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La rupture conventionnelle

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La rupture conventionnelle

Crédit photo Alison Dahan, Clarisse Girard
Quelle soit collective ou individuelle, la rupture conventionnelle est un mode de rupture amiable du contrat de travail. Dans un cas, la procédure s’inscrit dans le cadre d’un accord collectif, dans l’autre, la négociation se fait directement entre le salarié et l’employeur. Présentation des dispositifs.

Au cours des derniers mois, la crise sanitaire a dégradé le contexte économique dans de nombreux secteurs d’activité et notamment dans le secteur des services à la personne et de l’aide à domicile. Plusieurs grandes entreprises françaises ont ainsi annoncé qu’elles envisageaient de mettre en place des ruptures conventionnelles collectives pour faire face à la situation.

Ce mode de rupture du contrat de travail est très récent puisqu’il a été intégré dans le code du travail par les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017. Il donne la possibilité à l’employeur, entreprise comme association, de proposer à plusieurs salariés volontaires de rompre leur contrat de travail de façon négociée. Ce dispositif repose sur un régime juridique distinct du licenciement économique et de la rupture conventionnelle individuelle.

Le recours à la rupture conventionnelle collective n’est pas lié au contexte économique de la structure contrairement au licenciement économique (code du travail [C. trav.], art. L. 1233-3 et s.). L’employeur n’est tenu de justifier d’aucune menace sur sa compétitivité ou de difficultés économiques. Les structures peuvent par exemple privilégier ce dispositif en vue d’anticiper une future restructuration. Dans le contexte économique actuel, ce type de rupture de contrat de travail pourrait être une alternative intéressante aux évolutions futures des différents secteurs professionnels.

On rappellera toutefois que l’utilisation de ce dispositif est conditionnée par la négociation d’un accord collectif et par l’accord des salariés.

Le dossier reviendra sur le déroulement et les risques liés à ce dispositif. Il s’attachera également brièvement sur la rupture conventionnelle individuelle afin d’étudier les principales différences entre ces deux modes de rupture du contrat de travail.

I. La mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective

Avant de proposer une rupture conventionnelle collective a un salarié, l’employeur doit négocier un accord collectif avec les partenaires sociaux et le déposer à l’administration pour validation.

A. La négociation de l’accord

1. Les conditions de validité de l’accord collectif

La rupture conventionnelle collective repose sur la conclusion d’un accord collectif. Néanmoins, le législateur n’a pas restreint les modes de négociation. Ce dispositif est donc ouvert à tous les types de structures : celles qui disposent d’un délégué syndical et celles qui en sont dépourvues.

a) Structures avec délégué syndical

Dans les entreprises ou associations qui disposent d’un délégué syndical, l’accord devra être pris avec les organisations syndicales représentatives représentant au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles ou, lorsque cette condition n’aura pas été atteinte, avec une ou plusieurs organisations syndicales représentatives représentant a minima 30 % des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections professionnelles.

Pour précision, une ou plusieurs de ces organisations disposent alors d’un délai de 1 mois à compter de la signature de l’accord afin d’indiquer son ou leur souhait d’obtenir une consultation des salariés pour valider l’accord, sous la réserve d’avoir recueilli plus de 30 % des suffrages dans les conditions précitées. Les autres organisations syndicales représentatives ont alors la faculté, pendant un délai de 8 jours, de signer le projet d’accord afin de permettre d’atteindre le taux de 50 %. Si tel est le cas, l’accord sera validé.

A défaut, après écoulement d’un délai de 1 mois, l’employeur a la possibilité de solliciter lui-même l’organisation de cette consultation dès lors qu’il n’existe aucune opposition de l’ensemble des organisations précédemment énoncées. La consultation des salariés devra être organisée dans un délai de 2 mois à compter de la demande de consultation (voir C. trav., art. L. 2232-12 pour les modalités).

b) Structures sans délégué syndical

Lorsque la structure est dépourvue de délégué syndical ou de conseil d’entreprise, les modalités de négociation seront différentes et sont fixées par les articles L. 2232-21 et suivants du code du travail.

Les structures employant moins de 11 salariés sont soumises à la procédure allégée de proposition d’un projet d’accord par l’employeur soumis à ratification par l’ensemble du personnel à la majorité des deux tiers de l’effectif. Les entreprises ou associations dépourvues de représentants du personnel (en présence d’un procès-verbal de carence uniquement) dans la tranche d’effectif comprise entre 11 et 20 salariés pourront suivre les modalités de négociation figurant ci-dessous.

