Recevoir la newsletter

Dedans. Dehors.

Article réservé aux abonnés

Il s’appelle Louis et il a tout juste 20 ans. Il a une vie paisible, Louis, la vie d’un jeune homme de 20 ans. Une vie normale.

Jusqu’aux premiers signes. Une mauvaise période, peut-être. Trop de boulot, trop de pression, trop de tout. Une angoisse sourde, profonde, qui s’insinue petit à petit. La fatigue lancinante, les nuits trop courtes et les journées trop longues, et puis, insidieusement, les nuits trop longues et les journées trop courtes. Cette impression d’être là sans être là, parfois, d’être encore hier ou déjà demain, de faire et refaire sans avoir fait quoi que ce soit.

Il ne s’inquiète pas vraiment, Louis. Trop de boulot, peut-être, trop de pression, sans doute. Trop de tout. Ses amis lui disent que c’est dans la tête. Un peu de relaxation, un peu moins de café aussi, tu verras, Louis, ça finira bien par passer. Mais l’angoisse est toujours là.

Il va voir un médecin, qui lui prescrit du repos et des antidépresseurs. Il y a un léger mieux pendant quelques jours. Mais ça ne dure pas. Il essaie de faire avec, puisqu’il ne peut pas faire sans. Parfois, en avalant un comprimé avec quelques gorgées de bière, ça s’atténue un peu, mais c’est déjà mieux que pas du tout. Parfois aussi, un peu de cannabis, pour se détendre un peu.

En quelques jours à peine, l’angoisse envahit tout. Les jours et les nuits, le corps et l’esprit. Elle est partout, tout le temps, dedans et dehors, ne lui laissant plus aucun répit. Autour de lui, tout devient trop net et trop flou. Il entend ses voisins chuchoter à travers les murs, mais leurs paroles sont noyées dans le brouhaha de ses pensées.

Les chuchotis deviennent des bruits, les bruits deviennent des cris, les cris deviennent vacarme. Un vacarme incessant, dedans et dehors, toutes voix entremêlées, celles des voisins, des amis, des passants, des voix qui chuchotent, qui parlent, qui crient, et tous les mots se mélangent, dedans et dehors. Il veut les faire taire, ces voix qu’il ne veut pas entendre. Il va voir les voisins pour leur demander de parler moins fort, il hèle les passants par la fenêtre. Mais ça ne suffit pas. Il veut les couvrir, ces voix qui ne tarissent pas. De musique et de cris, les noyer dans son propre vacarme, pour qu’elles se taisent, enfin, qu’elles le laissent tranquille, ces voix qui lui donnent des ordres. Mais elles sont toujours là, ces voix, et avec elles d’autres se mêlent à leur chœur dissonant. Au téléphone, la voix inquiète de sa mère qui le supplie de se rendre à l’hôpital. Derrière la porte, la voix pressante du médecin du Samu qui lui demande d’ouvrir la porte.

Et puis… le silence. Enfin. Les voix se sont tues et il est là, seul, sans bruit, dans la nuit qu’éclaire à peine une lointaine veilleuse au fond du couloir. Le silence à peine troublé par une voix qui lui parle tout doucement, une voix amie qui lui veut du bien. « Vous avez fait une bouffée délirante aigüe, lui dit la voix toute proche. Vous êtes en sécurité. On va vous aider. »

Du fond du silence, la voix amie le berce et le rassure. Elle a fait taire toutes les autres voix et sa mélodie endort le vacarme du monde. Dedans, dehors, le silence, enfin.

La minute de Flo

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur