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Enfants handicapés : le « tabou des tabous »

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Plus vulnérables, les enfants en situation de handicap sont particulièrement exposés aux violences et aux climats incestueux. Pour prévenir ces maltraitances, les professionnels rappellent l’importance d’une meilleure sensibilisation sur le sujet.

Tous les acteurs tiennent à le souligner : les chiffres manquent pour parler de l’inceste envers les enfants handicapés. Si un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)(1) révèle que ces derniers présentent davantage de risques que les autres enfants d’être victimes d’actes de violence sexuelle, aucune étude ne traite spécifiquement de ces maltraitances sur ce public. « Pourquoi n’a-t-on pas de chiffres ? s’interroge Marie Rabatel, présidente de l’Association francophone de femmes autistes (Affa). La société a-t-elle réellement envie de savoir ? » La professionnelle, qui pour résumer la question parle de « tabou des tabous », a un début de réponse : « C’est déjà suffisamment difficile de se représenter qu’un parent puisse infliger cela à son propre enfant, alors imaginez lorsqu’il s’agit d’un enfant handicapé ou polyhandicapé. »

Révélations tardives

Très peu documenté, ce phénomène n’en est pas moins préoccupant. De la même manière que pour les violences sexuelles, les jeunes handicapés pourraient être sur-représentés dans les statistiques concernant l’inceste, alertent certains spécialistes. En cause : les difficultés d’expression auxquelles ils sont parfois confrontés et une plus grande vulnérabilité compte tenu de leur handicap. « L’enfant peut se retrouver sous dépendance des personnes qui le prennent en charge, explique Jean-Luc Plavis, responsable régional Ile-de-France chez France Assos Santé. Dès lors, dénoncer une violence sexuelle devient compliqué, car l’enfant se dit : “Si je parle qui va s’occuper de moi ?” »

La frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas peut également être difficile à percevoir pour les victimes. « Nous travaillons avec des personnes qui ont besoin d’aide pour les gestes du quotidien, leur toilette… Il faut qu’elles sachent jusqu’où il est possible d’aller dans cet accompagnement », témoigne Christine Meignien, présidente de la Fédération française Sésame autisme.

Souvent, c’est à l’âge adulte que la parole se libère. Psychiatre et administratrice de Femmes pour le dire, femmes pour agir (FDFA), Jocelyne Vaysse a pu observer un certain nombre de révélations tardives grâce au numéro d’appel national et anonyme « Ecoute violences femmes handicapées » mis en place par l’association. « Il arrive que des femmes d’une soixantaine d’années nous contactent au sujet de violences qu’elles subissent actuellement. L’inceste n’est pas ce qui motive leur appel, mais au fil de la conversation nous nous rendons compte presque incidemment qu’elles connaissent ce type de violences depuis l’enfance. »

Parcours du combattant

Une fois ces maltraitances repérées, des obstacles peuvent persister pour effectuer un signalement. Alertée par des éducateurs d’un potentiel cas d’inceste, Christine Meignien se souvient des difficultés qu’elle a rencontrées pour trouver le bon interlocuteur. « Transmettre l’information a été un vrai parcours du combattant, raconte la professionnelle. Après avoir contacté une association qui n’était pas forcément au fait des spécificités de son handicap, je suis passé par la préfecture, les services sociaux… »

Pour prévenir ces cas de crimes sexuels, les acteurs prônent à l’unisson une meilleure sensibilisation. Celle-ci doit s’adresser aux professionnels, dont le rôle est de repérer les « signaux faibles », aux enfants, qui doivent être outillés pour comprendre ce qui est acceptable ou non, mais aussi aux familles. « Les proches qui installent un climat incestuel n’en ont pas forcément conscience, pointe Marie Rabatel. En plus de leur rôle de parent, ils endossent souvent celui d’infirmier et d’éducateur et franchissent parfois des barrières sans s’en rendre compte. »

Afin de mettre en lumière toute cette question, Femmes pour le dire, femmes pour agir compte lancer le 29 mars le #IncesteHandicap sur les réseaux sociaux. Les témoignages de femmes victimes de violences incestueuses permettront d’établir un « état des lieux », rapporte l’association. Un premier pas vers davantage de transparence.

Notes

(1) Paru en 2012, ce rapport de l’OMS montre que les enfants handicapés ont 2,9 fois plus de risques d’être victimes d’actes de violences sexuelles par rapport aux autres enfants.

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