« Par les temps qui courent, mes échanges avec Amy m’apportent de la joie », s’enthousiasme Claire Biet depuis sa résidence des Bords de Marne, à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne). Amy est sa correspondante britannique depuis le mois de novembre. Elles parlent aussi bien de la reine d’Angleterre que de Saint-Exupéry, ou encore de la fête des Mères. « C’est agréable de m’entretenir avec une personne autant à l’écoute et heureuse de se confier », poursuit la résidente, qui assure que la jeune femme, âgée de 18 ans, est devenue son amie.
Cette relation étroite a pu voir le jour grâce au dispositif ShareAmi. Initié par l’association Oldyssey durant le premier confinement de mars 2020, ce projet met en relation des personnes âgées en France et des jeunes partout dans le monde souhaitant progresser en français. « Nous voulons apporter une brique complémentaire aux programmes de solidarité habituels, rapporte Clément Boxebeld, cofondateur d’Oldyssey. Il ne s’agit pas simplement de considérer les personnes âgées comme des objets d’assistance, des personnes fragiles, mais de montrer que même en cette période difficile elles peuvent aider d’autres générations. » La structure se charge de former des duos compatibles en fonction des disponibilités de chacun et du niveau de langue du jeune. Des critères liés aux centres d’intérêt et à la localisation géographique pourraient également bientôt être pris en compte.
Depuis sa mise en œuvre, le programme intègre 6 800 inscrits basés dans 125 pays, côté apprenants, et 450 seniors volontaires. Et « la liste d’attente est longue », précise Clément Boxebeld. En plus des particuliers, celui-ci espère amener davantage d’Ehpad à s’emparer du programme. « Nous avons contacté beaucoup de structures, mais avec la crise elles sont peu nombreuses à avoir du temps pour tester de nouvelles choses, explique-t-il. Nous réfléchissons à des moyens de leur simplifier la tâche, en nouant, par exemple, un partenariat avec des services civiques qui s’occuperaient de l’organisation. »
En attendant, au sein des structures qui proposent ces échanges, le projet est porté par des animateurs. C’est le cas de la résidence des Bords de Marne, où exerce Christal Perthuis. « Le lundi entre 10 h et 18 h, je suis un peu l’outil technique, dit-elle amusée. Je mets en place les visioconférences, puis je m’éclipse et je relance la conversation si nécessaire. » En plus d’être utiles aux jeunes et aux seniors, ces échanges enrichissent son propre travail, assure la professionnelle. « En écoutant les résidents, nous apprenons à les connaître d’une façon différente, plus intime, confie-t-elle. Avec Madame Biet, j’ai une complicité que je n’avais pas auparavant. »
Lorsqu’elles s’inscrivent, les personnes âgées s’engagent moralement pour trois mois de conversation. C’est un minimum, mais les échanges peuvent se poursuivre bien au-delà. « Tant que cela fonctionne, nous continuons », souligne Christal Perthuis qui perçoit chez les résidents une véritable envie de « consolider » la relation. Si ce programme répond à l’isolement des résidents pendant la crise, l’animatrice n’envisage pas d’y renoncer quand les sorties reprendront. « Nous avons même proposé aux étudiants de passer voir leur correspondant quand il sera possible de voyager », sourit-elle.