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Ne plus confondre signes de maltraitance et handicap

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Contrairement à l’annonce gouvernementale formulée en octobre 2019, les référents handicap présents dans les cellules de recueil d’informations préoccupantes (Crip) semblent bien rares. Ce poste devait permettre aux professionnels, non formés aux troubles du neurodéveloppement, de distinguer ceux-ci des signes de maltraitance.

Depuis plusieurs années, les associations dénoncent des signalements infondés subis par des parents d’enfants handicapés et aboutissant parfois à des placements injustifiés. En témoigne le cas de Rachel, mère de deux enfants autistes et d’un enfant hyperactif placés depuis 2015. Est en cause la méconnaissance des travailleurs sociaux ainsi que de l’ensemble de la société – de l’Education nationale au corps médical – au sujet des troubles du neurodéveloppement (TND) tels que l’autisme, le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) et les troubles « dys » (dyslexie, dysphasie, dyspraxie, etc.), dont les symptômes ressemblent aux signes de maltraitance.

Au cœur du dispositif de signalement et d’enquête sociale, les cellules de recueil des informations préoccupantes (Crip) reçoivent chaque année plusieurs milliers d’informations de ce type. Depuis 2019, aucune des Crip contactées par la rédaction des ASH n’a mis en place un poste de « référent handicap ». Le cabinet du secrétaire d’Etat à l’enfance et aux familles souligne néanmoins que « plusieurs d’entre elles développent leur caractère pluridisciplinaire et facilitent les liens avec les secteurs concernés sur les volets psychologique, psychiatrique ou neuro-développemental, notamment dans l’Eure, le Val-d’Oise et la Loire-Atlantique ». De son côté, la Haute Autorité de santé a diffusé, le 20 janvier dernier, le premier cadre national de référence pour l’évaluation globale de la situation des enfants en danger, qui évoque à plusieurs reprises les TND.

Pour Sébastien Manero, chef de secteur de la Crip de l’Essonne, « comprendre si les troubles repérés proviennent d’un handicap ou de maltraitances familiales demande une grande finesse d’évaluation. C’est pourquoi nous fonctionnons en réseau en nous appuyant sur les différents services du département, comme la PMI (protection maternelle et infantile), dont les médecins et psychologues sont formés au repérage précoce des TND. »

Mais repérer ne suffit pas. « Notre rôle est aussi de mobiliser les ressources des familles en difficulté et de leur apporter des réponses, précise le professionnel. Mais il y a deux ans d’attente pour un diagnostic, sans parler des prises en charge. Les informations préoccupantes nous parviennent tard, quand la famille est épuisée, faute de soins, et peut basculer dans la maltraitance. » Médecin référente en protection de l’enfance et responsable de la Crip du Nord, Valérie Ternel complète : « Notre problème, c’est la masse. Nous traitons dans notre département 7 500 informations préoccupantes par an concernant des enfants aux troubles du comportement et problématiques de plus en plus complexes, face auxquels nous sommes peu outillés. Nous devons pouvoir nous appuyer sur des neuropsychologues, des pédopsychiatres, des neuropédiatres… »

Peau de chagrin

Le 6 avril dernier, Adrien Taquet et Sophie Cluzel, respectivement secrétaires d’Etat à l’enfance et aux familles et chargée des personnes handicapées, annonçaient dans un communiqué « des actions interministérielles » pour « mettre fin à la confusion entre l’autisme, le TDAH ou les dys et les signes de maltraitance ». A savoir « des actions de sensibilisation et de formation » et « la diffusion au deuxième trimestre 2021 d’une liste de médecins experts aux Crip, via les agences régionales de santé, ainsi qu’aux magistrats ».

Pour Sophie Janois, avocate spécialisée dans la défense des familles d’enfants autistes et TDAH, la reconnaissance du problème est un pas en avant important, mais insuffisant : « Qui seront les experts des TND inscrits sur cette liste ? Comment pourront-ils se prononcer en urgence sous cinq jours, comme évoqué dans ce communiqué ? De plus, ces spécialistes ne devraient pas seulement être sollicités pour établir un diagnostic, mais aussi pour aider l’ASE à appréhender la situation familiale dans sa globalité au regard du handicap. »

Le cabinet de Sophie Cluzel précise que cet « annuaire préparé par la délégation interministérielle autisme-TND sera constitué de médecins des lignes expertes de ces troubles : centres de ressources autisme, centre d’experts TDAH et centres de référence des troubles spécifiques du langage et des apprentissages ». De plus il confirme que seuls l’ASE et les magistrats pourront saisir ces spécialistes, et non les familles. Un détail qui réduit à peau de chagrin l’intérêt de cette mesure à venir, d’après Sophie Janois.

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