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Obligation de quitter le territoire français

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Obligation de quitter le territoire français

Crédit photo Alison Dahan, Clarisse Girard
Les ressortissants étrangers en situation irrégulière peuvent se voir signifier par les autorités administratives une obligation de quitter le territoire français. Présentation de cette mesure d’éloignement et des recours possibles.

Ces dernières années, la France a connu un afflux massif de ressortissants étrangers sur son territoire. Si certains bénéficient d’un titre de séjour ou peuvent prétendre au statut de réfugié, d’autres se trouvent en situation en irrégulière ou constitue une menace à l’ordre public.

Les autorités administratives peuvent prendre à l’encontre de ces ressortissants étrangers des mesures d’éloignement. Le présent dossier reviendra plus particulièrement sur la décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il s’intéressera notamment aux personnes concernées par cette mesure, à la procédure applicable ou encore aux modalités de recours.

Point actualité : La numérotation des articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) change à compter du 1er mai 2021(1). Auparavant, l’obligation de quitter le territoire français était codifiée aux articles L. 511-1 et suivants et R. 511-1 et suivants. A compter du 1er mai 2021, les dispositions relatives aux OQTF sont précisées aux articles L. 611-1 et suivants et R. 611-1 et suivants.

I. Les spécificités liées à une OQTF

La décision portant obligation de quitter le territoire français est une décision motivée prise par le préfet (Ceseda, art. L. 613-1). Elle concerne certaines catégories de personnes et peut être assortie d’un délai de départ volontaire ou d’une interdiction de retour sur le territoire français.

A. Les personnes concernées par une OQTF

Le préfet de département, ou à Paris le préfet de police, peut obliger un ressortissant étranger à quitter le territoire français lorsqu’il se trouve dans une des situations suivantes (Ceseda, art. L. 611-1) :

• l’étranger ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, il s’y est maintenu sans être titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ;

• l’étranger entré sur le territoire français sous couvert d’un visa désormais expiré ou, n’étant pas soumis à l’obligation du visa, entré en France plus de 3 mois auparavant, s’est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d’un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ;

• l’étranger s’est vu refuser la délivrance d’un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de l’autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s’est vu retirer un de ces documents ;

• la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l’étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour ;

• le comportement de l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de 3 mois constitue une menace pour l’ordre public ;

• l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de 3 mois ne dispose pas d’une autorisation de travail.

B. Les personnes qui ne peuvent faire l’objet d’une OQTF

Le législateur dresse une liste de ressortissants étrangers qui ne peuvent être obligés par l’administration à quitter la France. Cette liste prend en compte la situation personnelle des ressortissants. En ce sens, on retrouve notamment (Ceseda, art. 611-3) :

• l’étranger mineur de 18 ans ;

• l’étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 13 ans ;

• l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans, sauf s’il a été, pendant toute cette période, titulaire d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention « étudiant » ;

• l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 20 ans ;

• l’étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins 2 ans ;

• l’étranger marié depuis au moins 3 ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;

• l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins 3 ans avec un ressortissant étranger vivant lui-même en France depuis l’âge de 13 ans, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage ;

• l’étranger titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;

• l’étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié.

Le Conseil d’Etat, par avis du 8 avril 2021, relève que les périodes d’incarcération en France ne sont pas prises en compte dans le calcul d’une durée de résidence, mais ne remettent pas en cause la continuité de résidence habituelle en France depuis au plus l’âge de 13 ans (CE, 8 avril 2021, n° 446427).

A noter : Lorsqu’un ressortissant étranger se voit reconnaître la qualité de réfugié ou d’apatride ou qu’il bénéficie de la protection subsidiaire alors qu’il avait fait l’objet d’une décision portant OQTF, le préfet abroge cette décision (Ceseda, art. L. 613-6).

C. Le délai d’application de la mesure

1. Délai de départ volontaire

Par principe, un ressortissant étranger faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d’un délai de départ volontaire de 30 jours à compter de la notification de la décision du préfet. L’administration peut accorder de façon exceptionnelle un délai supérieur en fonction de circonstances personnelles (Ceseda, art. L. 612-1).

2. Refus du délai de départ volontaire

Le préfet a la possibilité de refuser d’accorder un délai de départ volontaire au ressortissant étranger qui se trouve dans les situations suivantes :

• son comportement constitue une menace pour l’ordre public ;

• il s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;

• il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet (sur la notion de risque, voir encadré page 20).

A noter : L’administration peut revenir sur le délai de départ volontaire qu’elle avait accordé si postérieurement à la notification de sa décision un motif de refus apparaît de la part du ressortissant étranger (Ceseda, art. L. 612-5).

D. L’interdiction de retour sur le territoire français

1. Modalités d’application

L’interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) est une mesure administrative prononcée par le préfet en lien avec l’obligation de quitter le territoire français. La situation est différente selon que la décision portant obligation de quitter le territoire français était ou non assortie d’un délai de départ volontaire.

