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La lutte contre la précarité énergétique

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La lutte contre la précarité énergétique

Crédit photo David Gautier
Les conséquences de la précarité énergétique mettent en danger les ménages les plus fragiles, en difficulté, voire dans l’incapacité de payer leurs factures. Combien de foyers sont concernés, et quelles sont les politiques de prévention et d’accompagnement en la matière ? Ce dossier dresse un état des lieux de la situation en France.

Un type de précarité n’est pas souvent placé sous les feux de l’actualité : la précarité énergétique, en lien direct avec d’autres fractures sociales accumulées. Ainsi, des millions de Français, locataires comme propriétaires, connaissent, en sus de fragilités liées, par exemple, à un pouvoir d’achat en berne, ce type de précarité. La capacité de se chauffer dignement et de façon accessible une partie de l’année, de s’éclairer, d’utiliser des appareils électroménagers du quotidien relève de la gageure pour nombre de foyers. Pouvoirs publics et société civile en ont pris conscience et s’évertuent à tenter de conjurer cette précarité. Cependant, les considérations écologiques liées à la lutte contre le réchauffement climatique et les gaz à effet de serre sont appelées à figurer dans ces problématiques de précarité énergétique et à rendre plus difficile la résolution des difficultés.

Le présent dossier s’articule autour de trois pôles : une définition et un état des lieux du phénomène prégnant de précarité énergétique en France ; une présentation du volet « prévention » de celle-ci ; un regard sur le volet « aides » au profit des foyers les plus vulnérables en situation de non-paiement, avec une mention toute particulière pour le « chèque énergie ».

I. éléments de définition et état des lieux

A. Définition

L’expression « précarité énergétique » est d’apparition récente, du moins dans le débat public et institutionnel. Elle renvoie à des phénomènes déjà anciens tels que la pauvreté, le mal-logement, en lien avec les prix élevés de l’énergie, sans pour autant être utilisée jusqu’alors. C’est la raison pour laquelle l’action publique n’y a pas recouru, se focalisant sur des thématiques identifiées et traitées séparément. Pour autant, des acteurs comme l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et le secteur associatif avaient commencé à se pencher sur ce type de précarité.

Dans la première décennie des années 2000, un besoin de réunir des problématiques sous le vocable « précarité énergétique » est devenu prégnant, permettant de les penser plus globalement, en lien avec des nouvelles priorités, comme le défi environnemental du réchauffement climatique. Ainsi les inégalités sociales ne pouvaient-elles plus être séparées des inégalités environnementales, mais également territoriales.

En 2007, le sociologue Isolde Devalière écrivait : « La précarité énergétique fait référence à trois notions imbriquées : la situation sociale et économique d’un ménage (conjoncturelle ou structurelle), l’état de son logement et de sa qualité thermique, et sa fourniture d’énergie (accès, coût, qualité), dans un contexte de crise du logement. Est concerné celui qui connaît une vulnérabilité sociale, économique et environnementale qui l’empêche de se chauffer convenablement et/ou de payer ses factures d’énergie »(1).

En 2010, le législateur a ainsi défini, dans la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (loi « Grenelle 2 »), la précarité énergétique comme suit, créant une définition officielle : « Est en situation de précarité énergétique au titre de la présente loi une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat » (art. 11, II).

Deux éléments émergent :

• faiblesse ou modestie des revenus se traduisant par des difficultés à régler des factures d’énergie (gaz, électricité…), des comportements d’auto-restriction, voire de privation d’utilisation de l’énergie (réglages de la température du logement en dessous de celle de confort habituel, arrêt pur et simple…) ;

• mauvaises conditions de l’habitat, impliquant une mauvaise isolation thermique et engendrant le gonflement de factures, la présence d’appareils de chauffage défectueux, voire l’absence d’équipements…

B. État des lieux et conséquences

1. Les données de l’ONPE

L’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) est un acteur central dans l’élaboration de données. Institution d’observation de la précarité énergétique en France, entrée en fonction le 1er mars 2011, l’ONPE a pour mission de superviser des études confiées à divers organismes et de fournir chaque année un rapport sur les évolutions de la précarité énergétique en France. Il œuvre en collaboration avec de très nombreux partenaires, personnes publiques et privées (ex. : services des ministères de la Transition écologique, de la Cohésion des territoires ; Ademe ; Agence nationale de l’habitat [Anah] ; Agence nationale pour l’information sur le logement [Anil] ; médiateur national de l’énergie ; fournisseurs et prestataires d’énergie [EDF, Enedis…] ; entreprises, fondations et associations impliquées dans la transition énergétique et écologique, la lutte contre l’exclusion, l’habitat…).

L’ONPE est prolifique dans l’élaboration d’études, de travaux, de guides, d’un rapport annuel… dans ce domaine(2).

2. La méthode

L’ONPE retient trois indicateurs pour définir la situation de précarité́ énergétique d’un ménage :

• son taux d’effort énergétique : pour les personnes modestes, parmi les 30 % les plus pauvres, l’entrée en précarité intervient lorsque le taux d’effort énergétique, soit la part du revenu dépensé pour l’énergie du logement (électricité, gaz…), dépasse 8 % ;

• ou s’il déclare souffrir de froid en période hivernale pour cause de défectuosité d’une installation de chauffage, de mauvaise isolation ou de limitation du chauffage en raison du coût ;

• ou s’il a des bas revenus et des dépenses enlevées (BRDE).

3. Les chiffres

Dans ses « Chiffres clés de la précarité énergétique 2020 », l’ONPE livre les informations suivantes (non exhaustives) :

• 3,5 millions de ménages se trouvent en situation de précarité énergétique (en particulier 30 % des Français les plus pauvres) ;

• 12 % des Français ont connu des difficultés à payer leurs factures d’énergie en 2019 ;

• 671 546 ménages ont subi une intervention d’un fournisseur d’énergie en 2019 pour non-paiement (+ 17 % par rapport à 2018) ;

• 53 % des foyers restreignent leurs consommations d’énergie pour diminuer leur facture énergétique.

Selon nombre d’observateurs spécialisés, la situation risque de s’aggraver en raison de la hausse du prix de l’énergie et de la stagnation du pouvoir d’achat (ex. : 77 % des centres communaux d’action sociale constatent une augmentation des sollicitations relatives à l’énergie depuis 2017).

4. Les conséquences

Les conséquences de la précarité pour un individu ou un ménage sont considérables :

• déséquilibre du budget des ménages : étant déjà précaires financièrement, le « reste à vivre » (ce dont dispose un ménage une fois réglées les charges fixes : factures d’énergie, d’eau, impôts, frais de transport, remboursement de crédit) risque de diminuer ;

• risques d’impayés, de coupure d’approvisionnement par les opérateurs (voir page 22) ;

• exposition au surendettement : endettement pour faire face aux frais d’énergie, accroissement du poids de la précarité sociale ;

• problèmes de santé : exposition aux risques respiratoires, aux maladies hivernales (rhume, angine…) ; en cas de systèmes d’appoint (poêle à pétrole ou à gaz…), risque d’intoxication au monoxyde carbone ; affaiblissement de l’estime de soi, dépression pour raisons d’inconfort, isolement social… ;

• problèmes environnementaux : des logements mal isolés engendrent des consommations d’énergie mal maîtrisées, néfastes pour les rejets de gaz à effet de serre.

II. Politiques publiques

La politique publique contemporaine menée en la matière (lois, programmes, dispositifs de prévention, d’incitation…) est inextricablement mêlée à celle dirigée contre le réchauffement climatique. Mener de front lutte contre inégalités sociales et prise en compte des enjeux environnementaux peut provoquer d’inévitables tensions : pouvoir d’achat et bien-être contre modération énergétique.

A. Bref historique normatif

Historiquement, économies et maîtrise de l’énergie constituaient les seuls enjeux. Aujourd’hui, l’action est dirigée tant vers les inégalités sociales que vers le réchauffement climatique.

Deux lois importantes sont intervenues, incluant la problématique de la précarité :

• la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite loi « Grenelle 2 »). Trois axes majeurs sont privilégiés : réduction de la consommation d’énergie, prévention des émissions de gaz à effet de serre, promotion des énergies renouvelables, touchant transports, bâtiment, urbanisme… La précarité énergétique est par ailleurs l’objet d’une attention renforcée : définition officielle de la « précarité énergétique » (lien net entre ressources et conditions d’habitat), obligation d’intégrer des actions de lutte contre la précarité énergétique dans les plans départementaux pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD), création de l’ONPE – dans la foulée de cette loi… ;

• la loi n° 2015-95 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique et pour la croissance verte. Les objectifs visent l’approfondissement de ceux de la loi 2010, avec l’accent mis sur la nécessité historique d’une « transition vers un nouveau modèle énergétique » (diminuer le recours aux énergies fossiles, réduire drastiquement les rejets de gaz à effet de serre…). La précarité énergétique y figure en bonne place, notamment avec un article 1er visant le droit d’accès de tous les ménages à l’énergie, « sans coût excessif au regard de leurs ressources ». Dans un article 2, il est précisé un autre objectif : rénover 500 000 logements par an, la moitié d’entre eux chez « les ménages à revenus modestes » ; cette politique de rénovation ambitieuse doit permettre une diminution de « 15 % de la précarité énergétique ».

En toute logique, des mesures phares découlent de ces principes : création du chèque énergie pour aider les ménages disposant de revenus modestes à payer leurs factures (voir page 23), mise à contribution des certificats d’économie d’énergie, extension de la notion de « logement décent » à un critère de performance énergétique minimale (voir ci-après)

A noter : Depuis la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, le bailleur est tenu de laisser à son locataire un logement « décent », ne laissant ainsi pas apparaître de risques pour sa sécurité physique ou sa santé. L’article 12 de la loi du 17 août 2015 a étendu la « décence » à un critère de performance énergétique minimale. Un décret devait définir le seuil de performance minimale à respecter ainsi que le calendrier de mise en œuvre. C’est chose faite avec le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021, qui fixe un premier seuil maximal de consommation d’énergie finale à respecter pour tous les propriétaires d’un logement mis en location en France métropolitaine. Ce décret permettra à partir de 2023 d’exclure du marché locatif les « passoires thermiques » les plus énergivores et fixe le seuil de consommation maximale en énergie finale à 450 kWhEf/m2/an. La mesure s’appliquera pour tous les propriétaires et copropriétaires de logements donnés à la location, et aux locataires de logements, pour les baux conclus ou renouvelés (y compris par tacite reconduction) à compter du 1er janvier 2023.

B. Intégration de la précarité énergétique dans l’action sociale

1. Une multitude d’acteurs

Nouveau type d’action publique spécifique, la lutte contre la précarité énergétique entraîne le déploiement de nombreux acteurs, publics comme privés, chargés de mettre en œuvre les choix politiques, tant en matière d’information, d’incitation qu’en matière de dispositifs d’assistance (voir page 20), dans la plus complète complémentarité qui soit.

Les divers acteurs, chacun avec leurs compétences et leur expertise, se déclinent comme suit :

• l’Etat, à travers ses ministères (Transition écologique, Cohésion des territoires, Bercy…), ses services déconcentrés (préfets, directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement [Dreal], directions départementales des territoires [DDT]), ses établissements publics (Ademe, Anah…) et autres autorités indépendantes (médiateur national de l’énergie, défenseur des droits…) ;

• les collectivités territoriales et leurs établissements. D’une part, les conseils régionaux sont notamment reconnus comme des acteurs majeurs pour favoriser au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) la création de « plateformes territoriales de la rénovation énergétique », qui constituent des points d’accueil, d’information et de conseil auprès des ménages les plus modestes.

D’autre part, les conseils départementaux, dont une des compétences essentielles concerne l’action sociale et sanitaire, sont eux aussi amenés à jouer un rôle, via par exemple les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, les pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne, les plans départementaux de lutte contre la précarité énergétique…

Enfin, les communes ou intercommunalités, bénéficiant de l’échelon institutionnel le plus proche du terrain, ont vocation à agir via les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS ou CIAS), à travers des projets nécessairement en partenariat avec d’autres échelons, d’autres acteurs ;

• les organismes sociaux publics et privés. On vise à ce titre les organismes bailleurs sociaux, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et les CAF locales, les caisses de la mutualité sociale agricole (MSA), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et les caisses de retraite et complémentaires ;

• les fournisseurs d’énergie : EDF, Engie… ;

• les associations et acteurs locaux privés « accompagnant » les ménages. A l’évidence, le secteur associatif, très étoffé et omniprésent dans les territoires, et d’autres acteurs privés occupent une place pivot. Parmi ces acteurs, citons Cler-Réseau pour la transition énergétique, le Réseau des acteurs contre la pauvreté et la précarité énergétique dans le logement (Rappel), mais également les agences départementales d’information pour le logement (Adil), les associations d’aide aux personnes en situation de surendettement, les comités interprofessionnels du logement (CIL), les espaces Info-Energie (EIE), les points Information médiation multi-services (Pimms), les conseillers « Faire », les opérateurs d’accompagnement à l’auto-réhabilitation accompagnée, les conseillers médicaux en environnement intérieur, la Croix-Rouge française, le Secours populaire, le Secours catholique… ;

• les financeurs privés et fondations : institutions bancaires, la Fondation Abbé-Pierre…

2. Les professionnels de l’action sociale et médico-sociale

Assistants de service social, conseillers en économie sociale et familiale, éducateurs, médiateurs… connaissent tous les pans de l’action sociale et médico-sociale, en contact avec des publics ayant la vulnérabilité comme dénominateur commun.

Le champ d’intervention est vaste. Il reste que celui-ci s’élargit. Ces dernières années, la fracture numérique, les mineurs non accompagnés ou encore les préoccupations d’une société plus inclusive ont élargi leur champ action ; il en va de même de la précarité énergétique.

a) Une problématique nouvelle

La problématique en recoupe d’autres plus familières (chômage, pauvreté…), les personnes concernées pouvant déjà être identifiées, mais la précarité énergétique recèle ses particularités, les aspects techniques étant omniprésents.

C’est la raison pour laquelle, lors des actions menées par les acteurs publics ou privés, en matière d’information, de conseil et de demande d’aide, les professionnels de l’action sociale sont amenés à œuvrer en collaboration avec des conseillers, techniciens et agents administratifs des collectivités territoriales, des organismes de protection sociale, des services de l’Etat, des associations, avec les bailleurs sociaux, les fournisseurs d’énergie, tout organisme dans les domaines de l’habitat et de l’énergie.

b) Le recours à la formation

Face à ce phénomène, des formations supplémentaires peuvent être l’opportunité de mieux détecter et intégrer les problématiques. Car on constate une hausse de la demande d’aide contre la précarité énergétique. Pour une action efficace, les travailleurs sociaux – au sein d’associations, d’un CCAS ou pour un bailleur social – peuvent se former en cours d’emploi à cette problématique.

La formation apparaît même indispensable tant le « maquis » des dispositifs dédiés à cette précarité rend parfois peu lisible la matière. Ainsi, selon Claire Bally, de Cler-Réseau pour la transition énergétique, il est important de « bien connaître les ressources locales et nationales en matière d’aide financière pour régler des factures ou engager des travaux afin d’adresser le foyer au bon interlocuteur selon, par exemple, qu’il est locataire ou propriétaire ». D’autre part, la matière révèle de nombreux aspects techniques (questions des normes, des consommations, travaux d’isolation…). Précisément, toujours selon Claire Bally, « sur le terrain, le travailleur social intervient parfois en binôme avec un agent chargé de l’aspect technique de l’intervention. Le binôme peut alors réaliser un diagnostic socio-technique de la situation (état des lieux, étude de la consommation, des factures…), et ainsi avoir une approche complète. »

Jusqu’à une époque récente, la formation initiale des conseillers en économie sociale familiale (CESF) était la seule du travail social à aborder cette question.

Les initiatives se multiplient. Parmi les acteurs ressources figurent l’Ademe, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), le Cler-Réseau pour la transition énergétique, les Compagnons bâtisseurs ou le Réseau des acteurs de la pauvreté et de la précarité énergétique dans le logement.

Certains exemples semblent prometteurs. Citons la formation « Les travailleurs sociaux face à la précarité énergétique : comprendre et agir », dispensée dans le Vaucluse par l’organisme de formation Solibri. D’environ 20 heures, elle s’adresse aux travailleurs sociaux intervenant dans les familles (assistants de service social, CESF, éducateurs, médiateurs, conseillers, techniciens et agents administratifs). Les objectifs sont les suivants : comprendre le contexte et les enjeux de la lutte contre la précarité énergétique ; savoir identifier tous les facteurs qui influent sur la facture énergétique d’un ménage ; connaître les différents acteurs, leur rôle et moyens d’intervention sur la précarité énergétique ; identifier le rôle et le pouvoir d’influence du travailleur social dans la problématique de la précarité énergétique ; savoir utiliser des outils pour passer rapidement à l’action.

III. Prévention de la précarité énergétique

A. L’information comme vecteur de prévention

Au-delà d’autres aspects sociaux (pouvoir d’achat, précarité économique…), prévenir la précarité énergétique passe par la sensibilisation et l’information à destination des ménages.

1. Identification des publics

Les publics se doivent d’être les plus larges possible dans la démarche d’une information utile et peuvent être déjà identifiés comme destinataires des informations ou non.

Les vastes campagnes d’information, par définition à l’adresse d’une globalité de personnes, par exemple celles initiées par l’Etat, les collectivités territoriales, et les autres acteurs clés comme les grands opérateurs d’énergie, demeurent indispensables.

Cependant, l’intérêt de viser plus précisément certains publics est avéré, gage de proximité et d’efficacité, favorisant le sur-mesure.

Les publics ciblés par l’information, et par là même par la mise en œuvre de solutions, peuvent être les suivants :

• les ménages ayant des difficultés financières à payer leurs factures d’énergie ;

• les ménages concernés par le surendettement ;

• les familles intéressées par la maîtrise de leurs consommations énergétiques ;

• les publics éloignés des lieux d’animation ;

• les public diffus habitant en milieu rural ;

• les publics présents dans les lieux de sensibilisation (associations de quartier, CCAS…).

2. Les acteurs délivrant l’information

Les acteurs tels que les organismes, associations, institutions interagissant directement avec les familles et pouvant leur diffuser de l’information sont potentiellement les suivants :

• les professionnels de l’action sociale : assistantes sociales, conseillères en économie sociale et familiale (ces professions pouvant par là même se saisir du thème de l’accès aux droits, accès problématique pour une frange non négligeable des ménages), associations locales de quartier, associations caritatives ;

• les collectivités territoriales ;

• les professionnels de l’énergie : agences locales de l’énergie, espaces Info Energie ;

• les gestionnaires de logement : offices HLM, syndics de copropriété, bailleurs ;

• les caisses d’allocations familiales ;

• l’Ademe et l’Anah, acteurs de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

3. Les informations clés et leur support

Comment minimiser le poids budgétaire en matière d’énergie ? Quels « éco-gestes » ? Qu’est-ce qu’une « passoire thermique » ? Qu’est-ce qu’un « reste à vivre » ?… Les informations apportées aux divers publics sont innombrables. Elles peuvent être délivrées lors de rendez-vous, de visites à domicile. Mais la synthèse des informations peut être réalisée via des guides, plaquettes et autres fiches remis aux familles – ou sur des sites web spécialisés comprenant, en outre, tutos, webinaires… – contenant objectifs et informations pratiques. On portera une attention aux ménages touchés par l’illettrisme ou des difficultés à utiliser la langue française, ou concernés par d’autres vulnérabilités.

On recense déjà sur de nombreux supports, de façon non exhaustive :

• guide « 40 trucs et astuces pour économiser l’eau et l’énergie » (Ademe, 2019) ;

• guide « Réduire sa facture d’électricité, limiter la consommation de ses équipements » (Ademe, 2019) ;

• guide « Quels gestes pour réduire sa consommation d’énergie ? » (hopenergie.com, 2021) ;

• guide « Votre boîte à outils pour économiser l’énergie et l’eau » (Info-Energie Rhône-Métropole de Lyon, 2020).

