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Briser l’omerta dans les familles aisées

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Basée à Puteaux (Hauts-de-Seine), SOS Violenfance entend depuis plus d’un an venir en aide aux personnes victimes d’inceste dans les milieux favorisés. Selon sa fondatrice, Kathya de Brinon, la parole est souvent plus compliquée à libérer au sein de ces familles qui abritent des carrières publiques.

« Et si je fais exploser ma famille ? » C’est généralement la première question qui est posée à Kathya de Brinon, à la tête de l’association SOS Violenfance. Officiellement lancée en septembre 2019, cette petite structure a vocation à mettre en œuvre de la prévention et à accompagner les victimes d’inceste et de pédocriminalité dans les classes supérieures. Si, depuis l’ouverture, sa fondatrice reçoit et prend en charge des demandes émanant de toutes les catégories socioprofessionnelles, elle soutient que c’est au sein des milieux favorisés que la parole a le plus de mal à émerger. « Les personnes qui en sont issues ont peur des retombées, elles se disent qu’elles vont détruire la vie professionnelle de leurs proches », confie cette femme de 72 ans.

Pression sociale

Alors que l’inceste touche tous les milieux sans distinction, les « stéréotypes de classe », selon lesquels ce type de violences serait le propre des familles pauvres, restent encore très ancrés. Cela s’explique notamment par le fait que les ménages défavorisés sont davantage suivis par les travailleurs sociaux. « Quand il s’agit de familles très carencées aux niveaux éducatif et financier, elles sont connues des assistantes sociales et des éducateurs », rapportait en janvier dans nos colonnes la psychothérapeute Hélène Romano(1). Mais ce n’est pas tout : « En dépit » de certains cas médiatisés, les membres des familles « possédant un fort capital économique et culturel […] disposent de stratégies fortes de déni et de maintien d’une culture du silence », avertissait il y a quatre ans déjà le CNRS dans un rapport sur les violences sexuelles à caractère incestueux.

Elle-même violée et prostituée, de 9 à 12 ans, par son grand-père maternel, Kathya de Brinon a subi cette pression sociale. Cette ancienne journaliste explique s’être heurtée au déni de plusieurs membres de sa famille, dont sa mère, en tentant de parler alors qu’elle n’était qu’une enfant. « Mon grand-père avait une carrière publique. Il était notable, avait été adjoint au maire d’une grosse bourgade et officier durant la guerre. Il avait de l’argent et une renommée. Si les faits avaient été révélés à ce moment-là, sa carrière publique aurait explosé. » Des années plus tard, Kathya de Brinon s’est retrouvée confrontée à la même injonction au silence de la part de ses propres enfants. « Quand on est issu d’un milieu bourgeois, on pousse généralement ses enfants à réussir car on en a les moyens financiers, rapporte celle qui a été prénommée Muriel à la naissance. C’est ce qui s’est passé pour moi, ils ont tous réussi leur carrière, mais n’ont pas été capables d’entendre mon histoire. »

Rester à taille humaine

Malgré tout, Kathya de Brinon décide de mettre des mots sur ce qu’elle a vécu et publie deux livres témoignages(2). C’est en achevant son second ouvrage que germe l’idée de créer SOS Violenfance. « Je me suis sentie vidée, j’avais l’impression d’avoir tout dit, mais je ne pouvais pas en rester là. » A l’époque, les révélations de personnes victimes d’inceste se font beaucoup plus rares à éclater au grand jour. « J’ai pensé à ces enfants qui vivaient les mêmes souffrances que moi, je me suis dit que l’on ne pouvait pas les laisser seuls. » Aujourd’hui, l’association putéolienne, qui vit principalement des droits d’auteur de sa fondatrice et de donations d’anonymes, entend rester à taille humaine. L’équipe est composée de quelques membres seulement, dont une avocate et une psychothérapeute. Un choix voulu et assumé. « Nous avons refusé de devenir une plus grosse association, rapporte Kathya de Brinon. Cela arrive souvent que des personnes ayant contacté d’importantes structures nous expliquent ne pas avoir reçu l’aide qu’elles attendaient. Alors même si cela peut paraître étrange, lorsqu’une personne fait appel à nous, je veux pouvoir être au courant. »

Notes

(1) Voir ASH n° 3193 du 22-01-21, p. 36.

(2) Des larmes dans les yeux et un monstre par la main (éd. Maïa, 2018) et La femme aux cicatrices (éd. Maïa, 2019).

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