Lorsque l’obligation de quitter le territoire français ne prévoit aucun délai de départ volontaire, le préfet assortit automatiquement l’OQTF d’une interdiction de retour sur le territoire français. Néanmoins, par exception, l’autorité administrative peut ne pas prononcer d’IRTF en raison de circonstances humanitaires (Ceseda, art. L. 612-6).

Dans ce cas, l’IRTF dure au maximum 3 ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français (Ceseda, art. L. 612-6).

Lorsque l’obligation de quitter le territoire français est assortie d’un délai de départ volontaire, l’interdiction de retour sur le territoire français est en principe une simple faculté pour le préfet (Ceseda, art. L. 612-8). Toutefois, l’autorité administrative édicte, sauf circonstances humanitaires, une mesure d’IRTF si le ressortissant étranger est resté irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire (Ceseda, art. L. 612-7).

Dans ces deux hypothèses, l’IRTF dure au maximum 2 ans à compter de l’exécution de l’OQTF (Ceseda, art. L. 612-7 et L. 612-8).

A noter : La durée des interdictions qu’elles soient ou non automatiques doit tenir compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence en France (Ceseda, art. L. 612-11).

2. Prolongation d’une IRTF

Une interdiction de retour sur le territoire français peut être prolongée dans certaines hypothèses particulières (Ceseda, art. L. 612-11) :

• l’étranger s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu’il était obligé de le quitter sans délai ;

• l’étranger s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé ;

• l’étranger est revenu sur le territoire français après avoir déféré à l’obligation de quitter le territoire français, alors que l’interdiction de retour poursuivait ses effets.

A noter : Chaque prolongation ne peut excéder 2 ans. De surcroît, sauf menace grave pour l’ordre public, la durée totale de l’IRTF ne peut excéder 5 ans à compter de l’exécution de l’OQTF.

3. Abrogation d’une IRTF

Une interdiction de retour sur le territoire français peut être abrogée à tout moment par le préfet sur demande de l’intéressé. Cette demande n’est valable que si ce dernier justifie résider hors de France (Ceseda, art. L. 613-7).

Lorsque l’IRTF fait suite à une ORTF assortie d’un délai de départ volontaire, elle est en principe abrogée si le ressortissant étranger justifie au plus tard dans un délai de 2 mois suivant l’expiration du délai de départ volontaire avoir satisfait à son obligation de quitter le territoire français (Ceseda, art. L. 613-8). Néanmoins, l’autorité administrative peut refuser d’abroger l’interdiction en raison de la situation ou du comportement du ressortissant étranger.

II. Les modalités de recours contre une OQTF

Les ressortissants étrangers peuvent contester devant le tribunal administratif la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision relative au délai de départ volontaire ou encore la décision d’interdiction de retour sur le territoire français.

Les délais de contestation diffèrent selon le type de décisions.

A. Absence d’assignation à résidence ou de placement en rétention

Si la décision portant obligation de quitter le territoire français a été assortie d’un délai de départ volontaire, le délai de saisine du tribunal administratif diffère selon le type de situation dans laquelle se trouvait le ressortissant étranger.

En revanche, si le ressortissant étranger est obligé de quitter le territoire français sans délai, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de 48 heures suivant la notification de la mesure.

A noter : Le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel se trouve la préfecture qui a pris la décision (code de justice administrative [CJA], art. R. 312-1).

B. Assignation à résidence ou placement en rétention

Dans l’attente de l’exécution de la mesure portant OQTF, les autorités peuvent décider d’assigner le ressortissant étranger à résidence ou de le placer en centre de rétention administrative.

Dans ces hypothèses, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être contestée dans un délai de 48 heures suivant sa notification (Ceseda, art. L. 614-8). Le tribunal statue ensuite dans un délai de 96 heures à compter de l’expiration du délai de recours (Ceseda, art. L. 614-9).

C. Contester la décision du tribunal administratif

Si le tribunal administratif a rejeté la demande du ressortissant étranger, ce dernier peut interjeter appel de la décision devant la cour administrative d’appel dans un délai de 1 mois à compter de la notification du jugement (CJA, art. R. 776-9).

Ce recours ne suspend pas l’exécution de la mesure. Un ressortissant étranger peut donc être renvoyé dans son pays d’origine avant que le juge ne se soit prononcé sur sa situation (CJA, art. R. 811-14).

Les risques de se soustraire à l’obligation de quitter le territoire français

Le législateur est venu préciser la notion de risque en établissant une liste des différentes situations dans lesquelles le risque est caractérisé (Ceseda, art. L. 612-3). Parmi les hypothèses énumérées on retrouve notamment :

• l’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

• l’étranger qui s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

• l’étranger qui s’est maintenu sur le territoire français plus de 1 mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

• l’étranger qui a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

• l’étranger qui s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

• l’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des Etats avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, qui fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des Etats ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces Etats sans justifier d’un droit de séjour ;

• l’étranger qui a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;

• l’étranger qui ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait à certaines mesures prises dans le délai de départ volontaire.

Notes

(1) Ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

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