Au moment où, assiégé par les sanctions internationales, Cuba fait face à une crise économique inédite depuis trente ans, son ministre des Affaires étrangères, Bruno Rodríguez, a publiquement salué à la mi-avril les garanties présentes dans son pays pour la gratuité des soins médicaux et l’attention particulière apportée aux personnes handicapées. Selon les autorités cubaines, le gouvernement maintient coûte que coûte les programmes nationaux censés offrir une des meilleures couvertures sociales et sanitaires du continent sud-américain. Selon les chiffres officiels, 35 000 Cubains bénéficient d’une prise en charge spécifique et d’une allocation mensuelle parmi les 460 000 personnes handicapées. Un Conseil national d’aide aux personnes handicapées (Conaped) a été créé en 1996 pour mettre en œuvre les politiques spécifiques du gouvernement, telles que le versement d’une subvention aux parents, et la promotion des droits liés au handicap fait partie des objectifs du Millénaire pour le développement du pays. Conformément à la Constitution cubaine, les discriminations liées au handicap sont théoriquement interdites. Et de nombreuses ONG interviennent également en complément des dispositifs locaux, à l’instar de Handicap international.
« Les personnes les plus vulnérables, en particulier celles handicapées, ont des difficultés à accéder aux prestations de santé et à l’emploi. Bien que celles-ci bénéficient de soins médicaux gratuits, le manque de moyens de transport et d’équipements modernes et spécialisés (comme les appareils auditifs) limite la prise en charge. Les personnes handicapées sont particulièrement vulnérables lors de catastrophes naturelles, notamment lors d’ouragans comme Matthew, qui a frappé l’est de Cuba en octobre 2016, touchant 300 000 personnes », explique l’association, qui travaille sur l’île depuis 1998.
Mais la situation s’est gravement détériorée à Cuba depuis le durcissement des sanctions économiques décrétées par l’administration Trump et, surtout, depuis la pandémie sanitaire qui a dévasté l’industrie du tourisme, principale source de devises pour l’économie locale. « Les Etats-Unis (ont) ignoré les appels répétés à la levée des sanctions qui sapent la capacité de Cuba et d’autres pays à répondre efficacement à la pandémie et à sauver des vies. Le Covid-19 n’est pas seulement mortel, il inflige d’énormes souffrances physiques et psychologiques, en particulier dans les pays où le personnel médical est étouffé pour s’acquitter de ses tâches professionnelles en raison de l’absence de matériel médical et de médicaments adéquats pour traiter leurs patients », s’alarmaient les experts des Nations unies en avril 2020. Avant d’ajouter : « Nous sommes particulièrement préoccupés par les risques pour le droit à la vie, à la santé et aux autres droits critiques des couches les plus vulnérables de la population cubaine, y compris les personnes handicapées et les personnes âgées, qui courent un risque beaucoup plus élevé lorsqu’elles contractent le virus. ».
Un autre phénomène menace les politiques d’aide à Cuba. Depuis plusieurs mois, l’hyperinflation, et donc la dévaluation des allocations touchées par les personnes vulnérables, s’est accélérée dans des proportions dramatiques. A la chute inédite de 11 % du PIB enregistrée en 2020 s’est ajouté l’effondrement de la valeur du peso, contraignant le gouvernement à décréter une augmentation de 525 % du salaire minimal et de 450 % des retraites pour maintenir le maigre pouvoir d’achat des Cubains. Une spirale qui devrait se poursuivre en 2021 : depuis son arrivée à la Maison Blanche, Joe Biden n’a pas évoqué la moindre ouverture à l’égard de Cuba, de crainte de voir basculer la fragile majorité des démocrates au Sénat.