« Le but est d’accrocher les jeunes par les jeux vidéo. Nous nous servons de cette nouvelle approche pour souligner des compétences transposables au monde du travail », avance Amélie Mounier, responsable de l’événementiel au sein des orKs de Grand Poitiers, une équipe dédiée aux e-sports – les sports électroniques – basée dans la Vienne. Entraînés comme des sportifs de haut niveau, ces joueurs compétitifs ont imaginé, de concert avec la mission locale d’insertion du Poitou (MLIP), un atelier inédit en France. Baptisé TeamJob, il vise à favoriser la recherche d’emploi des jeunes de 16 à 25 ans, parfois déscolarisés ou peu diplômés, en s’appuyant sur un outil qu’ils maîtrisent et apprécient : les jeux vidéo. « Certains ne trouvent pas leur compte avec les ateliers habituels consacrés aux CV ou aux compétences. Avec ces moments récréatifs et ludiques, ils se sentent plus concernés. Et nous nous intéressons à eux pour ce qu’ils sont », estime Stéphanie Arnoux, une conseillère en insertion auprès de la MLIP.
Ce projet ne doit rien au hasard. La capitale poitevine accueille chaque année en avril, et depuis l’an 2000, la Gamers Assembly, manifestation la plus importante en France dédiée aux jeux vidéo. Son organisateur, l’association FuturoLan, a travaillé avec la MLIP et les orKs pour concevoir ce TeamJob. Construit sur une journée, il enchaîne parties de jeux vidéo et entretiens individuels avec des conseillers en insertion. Ces temps, sans liens apparents, poursuivent un même but : « Révéler des compétences méconnues ou sous-estimées, assure Amélie Mounier. Dans l’e-sport, la communication et l’entraide sont essentielles entre joueurs. Tout comme l’observation ou la résolution des problèmes. » Difficile, pourtant, d’évoquer les jeux vidéo dans un CV, souffle-t-elle : « Ecrire qu’on aime ça apporte peu. Mais préciser ce qu’ils nous apportent permet de mieux défendre sa candidature. »
Stéphanie Arnoux, qui conseille des jeunes déscolarisés autant que des surdiplômés, acquiesce : « Des profils se sont déjà révélés : éteints en entretien, leaders en équipe. Lorsqu’ils jouent, ils cherchent des réponses, s’entraident et s’accrochent. Ces atouts sont largement défendables dans le cadre d’une recherche d’emploi ! »
Thomas Rennuy, titulaire d’une licence de psychologie, confirme : « J’ai modifié mon CV pour intégrer les compétences apprises dans cet atelier : le travail d’équipe et l’adaptabilité. » Mathieu Paganelli, 24 ans, suit son quatrième TeamJob : « C’est plus intéressant que ce à quoi je m’attendais. Cet atelier me permet de me concentrer sur un projet, de découvrir l’e-sport et de nouvelles connaissances », détaille cet ancien mécanicien industriel engagé dans une reconversion professionnelle.
Pour chapeauter ces jeunes, FuturoLan a recruté Ludovic Chauvet en service civique. A 21 ans, ce Poitevin trouve un réel intérêt à ce dispositif : « Valoriser les jeux vidéo peut vraiment faciliter la recherche d’emploi. C’est gratifiant. » Lui a connu les mêmes galères : « J’étais déscolarisé et je jouais beaucoup. Ce service civique m’a permis de découvrir une autre facette du jeu. Alors, j’essaie de donner un maximum de conseils. » Les TeamJob sont organisés jusqu’en juin dans quatre villes de la Vienne à raison de deux ateliers par semaine. Douze jeunes peuvent y participer simultanément.