Dans les structures disposant de représentants du personnel et dont l’effectif est compris entre 11 et moins de 50 salariés, la négociation pourra être menée avec un salarié mandaté puis doit intervenir la validation de l’accord à la majorité des suffrages exprimés par les salariés ou avec un membre du comité social et économique (CSE) (mandaté ou non) sous la réserve d’une signature par les membres de la délégation du personnel représentant la majorité des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles.

Enfin, concernant les structures dont l’effectif habituel est a minima de 50 salariés, la négociation interviendra nécessairement avec un ou plusieurs membres du CSE mandaté par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou, en l’absence de volonté des membres de la délégation du personnel d’engager les négociations, avec un ou plusieurs salariés mandatés puis l’accord est soumis à référendum validé à la majorité des suffrages exprimés par l’ensemble des salariés (tableau récapitulatif des modalités de conclusion d’un accord collectif, page 22).

1. Le contenu de l’accord collectif

A titre liminaire et conformément aux dispositions relatives à la négociation collective en entreprise, l’accord devra comprendre les clauses minimales classiques intégrant :

• un préambule ;

• une clause fixant les conditions de renouvellement et de révision ;

• une clause fixant les modalités de son suivi et de rendez-vous entre les parties à la négociation ;

• une clause déterminant les modalités de dénonciation de l’accord.

L’accord devra par ailleurs définir, conformément aux dispositions de l’article L. 2222-3 du code du travail, un calendrier des négociations et les modalités de prise en compte dans l’entreprise des demandes relatives aux thèmes de négociation émanant d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives.

De surcroît, le législateur énumère les autres clauses devant figurer dans l’accord collectif portant sur la rupture conventionnelle. Ainsi les parties doivent être vigilantes et prévoir (C. trav., art. L. 1237-19-1) :

• l’ensemble des modalités d’information et les conditions afférentes de consultation du CSE (si la structure en dispose d’un) ;

• le nombre maximal de départs envisagés ainsi que les suppressions d’emplois associées et la durée totale de la mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective ;

• les conditions fixées devant être remplies par les salariés pour en bénéficier ;

• les modalités de présentation et d’examen de candidatures des salariés intégrant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif ;

• les critères mis en place afin de départager deux potentiels candidats au départ ;

• les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties aux salariés ;

• une liste de mesures visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, comme le congé de mobilité, les actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou encore la reprise d’activités existantes… ;

• les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord.

En vue d’anticiper les difficultés à venir pour certains types d’emplois, les négociateurs peuvent décider de réserver les départs volontaires à certains salariés seulement. Il convient toutefois d’être vigilant et de prévoir, conformément au principe d’égalité de traitement, des critères objectifs. A titre d’illustration, les critères ne peuvent être fixés en fonction de l’âge ou du sexe des salariés. La Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) prête une attention particulière à cette règle d’ordre public au moment de la validation de l’accord collectif(1).

A noter : L’accord doit également préciser la durée pendant laquelle l’employeur s’engage à ne pas procéder à des licenciements pour motif économique (C. trav., art. L. 1237-19). Ce dispositif doit donc être manié avec précaution car il intègre une durée pendant laquelle l’employeur a l’obligation de s’engager à exclure tout licenciement pour motif économique afin d’atteindre le volume de suppression d’emplois fixé par la rupture conventionnelle collective. Ainsi, si le nombre de salariés intéressés par le dispositif est inférieur au volume global de suppression d’emplois envisagé, l’employeur ne pourra, pendant une période déterminée, procéder à des licenciements pour motif économique quand bien même il répondrait aux critères fixés par le code du travail.

B. Le rôle de l’administration

L’administration intervient dans le processus de la rupture conventionnelle collective à deux reprises : préalablement à l’ouverture des négociations et postérieurement à la conclusion de l’accord collectif.

1. L’information préalable à toute négociation

L’employeur doit être vigilant lorsqu’il envisage de négocier une éventuelle rupture conventionnelle collective. En effet, il lui incombe d’avertir sans délai la Direccte dont relève la structure ou l’établissement par voie dématérialisée (C. trav., art. L. 1237-19 et D. 1237-7).

Lorsque le projet de rupture conventionnelle concerne plusieurs établissements d’une même entreprise ou d’une même association, l’employeur doit informer la Direccte du siège de la structure. Le directeur de cette dernière saisit ensuite le ministre chargé de l’emploi sans délai pour qu’il désigne le directeur régional compétent. La décision de désignation est alors communiquée à la structure dans un délai de 10 jours à compter de la notification par l’employeur de son intention de négocier. A défaut, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de la structure concernée. Le directeur désigné compétent est alors tenu d’informer l’employeur et ce dernier avertit le comité social et économique et les organisations syndicales représentatives (C. trav., art. D. 1237-6-1).

2. La validation de l’accord collectif

Une fois que l’accord a été conclu avec les partenaires sociaux, l’employeur doit le transmettre à l’autorité administrative pour validation par voie dématérialisée (C. trav., art. L. 1237-19-3 et D. 1237-8).

Avec l’accord collectif, l’employeur doit également joindre les informations permettant de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles il a été conclu ainsi que les informations permettant de vérifier la mise en œuvre effective de l’information du CSE ou, en cas de carence, le procès-verbal de carence (C. trav., art. D. 1237-9).

A noter : Il existe une plateforme dédiée aux ruptures collectives dénommée Rupco (« Ruptures collectives de contrats de travail ») sur laquelle il convient de déposer l’accord une fois celui-ci conclu.

Après réception des documents, le directeur de la Direcct doit informer l’employeur, les organisations syndicales et le CSE que le dossier est complet. Il peut également demander des documents complémentaires (C. trav., art. D. 1237-8).

Afin de valider l’accord, l’administration procède à plusieurs vérifications légales (C. trav., art. L. 1237-19-3) :

• l’accord ne doit pas prévoir de licenciement ;

• l’accord doit contenir toutes les clauses obligatoires ;

• les mesures visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés doivent être suffisamment précises et concrètes ;

• la procédure d’information du CSE doit être régulière.

La notification de la décision de validation motivée s’effectue dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l’accord. Elle est également notifiée au comité social et économique et aux signataires de l’accord.

En l’absence de réponse dans ce délai, l’accord est considéré comme validé par l’administration. Il incombe alors à l’employeur d’informer le CSE et les signataires de l’accord (C. trav., art. L. 1237-19-4).

Si tous les critères précités ne sont pas remplis, l’administration a la possibilité de refuser la validation. L’employeur est alors en droit de reprendre son projet et de présenter une nouvelle demande par voie dématérialisée après avoir averti le CSE (C. trav., art. L. 1237-19-6 et D. 1237-11).

A noter : Conformément aux dispositions légales applicables à l’ensemble des accords collectifs, à l’issu de cette procédure de validation, l’accord doit être déposé à l’administration et au conseil de prud’­hommes territorialement compétent (C. trav., art. L. 2231-6 et D. 2231-4 et s.).

C. La mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective

Après validation de l’accord collectif, la décision doit être portée à la connaissance des salariés par voie d’affichage ou par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information (C. trav., art. L. 1237-19-4).

Les salariés peuvent ensuite se manifester volontairement auprès de l’employeur pour bénéficier du dispositif. En cas d’acceptation de la candidature d’un salarié par l’employeur, le contrat de travail est réputé rompu d’un commun accord (C. trav., art. L. 1237-19-2). Les parties doivent alors conclure une convention individuelle de rupture selon les modalités fixées par l’accord collectif. Ce dispositif est applicable aux salariés protégés à condition d’obtenir l’autorisation de l’inspection du travail.

A noter : Les salariés volontaires peuvent prétendre au dispositif de l’assurance chômage s’ils en remplissent les conditions (C. trav., art. L. 5422-1).

De surcroît, l’accord portant rupture conventionnelle collective doit faire l’objet d’un suivi régulier. En ce sens, l’employeur est tenu de consulter régulièrement le CSE. Les avis du CSE sont ensuite transmis à l’autorité administrative (C. trav., art. L. 1237-19-7).

A noter : Le régime juridique applicable aux ruptures conventionnelles collectives est très différent de celui applicable aux licenciements économiques dans la mesure où l’employeur est en droit de réembaucher des salariés sur les postes devenus vacants par la mise en œuvre du dispositif de rupture conventionnelle collective. De plus, il n’existe pas de priorité de réembauchage.

Si l’employeur détourne le dispositif de sa finalité pour contourner ses obligations de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) en forçant les salariés à accepter la rupture conventionnelle, les juges peuvent décider de requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement économique « déguisé ». Dans cette hypothèse, l’employeur pourrait être condamné pour licenciement nul. Il devra alors réintégrer les salariés ou leur verser une indemnité égale à au moins 6 mois de salaires (C. trav., art. L. 1235-3-1). De surcroît, lorsqu’un employeur procède à un licenciement économique sans le notifier à l’autorité administrative, il encourt une amende de 3 750 € par salarié concerné par l’infraction (C. trav., art. L. 1238-4).

II. La rupture conventionnelle individuelle

La rupture conventionnelle instaurée par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail permet au salarié et à l’employeur de rompre le contrat de travail d’un commun accord. Ce mode de rupture peut être utilisé à condition de respecter une procédure spécifique prévue par le code du travail.

A. Les risques liés à la conclusion d’une rupture conventionnelle individuelle

En octobre 2013, la Dares (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) a publié un rapport sur les motifs de rupture conventionnelle(1). Ce rapport permet de dresser différents risques liés à la signature de ruptures conventionnelles individuelles.

1. Initiative de la rupture : focus sur les vices du consentement

L’étude de la Dares estime que la rupture conventionnelle serait un choix de l’employeur dans 14 % des cas et que 29 % des salariés auraient le sentiment d’avoir été forcés par leur employeur à quitter la structure.

L’article L. 1237-11 du code du travail précise que tant l’employeur que le salarié peuvent être à l’origine de la demande de rupture. La jurisprudence a eu l’occasion de préciser, au fil du temps, que la possibilité de recourir à la rupture conventionnelle était ouverte à tous les salariés et pouvait notamment être acceptée dans un cadre conflictuel. Dès lors que le consentement des parties n’est pas vicié, une rupture conventionnelle peut être conclue alors même que l’employeur et le salarié ont un différend (Cass. soc., 13 mai 2015, n° 14-10048).

La Cour de cassation a également admis la rupture conventionnelle d’un salarié en arrêt de travail. En revanche, elle a émis des réserves et rappelé le raisonnement à suivre : « Sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l’espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle » (Cass. soc., 30 septembre 2014, n° 13-16297). Ce syllogisme a également été repris dans le cadre du harcèlement moral. Dès lors qu’aucun vice de consentement n’est établi, la validité de la convention passée entre le salarié et l’employeur n’est pas affectée (Cass. soc., 23 janvier 2019, n° 17-21550).

Par conséquent, si le salarié parvient à établir que son consentement a été vicié, sous la contrainte, la pression ou la menace de son employeur, les juges pourront invalider la rupture conventionnelle.

2. Motif de la rupture : difficultés économiques

L’étude de la Dares constate également que les départs liés à des ruptures conventionnelles sont rarement isolés. Selon les chiffres publiés, 55 % des salariés qui ont conclu une rupture conventionnelle exerçaient leur activité au sein d’un établissement de 10 salariés ou plus. Or on remarque qu’« au cours des 2 mois ayant précédé ou suivi la rupture, ces établissements ont connu, d’après les salariés, une ou plusieurs démissions dans 44 % des cas, et une ou plusieurs autres ruptures conventionnelles dans 39 % des cas. Les licenciements économiques (6 %) ou pour autre motif (21 %) sont plus rares ».

La rupture conventionnelle est possible dans les structures qui rencontrent des difficultés économiques. En effet, la rupture conventionnelle repose sur la seule volonté des parties. En principe, l’administration ne recherche donc pas les motivations des parties.

Néanmoins, la Cour de cassation précise qu’il convient de prendre en compte les ruptures conventionnelles homologuées qui ont un motif économique afin de déterminer la procédure d’information et de consultation du comité social et économique mais également les obligations relatives au plan de sauvegarde de l’emploi (Cass. soc., 9 mars 2011, n° 10-11581).

En outre, l’employeur ne peut pas conclure des ruptures conventionnelles pour contourner les règles du licenciement économique. Afin de caractériser un contournement des règles du licenciement économique, l’administration peut notamment prendre en considération le nombre de demandes d’homologations de ruptures conventionnelles au sein d’une même structure. Si au cours d’une même période de 30 jours, elle observe 10 demandes d’homologation, cela constitue un indice de contournement des règles.

On conseillera ainsi aux employeurs d’être attentifs sur le nombre de ruptures conventionnelles. Le recours à de multiples ruptures conventionnelles individuelles constitue nécessairement un risque si leur nombre augmente fortement en cette période économique dégradée par rapport au nombre habituel enregistré dans la structure.

