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Le grand désarroi

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L’inceste est un crime. Mais au-delà de la médiatisation de quelques révélations concernant le monde politico-médiatique, ce génocide identitaire frappe en silence le cercle familial. Un déni notoire depuis des dizaines d’années, et qui reste trop souvent impuni : alors que deux élèves par classe sont concernés par ce fléau, 98 % des plaintes sont classées. Au contact régulier d’enfants et d’adolescents, les travailleurs sociaux, comme les enseignants, sont en première ligne pour repérer ces violences sexuelles et les signaler. Pourtant, comme en témoignent plusieurs d’entre eux (dont Arnaud Gallais dans le Podcast SMS de la semaine, en ligne sur notre site), rien dans leur cursus initial ne les y prépare, seuls quelques volontaires se forment. Résultat : ils se retrouvent parfois confrontés à des enfants abusés dont ils ne comprennent ni les angoisses, ni les troubles du comportement. Car les enfants victimes ne parlent pas ou peu, ou très longtemps après. « Un professionnel qui ignore ce qu’est le psychotraumatisme peut penser que l’enfant est indifférent à tout, “insupportable”, alors qu’il se trouve dans une grande souffrance, et ainsi aggraver son cas, voire devenir maltraitant en ne répondant pas à ses besoins », explique la psychiatre Muriel Salmona (page 8). Dans le vide sidéral qui entoure les mineurs, comment balayer la honte, la culpabilité, le secret, la peur, pour ne pas être détruit à vie ? Parmi les très rares dispositifs dédiés, la Maison d’accueil Jean-Bru, à Agen, est bien connue des spécialistes. C’est dans cette structure unique en France que, depuis plus de vingt ans, une équipe pluridisciplinaire accompagne des jeunes filles qui ont subi le séisme de l’inceste. Une reconstruction qui passe par un travail de « dévictimisation » et d’estime de soi qui s’effectue par étapes (page 12). Le traumatisme ne s’efface jamais complètement mais un avenir de femmes est possible. Angélique, proie de son beau-père de 7 à 9 ans, aujourd’hui maman de deux enfants, en est la preuve. Pair-aidante à l’Association Bru, elle appartient à cette « communauté de destin » qui accompagne les autres victimes. Kathya de Brinon aussi. Violée et prostituée par son grand-père, elle a fondé SOS Violenfance (page 11). Une association qui entend briser la culture de l’omerta qui règne dans les milieux aisés encore plus qu’ailleurs, tant les mots d’un enfant pourraient ruiner carrière, relation, réputation, finances… La parole se libère également sur le « tabou des tabous », celui des enfants handicapés exposés aux violences sexuelles et à l’inceste. Un phénomène encore impossible à chiffrer auquel s’attaquent certains acteurs (page 10). Le 11 mars dernier, la commission « Inceste » mise en place par Adrien Taquet, secrétaire d’Etat à la famille et à la protection de l’enfance, a commencé ses travaux. Puisse-t-elle entendre urgemment la voix des professionnels de terrain démunis et, à travers elle, celle des enfants abusés.

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