Déguisée en aristocrate un peu déjantée, la comédienne Léa Ostermann se rendait habituellement au domicile des personnes en grande difficulté sociale afin de rompre leur isolement. Une mission rendue complexe par la crise sanitaire. Qui plus est, difficile de grimacer, de se maquiller ou de porter un nez rouge quand le port du masque est obligatoire. Alors, lors du deuxième confinement, la jeune femme, avec la compagnie 24 Carats, et en relation avec le centre communal d’action sociale (CCAS) de Lons-le-Saunier (Jura), a trouvé la parade et proposé des représentations par téléphone.
Avant chaque appel, elle prend soin de se renseigner sur chaque personne. « J’écris une histoire en prenant en compte leur vie afin de les embarquer dans un imaginaire proche de ce qu’ils connaissent. Je façonne mon histoire selon leur vécu », explique-t-elle. Pour cela, elle s’appuie sur un dispositif sonore ou sur le chant. Le but est de permettre à ces personnes de s’évader.
« Il m’arrive de leur demander de se déguiser, de danser, de chanter… J’essaie de les intégrer au maximum dans la représentation, poursuit-elle. Certains sont plus sensibles à l’humour, d’autres veulent parler d’eux, d’autres encore refusent d’évoquer le passé. J’individualise le plus possible. Ce n’est pas une simple lecture de poésie comme le proposent de nombreux CCAS depuis le début de la crise. »
Depuis 2017, la compagnie de cette ancienne éducatrice spécialisée organise des « promenades solidaires », des visites aussi bien chez les personnes âgées isolées que dans des maisons d’arrêt, des quartiers défavorisés ou des maisons d’accueil pour enfants. Avec succès car des partenariats ont été noués avec le CCAS de Besançon et des discussions sont en cours avec ceux de Dijon et de Mâcon.
« J’ai créé la compagnie dans l’objectif d’utiliser le clown, le burlesque pour entrer en relation de manière décalée avec des personnes socialement isolées, indique-t-elle. Le clown, par sa naïveté, son côté maladroit, son histoire, permet de créer un lien particulier et intime. C’est un personnage qui se livre, sans filtre, sans tabous. Il est très joyeux, met les pieds dans le plat, ce qui le rend très attachant. Cela permet aux gens de s’identifier et d’être dans un rapport de complicité. Ils se dévoilent plus facilement. En quelques mots, je brise la glace. » Pour le plus grand bonheur du public. « Son travail est extraordinaire. C’est comme si elle redonnait du pouvoir d’agir aux personnes, leur permettait de devenir comédien une fois dans leur vie. Mais surtout elle les fait rire aux éclats. Et pour une personne isolée c’est inhabituel », témoigne Bernadette Maréchal, ancienne chargée de mission au CCAS de Lons-le-Saunier. Et d’ajouter : « Ces personnes ont des étoiles dans les yeux. Un peu comme des enfants qui découvrent le monde. Elle transcende leur quotidien. » Et en ces temps de crise, c’est plus que bienvenu.
Cependant, si la magie a réussi à opérer par téléphone, Léa Ostermann l’assure : « Rien ne remplacera jamais le théâtre vivant. » C’est pour cela qu’elle milite pour la reprise de ses prestations. « Je trouve dommage de ne pas avoir le droit de me rendre au domicile de ces personnes. Elles sont au bout du rouleau, en plein glissement… C’est maintenant qu’elles ont besoin d’une animation. »