Par ailleurs, lorsqu’une rupture conventionnelle est conclue alors que la structure rencontre des difficultés économiques, l’employeur doit informer le salarié des droits auxquels il pourrait prétendre dans le cadre du licenciement économique. En ce sens, la Cour de cassation est venue préciser très récemment que si le salarié n’a pas été averti par l’employeur de la préparation d’un plan de sauvegarde au moment de la négociation et de la conclusion de la rupture conventionnelle, il peut solliciter l’annulation de la rupture de son contrat de travail pour vice de consentement (Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-18549).

B. La procédure spécifique de rupture conventionnelle

Une rupture conventionnelle peut être conclue avec tout salarié en contrat de travail à durée indéterminée, même si certains salariés disposent d’une protection contre le licenciement comme les membres du comité social et économique ou encore les femmes enceintes (Cass. soc., 25 mars 2015, n° 14-10149).

Le formalisme de la rupture conventionnelle est entièrement régi par le code du travail (voir schéma ci-dessous). Les parties doivent ainsi remplir un formulaire Cerfa fixé par arrêté du ministère du Travail. Ce dernier prévoit que les parties doivent tenir au moins un entretien afin d’échanger sur la rupture envisagée et de signer le formulaire de rupture en triple exemplaire dont l’un devra impérativement être remis au salarié (C. trav., art. L. 1237-12). La remise d’un exemplaire au salarié constitue une formalité substantielle puisque, à défaut, la rupture sera considérée comme nulle par les juges (Cass. soc. 26 septembre 2018, n° 17-19860).

Au cours du ou des entretiens, le salarié a la possibilité de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou de l’association ou, en l’absence d’institution représentative, par un conseiller du salarié. Si le salarié souhaite se faire assister, il doit prévenir l’employeur. De son côté, l’employeur a également la possibilité de se faire assister mais uniquement si le salarié est accompagné (C. trav., art. L. 1237-12).

A compter de la signature de la convention, s’ouvre un délai de rétractation de 15 jours calendaires pendant lequel les deux parties ont la faculté de revenir sur l’accord. A l’issue de ce délai, le formulaire devra être adressé par la partie la plus diligente à la Direccte pour homologation ou autorisation si le salarié est protégé. Il est conseillé à l’employeur d’informer le salarié qu’il procédera à l’envoi du formulaire et de prévoir en conséquence de conserver deux originaux (l’un pour adressage à la Direccte et l’autre pour classement). Enfin, la Direccte disposera d’un délai de 15 jours ouvrables pour valider la rupture. L’absence de réponse vaudra accord tacite de l’administration.

Le formalisme est plus important dans le cas de rupture avec un salarié protégé tel qu’un membre du comité social et économique. Dans cette hypothèse, il conviendra de consulter le CSE et d’obtenir l’autorisation de l’inspection du travail.

Les employeurs peuvent recourir au site gouvernemental www.telerc.travail.gouv.fr afin de préremplir le formulaire Cerfa et de procéder au calcul de l’indemnité spécifique de rupture. L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est soumise à forfait social depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

La rupture conventionnelle induit le versement par l’employeur d’une indemnité de rupture équivalente a minima à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (C. trav., art. L. 1237-13).

A compter de la date d’homologation de la convention, les parties disposent d’un délai de 12 mois pour former un recours juridictionnel. Lorsque le recours porte sur la convention, l’homologation ou le refus d’homologation, la compétence relève du conseil de prud’hommes (C. trav., art. L. 1237-14).

Rôle du comité social et économique

Au titre de ses attributions générales, le comité social et économique (CSE) doit être consulté sur la marche générale de l’entreprise et également lorsque l’employeur envisage de mettre en place un projet important modifiant les conditions de travail (C. trav., art. L. 2312-5 et s. et L. 2312-8 et s.). De surcroît, l’article L. 1237-19-1 du code du travail précité dispose que l’accord doit préciser les modalités d’information du CSE. Cet article induit donc une obligation de participation du CSE à la mise en place de ce dispositif.

Contestation de l’accord collectif ou de la rupture du contrat de travail

Contestation portant sur l’accord collectif de mise en place de la rupture conventionnelle collective

La contestation de l’accord collectif doit être portée devant le juge administratif. Elle ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation de l’accord par l’administration (C. trav., art. L. 1237-19-8).

L’employeur qui souhaite contester la décision de validation de l’administration dispose d’un délai de 2 mois à compter de la notification par la Direccte pour présenter son recours devant le juge administratif.

