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Cancer de l’enfant : quel accompagnement social au moment du décès ?

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Perdre un enfant est une épreuve effroyable. L’accompagnement social ne s’arrête cependant pas avec le décès du patient. Comment favoriser cette « rencontre » particulière entre une douleur insurmontable et une dimension professionnelle bienveillante ? Quelle est la nature de l’accompagnement et des actions menées afin de parvenir à percevoir les attentes des familles tout en respectant leur douleur ?

« Une prise en charge palliative est intense. Elle se vit. Elle suppose des questionnements, de la remise en question, de la cohérence et de l’intercompréhension entre les professionnels d’une équipe pour qui humilité et humanité sont des préalables avant toute action. Il s’agit véritablement d’un processus interactif qui s’étale dans le temps et qui rassemble tous les professionnels offrant leurs compétences et leur savoir-être au service des patients. Au sein de notre unité, des réunions pluridisciplinaires “soins palliatifs”, associant nos collègues de l’équipe ressource régionale de soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP), sont organisées de façon hebdomadaire. Elles permettent de réfléchir collégialement au projet de vie du patient. Des groupes d’analyse de pratiques professionnelles (GAPP) et des “réunions éthique” sont également proposés. Choisir le moment pour intervenir n’est pas chose simple. La dénomination “rencontre” nous semble adaptée compte tenu de l’intensité du moment partagé et de sa singularité. Chaque mot prononcé aura la couleur de l’instant vécu, et parfois, aucune parole ne sera exprimée. Le patient et sa famille traversent un moment indescriptible, partagent un temps qui leur appartient et qu’il ne faut surtout pas violer. Confidences, promesses, prières et recueillement se conjuguent à tous les temps. Paroles réconfortantes ou silences, regards ou gestes simples sont autant d’attitudes pour être à leur côté, offrir un espace pour pleurer, s’exprimer, se confier ou oser formuler certaines demandes. Un patient a un jour verbalisé : “Je veux continuer de m’accrocher à cette petite étoile là-haut même si je sais…”. Un proverbe allemand dit d’ailleurs : “l’espoir meurt en dernier”.

De l’état de choc au malaise, le moment du décès provoque des réactions différentes chez chacun. La souffrance des familles les anéantit au point de ne pouvoir faire face aux démarches qui leur incombent. Avec une écoute active et bienveillante, l’assistant de service social se révèle un relais important pour l’équipe. Le lien tissé tout au long du parcours de soins peut permettre aux familles d’oser le solliciter au moment du décès. Il faut néanmoins veiller à les dédouaner de cette demande parfois impossible à formuler, d’où l’importance d’une disponibilité systématique qu’elle soit physique ou par téléphone.

Soutien aux familles diversifié

Les interventions sociales sont diversifiées. L’organisation des obsèques est éprouvante. L’accompagnement consiste à informer les familles qui, sont souvent démunies face aux nombreuses obligations (mise en lien avec les pompes funèbres, explication de certains rites funéraires, respect des dernières volontés, etc.). En effet, cela peut se révéler particulièrement complexe pour des jeunes parents ou des personnes seules, des familles originaires d’un autre pays, des couples sans relais familial ou amical, des familles n’ayant jamais été confrontées à un décès… L’accompagnement social doit déchiffrer ces réalités et considérer la culture, les coutumes, les croyances et les valeurs de chacun. L’aspect administratif n’est pas la priorité quand l’heure est au recueillement. Le décès d’un enfant a de multiples incidences sur un foyer et certaines démarches doivent être réalisées rapidement (envoi de documents, d’actes de décès, calcul de nouveaux droits, etc.). L’impact psychologique de ces démarches est conséquent, renvoyant au vide laissé par l’être perdu, matérialisé dans des écrits et des formulaires. Rédiger des courriers mentionnant le décès de son enfant ou le verbaliser peut relever de l’insurmontable. Tout comme les coûts engendrés par un décès. Les demandes d’aides financières représentent une part importante des actions sociales menées. Il est capital d’aider les familles à honorer dignement leur enfant au moment de l’adieu. Des dispositifs d’aides légales, exceptionnelles et/ou associatives, sont ainsi mobilisés. Toutes ces démarches demandent beaucoup de délicatesse car elles doivent considérer les obsèques comme l’ultime séparation.

L’intervention sociale doit tenir compte de l’ensemble des relations et des liens existants autour d’un patient. Notre rôle consiste à soutenir et à écouter aussi bien les parents que les grands-parents, les conjoints, la fratrie et parfois aussi les amis. C’est pourquoi, après un décès, il est important qu’un professionnel proche du domicile soit identifié (reprise d’activité professionnelle, orientation dans un groupe de soutien…). Le maillage partenarial permet d’envisager l’accompagnement social post-décès, de porter une attention particulière à la fratrie ou encore d’éviter une rupture trop brutale avec le milieu hospitalier.

Témoins de la détresse des familles

Etant de témoins des difficultés rencontrées et verbalisées par nos partenaires, le développement de formations spécialisées en travail social pour la prise en charge des enfants, adolescents et jeunes adultes atteints de cancer nous semble un enjeu important. C’est pourquoi notre centre a organisé en 2018, en partenariat avec l’institut régional du travail social Hauts-de-France/site Métropole lilloise, une journée de formation intitulée “Les cancers de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte : des pratiques professionnelles pluridisciplinaires au service des patients et des familles”. Ces temps d’échanges et de partage de compétences permettent d’envisager des systèmes de coopération toujours plus adaptés. En effet, être témoins de la détresse et de l’effondrement psychologique et parfois physique des familles n’est pas chose facile. “Accueillir” n’est pas sans conséquence. Cela génère de vives émotions, des doutes et parfois même un sentiment d’injustice ou d’impuissance chez le professionnel. De plus, cela revient à s’exposer à notre propre représentation de la mort et à notre attitude face à elle. Ainsi, il est important de resituer la notion de temporalité au cœur de l’intervention sociale : le temps de la maladie, celui des patients et celui des familles… et le temps d’un accompagnement qui, bien que teinté de vives émotions pour les professionnels, est sans commune mesure avec la peine des familles.

Ainsi, bien qu’il n’y ait pas de procédure type en cas de décès, notre expérience nous invite à retenir les indications suivantes au plus près des besoins des familles dans une démarche d’“aller vers” :

• une mise à disposition systématique ;

• une intervention sociale pour les démarches liées à l’organisation des obsèques ;

• une intervention sociale pour les démarches administratives ;

• une intervention sociale pour un soutien financier ;

• la mobilisation des partenaires de secteur.

Ce programme d’accompagnement s’inscrit au cœur des valeurs et des principes de qualité de notre centre. L’alchimie de la rencontre entre un patient, sa famille et l’assistant de service social donne lieu à une dimension authentique, coopérative et humaniste qui permet l’expression des émotions aussi impensables soient-elles pour un accompagnement social “jusqu’au bout”. “C’est une belle harmonie quand le faire et le dire et le faire vont ensemble” (Montaigne). »

Contact : j-jacquot@o-lambret.fr

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