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Prostitution des mineurs : la fin d’un déni ?

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De nombreux obstacles jalonnent encore le parcours d’accompagnement des mineurs en situation de prostitution malgré les prémices d’une prise de conscience, en marge de la loi de 2016.

« Ce sont des jeunes avec des problématiques abandonniques, des troubles de l’attachement très importants », racontent Marie-Laure Salignat et Florence Sarribeyioglou, cheffes des services « éducatif » et « psychologie » à la maison d’enfants à caractère social Peps (Parcours éducatif et psycho-social) de Marseille. Leur foyer, piloté par l’Association pour la réadaptation sociale (ARS 13), accueille et accompagne au quotidien des jeunes présentant des « conduites à risques et prostitutionnelles ». « Mais ce n’est jamais une voie d’entrée », insistent les professionnelles, qui considèrent la prostitution comme un symptôme, au même titre que « la scarification, les fugues ou les troubles du comportement alimentaire ».

Un accueil inconditionnel parfois complexe à gérer : « Comme nous avons autant de psychologues que d’éducateurs, on oriente souvent vers nous des jeunes filles qui ne rentrent pas dans les cases, très abîmées, déjà en fin de parcours à 14 ans. Et il a pu arriver que toutes nos jeunes soient en situation de prostitution. Très vite, un amalgame a pu se faire », soulignent-elles. Lanceuse d’alerte, leur structure s’est vue un temps isolée, stigmatisée comme un « vivier » de la prostitution. Aujourd’hui, la Mecs façonne aux côtés des institutions un dispositif de signalement sur la région. « C’est sûr, cela aurait été beaucoup plus simple pour nous de faire comme si cela n’existait pas. »

Peu à peu, le voile se lève autour de cette problématique longtemps taboue, dans les Bouches-du-Rhône comme ailleurs. Difficile à mesurer, celle-ci toucherait entre 6 000 et 10 000 jeunes en France, qu’il s’agisse de mineurs non accompagnés (MNA) ou de jeunes Français d’horizons divers. « Il est très récent que la société veuille bien se pencher sur cette question, ajoute Marie-Laure Salignat. Et cela ne touche pas que les jeunes de foyers, même si le terreau y est plus fertile. » Car, les acteurs sont unanimes, le phénomène se banalise avec l’avènement des réseaux sociaux, l’hypersexualisation dans les médias ou l’affaire « Zahia » (jeune femme devenue célèbre alors qu’elle était mineure pour ses rapports tarifés avec des footballeurs français de premier plan).

Face à la montée en puissance de l’« escorting » (prostitution pratiquée par le biais des réseaux) ou du « michetonnage » (relations consenties en échange de biens de consommation), Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles, a lancé fin septembre 2020 un groupe de travail réunissant police, justice et associations, dont les recommandations sont attendues courant mai. Un dialogue nécessaire face au manque de coordination. « Une structure doit s’appuyer sur tout un réseau institutionnel où chacun va jouer sa partition, indique Arthur Melon, directeur de l’association ACPE (Agir contre la prostitution des enfants), qui milite également pour un accroissement de la prévention au sein de l’Education nationale. Nous devons vraiment réfléchir à des solutions au niveau du système dans son ensemble. »

Manque de centres d’éloignement

Pour l’heure, la sécurité même de ces jeunes interroge. « Quand une jeune fille est prise dans un réseau, une réponse pour l’extraire immédiatement devrait exister. Mais cela n’arrive jamais, faute de dispositif », déplore Marie-Laure Salignat. « ll y a un manque criant de moyens pour trouver des centres d’éloignement lorsque des proxénètes menacent, renchérit Arthur Melon. Sur le plan de la santé aussi, les services sont complètement saturés. »

Et, au cœur de leur prise en charge, figurent les difficultés rencontrées par les travailleurs sociaux. Aziz Essadek, enseignant-chercheur en psychologie, vient de remettre un rapport au ministère de la Justice centré sur leur suivi. Sa recherche souligne en premier lieu le besoin de formation à la protection judiciaire de la jeunesse et à l’aide sociale à l’enfance afin de renforcer les connaissances sur les différentes formes d’emprises. Il préconise en outre « une définition claire et consensuelle de la prostitution des enfants » mettant en avant la notion d’« exploitation sexuelle » – comme au Canada, où des institutions sont d’ailleurs spécialisées dans leur accompagnement. A l’image de la cinquantaine de professionnels qu’il a interrogés, l’expert s’est lui-même senti démuni, faute de formation, durant ses sept années de pratiques en action éducative en milieu ouvert (AEMO) : « J’avais du mal à me dire que ces mineurs étaient dans des comportements prostitutionnels. Quand je l’ai réalisé, j’en ai identifié beaucoup plus. »

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