Les organisations syndicales représentatives comme les salariés bénéficient quant à eux également d’un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle la décision aura été portée à leur connaissance par l’administration.

Après sa saisine, le juge administratif statue dans un délai de 3 mois et les parties peuvent faire appel devant la cour administrative d’appel dans un délai de 3 mois (C. trav., art. L. 1235-7-1).

Contestation portant sur la rupture du contrat de travail des salariés

Les salariés peuvent également contester de façon individuelle la rupture de leur contrat de travail devant le conseil de prud’hommes dans un délai de 12 mois à compter de la date de la rupture de leur contrat (C. trav., art. L. 1237-19-8).

Le tribunal compétent est le conseil de prud’hommes dans les conditions classiques. Le salarié aura la faculté de soulever un vice de son consentement ou de tenter de faire valoir une fraude de l’employeur. En effet, les juges seront particulièrement attentifs à la vérification que l’employeur n’aura pas tenté de contourner les règles relatives au licenciement pour motif économique individuel ou collectif voire les dispositions propres au plan de sauvegarde de l’emploi inhérent aux licenciements collectifs prononcés au sein d’une structure employant 50 salariés a minima et concernant au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours.

Des ruptures conventionnelles individuelles en baisse

Au cours de l’année 2020, l’administration a homologué près de 425 000 ruptures conventionnelles. Une diminution de 4,4 % en comparaison avec l’année 2019.

Selon la Dares (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), cette baisse se poursuit au début de l’année 2021, avec 34 700 ruptures conventionnelles individuelles en janvier 2021, soit une baisse de 3,7 % en un mois et de 7,4 % sur un an.

• Modèle de courrier de convocation à un entretien

Objet : Convocation entretien rupture conventionnelle

<Madame, Monsieur>

(Si l’entretien ne fait pas suite à un courrier du salarié) Lors de notre échange en date du <À COMPLÉTER>, vous nous avez fait part de votre volonté d’envisager une éventuelle rupture conventionnelle de votre contrat de travail.

Afin de discuter de cette éventualité, nous vous convions à un entretien qui aura lieu le <DATE> à <HEURE> dans les locaux de la <SOCIÉTÉ/ASSOCIATION> situés <ADRESSE> en présence de <NOM ET PRÉNOM DE LA PERSONNE QUI MÉNERA L&rsquo;ENTRETIEN>.

(Si la structure ne dispose pas d’un CSE) Au cours de cet entretien, le code du travail vous donne la possibilité de vous faire assister par une personne de votre choix appartenant au personnel de l’entreprise/l’association ou un conseiller extérieur à choisir sur une liste dressée à cet effet par le préfet de <À COMPLÉTER>

Vous pouvez consulter cette liste :

• à la mairie de <LIEU> située <ADRESSE> ;

• auprès de l’inspection du travail située <ADRESSE>.

(Si la structure dispose d’un CSE) Au cours de cet entretien, le code du travail vous donne la possibilité de vous faire assister par une personne de votre choix appartenant au personnel de l’entreprise/l’association.

Si vous souhaitez vous faire assister, vous voudrez bien nous en informer le plus rapidement possible pour que nous puissions éventuellement en faire autant.

Nous vous informons par ailleurs que, tout au long des négociations sur l’éventuelle rupture conventionnelle de votre contrat de travail, vous avez la possibilité de recueillir les informations et avis nécessaires à votre décision. Vous avez notamment la possibilité de contacter le service public de l’emploi, qui pourra vous aider à prendre votre décision en pleine connaissance de vos droits.

Nous vous rappelons également qu’une fois la convention de rupture signée, chaque partie à la convention dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter.

Enfin, la rupture conventionnelle vous permet de bénéficier :

• d’une indemnité au moins égale à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement sous conditions. Si vous n’êtes pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, cette indemnité est exonérée de cotisations sociales et n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que l’indemnité de licenciement ;

• des allocations du régime d’assurance chômage sous conditions.

Nous nous tenons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

Nous vous prions de croire, <Madame, Monsieur>, à l&rsquo;assurance de nos sentiments très distingués.

<SIGNATURE>

Notes

(1) Ministère du Travail – « Questions/Réponses – La rupture conventionnelle collective » – Question 13.

(1) « Les salariés ayant signé ne rupture conventionnelle – Une pluralité de motifs conduit à la rupture de contrat » – Dares, octobre 2013, n° 064.

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