ?