« Dans chaque département, l’État […] fournit l’assistance dont [les victimes] ont besoin, notamment en leur procurant un placement. » Cinq ans plus tard, cet article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles favorable aux travailleuses du sexe, modifié par la loi du 13 avril 2016, peine encore à être appliqué. Le rapport de l’Igas (inspection générale des affaires sociales) publié l’an passé et évaluant la loi sur la prostitution est sans appel : « Il résulte des auditions que des personnes bénéficiant d’un PSP [parcours de sortie de la prostitution] peuvent rester à la rue, se voir hébergées dans des hôtels accessibles aux proxénètes ou être accueillies par des bénévoles associatifs. » D’après les rapporteurs, si une dizaine de CHRS (centres d’hébergement et de réinsertion sociale), dont huit gérés par l’Amicale du Nid, se sont spécialisés dans l’accueil de personnes bénéficiant d’un PSP, il existe toujours « peu de places dédiées pour ces publics ». L’accueil en CHRS est pourtant l’une des clés de la réussite. Et bénéficier d’une solution « le plus tôt possible » reste l’une des recommandations présentées par les acteurs de terrain. Car aucune mise à l’abri n’est prévue « explicitement par la loi ni surtout par ses décrets d’application », comme le soulignait en 2018 devant le Sénat Laura Slimani, alors chargée de mission à la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).
En partenariat avec le Mouvement du Nid, le CHRS L’Etape Insertion de Nantes accueille pour sa part deux des quelques places disponibles en Loire-Atlantique. Et ce, avant leur passage en commission. « Quand on discute avec ces femmes, elles disent bien qu’il est difficile d’arrêter quand elles n’ont rien, assure l’éducatrice spécialisée Lucie Aubret. Le support de l’hébergement et de l’aide alimentaire permet de réfléchir différemment et de consolider leur choix d’arrêt de la prostitution. » Le volet psychiatrique est lui aussi perçu comme indispensable par l’éducatrice : « Les problématiques peuvent relever autant du parcours migratoire que de la traite en elle-même ou d’événements dans leur pays d’origine. » Toutefois, l’Igas le soulignait, ce suivi, « particulièrement important pour ce public », « souffre actuellement de manque de moyens ». Pour pallier cette situation, le secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les hommes et les femmes proposait, dans son plan d’action pour 2019-2021, de renforcer la prise en charge via la création de nouveaux centres régionaux du psychotraumatisme (CRP), dont les premiers ont vu le jour l’an passé. Gérées indépendamment et coordonnées par le Centre national de ressources et de résilience (CN2R), ces structures, bientôt au nombre de 15, disposent toutefois d’un budget limité pour suivre tous types de traumatismes : inceste, catastrophes, terrorisme… Selon Thierry Baubet, codirecteur du CN2R et professeur en pédopsychiatrie à l’hôpital Avicenne de Bobigny, l’un des principaux objectifs, au-delà de la prise en charge des patients, est alors de construire un réseau et de former les acteurs du territoire. Il conseille ainsi aux associations spécialisées « de se rapprocher des CRP pour voir les possibilités de conventionnement ».
« Historique », d’après Patrick Hauvuy, directeur de l’association ALC, le dispositif Ac.Sé est né en 2001 dans la ville de Nice, l’une des plaques tournantes françaises de la traite des êtres humains. D’une capacité de 87 places, Ac.Sé, qui propose également des formations, permet d’éloigner les victimes de traite « en danger localement » vers des centres d’hébergement partenaires, tout en misant sur un accompagnement socio-professionnel. Un nombre de places jugé « insuffisant » par la Fact-s (Fédération des actrices et acteurs de terrain et des survivantes de la prostitution). Un discours que Patrick Hauvuy nuance toutefois, évoquant plus globalement le besoin de rendre le système plus efficace. Selon Lucie Aubret, éducatrice spécialisée, qui accompagne depuis 2003 deux places Ac.Sé dans son CHRS, des difficultés émergent, notamment pour réorienter les personnes par le biais du service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO) une fois leur situation sécurisée : « Le système est embolisé. En ce moment, nous avons des jeunes femmes qui attendent une orientation tout à fait justifiée et adaptée, mais il n’y a pas de places. »