Les travailleurs sociaux et de la santé, les enseignants et autres auxiliaires scolaires se sont réunis le dimanche 16 mars à Montréal pour exiger un meilleur salaire et une reconnaissance concrète qui reflète davantage leur investissement personnel pendant la pandémie sanitaire. Malgré l’impact de leurs efforts consentis l’année dernière sur leur santé mentale et physique, la gratitude du gouvernement, bien que fréquemment affichée, n’a pas été suivie de mesures effectives. « Nous recevons des félicitations lors de conférences de presse, mais il n’y a jamais de gestes pour nous protéger », estime Alex Pelchat, du collectif « Progressive Education Workers », co-organisateur de la manifestation. « Nos salaires ne sont pas meilleurs, ni nos conditions de travail », insiste-t-il.
D’après une étude publiée à Toronto, les taux de contamination à la Covid-19 sont trois fois plus élevés dans les quartiers connaissant la plus forte concentration de travailleurs du secteur médico-social. D’autant que les associations qui viennent en aide aux plus démunis ont souvent décidé de maintenir l’intégralité de leurs services, qu’il s’agisse de l’assistance psychologique, des diagnostics médicaux ou des services de restauration. « Nous effectuons notre travail parce que nous l’aimons, parce que nous aimons les gens » pris en charge. « Parfois, nous avons tendance à aller au-delà et à nous mettre beaucoup de pression. Mais il n’y a pas grand-chose pour nous aider et nous assurer que nous sommes également pris en charge », a déclaré Alesse Nesbitt, travailleuse sociale à l’association Dans la rue, qui aide les jeunes livrés à eux-mêmes. Des centaines d’entre eux ont pu continuer à pouvoir se nourrir, se soigner ou se laver lors de l’année écoulée, tout en étant sensibilisés aux mesures d’hygiène essentielles pour se prémunir d’une potentielle infection grâce à cette association.
« Alors qu’il nous est demandé de rester à la maison pour assurer notre sécurité et nous protéger de la pandémie, les jeunes sans abri n’ont pas de maison pour rester en sécurité. Ils n’ont pas ou peu de contact avec leurs familles et leurs proches, ce qui les rend encore plus vulnérables en ces temps incertains. Les rues désertes, le manque d’accès à l’information avec la fermeture des endroits publics, en plus des suivis en santé mentale et en toxicomanie souvent interrompus, ont mis en avant l’isolement et la fragilité des jeunes que nous soutenons », explique l’association. Les travailleurs des secteurs de l’éducation et de la santé sont au diapason. Aurélie McBrearty, infirmière étudiante présente à la manifestation et qui travaille le week-end dans un hôpital de Montréal, s’alarme de l’épuisement de collègues qui préfèrent parfois quitter leur poste : « Vous voyez quelqu’un mourir et vous n’avez plus qu’à vous déplacer dans une autre pièce. C’est tellement dur et déshumanisant pour nous. »
Les témoignages se multiplient au Canada sur la précarité grandissante de ces « premiers de cordée ». « Aujourd’hui, nous reconnaissons leurs efforts incroyables. Nous reconnaissons leur sacrifice », jurait pourtant le Premier ministre de la province de l’Ontario Doug Ford à la fin du mois d’avril dernier, tout en annonçant une prime de 3 ou 4 dollars de l’heure pour les « travailleurs en première ligne ». Une somme largement insuffisante pour (sur)vivre décemment dans les grandes villes canadiennes, d’autant que certains n’ont pas reçu cette prime avant 2021, selon Radio-Canada. A Montréal comme dans l’Ontario, les témoignages se multiplient sur l’extrême précarité de ces travailleurs sociaux payés – peu ou mal – pour aider les plus démunis tandis qu’eux-mêmes n’ont pas de quoi s’assurer un toit décent au-dessus de leurs têtes.