Citons enfin les possibilités d’animations, d’ateliers (ex. : au sein d’un « logement témoin »)… jusqu’en milieu scolaire.

B. Les dispositifs d’incitation aux économies d’énergie

Les dispositifs sont nombreux et diversifiés, concernant tant les propriétaires que les locataires. Pour les détails de chaque dispositif, se reporter aux informations complètes répertoriées sur les sites Internet correspondants qui proposent parfois des formulaires et des simulateurs de situations.

A noter : Certains dispositifs d’incitation aux économies d’énergie sont parfois cumulables entre eux.

1. MaPrimeRénov’

Cette aide peut être attribuée au propriétaire occupant pour financer des travaux et/ou dépenses de rénovation énergétique de sa résidence principale ; elle s’adresse aussi aux copropriétés pour des travaux dans les parties communes. La prime est possible quelles que soient les ressources. Cependant, celles-ci sont prises en compte pour déterminer le montant de la prime auquel le demandeur peut prétendre.

2. Aide « Habiter mieux sérénité » de l’Anah

Cette aide permet de réaliser d’importants travaux de rénovation énergétique dans un habitat. La performance énergétique visée par les travaux doit être d’au moins 35 %. Un opérateur spécialisé pour l’élaboration, le montage et le suivi du projet de travaux est indispensable. Le montant de l’aide varie en fonction du montant des ressources du demandeur.

3. Eco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ)

Ce dispositif vise tout propriétaire d’un logement utilisé comme résidence principale et achevé depuis plus de 2 ans, sans conditions de ressources, pour financer des travaux d’amélioration de la performance énergétique (isolation, chauffage, chauffe-eau utilisant des énergies renouvelables). Le montant du prêt peut aller de 7 000 € à 30 000 € en fonction des travaux envisagés. Le prêt est accordé par une banque ayant signé une convention avec l’Etat, sous la forme d’une avance remboursable sans intérêt.

4. Prime « coup de pouce économie d’énergie »

Cette prime, sans conditions de ressources, permet d’honorer des dépenses pour le remplacement d’un chauffage ou accomplir des travaux d’isolation. Cette prime peut être demandée jusqu’au 31 décembre 2021. Les travaux doivent être réalisés par un professionnel « reconnu garant environnement » (RGE).

5. Aides des entreprises de fourniture d’énergie (CEE)

Dans le cadre des certificats d’économies d’énergie (CEE), les fournisseurs d’énergie (EDF, Engie, Total…) proposent des aides pour la réalisation de travaux d’économies d’énergie, ces travaux devant être effectués par un professionnel reconnu garant de l’environnement. En contrepartie des aides versées (prêt à taux bonifié, prime, diagnostics conseils…), les entreprises « CEE » obtiennent des certificats leur permettant d’attester auprès de l’Etat qu’elles ont bien rempli leur obligation d’inciter les consommateurs à réaliser des économies d’énergie.

6. TVA à 5,5 % pour l’amélioration de la qualité énergétique

Des travaux en faveur d’économies d’énergie, d’isolation thermique ou d’équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable peuvent bénéficier d’une TVA à taux réduit à 5,5 %. Le logement (maison ou appartement, résidence principale ou secondaire, locataire ou propriétaire) doit être achevé depuis plus de 2 ans.

7. Réduction d’impôt « Denormandie »

Prorogé jusqu’au 31 décembre 2022, ce dispositif permet aux particuliers achetant un logement à rénover dans des quartiers de certaines villes – parties prenantes du programme « Action cœur de ville » – de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu.

8. Exonération de la taxe foncière

Certaines collectivités territoriales exonèrent temporairement – totalement ou partiellement – de taxe foncière les ménages qui réalisent des travaux d’économie d’énergie.

On évoquera également pour mémoire le prêt à l’amélioration de l’habitat des caisses d’allocations familiales, le microcrédit habitat – Caisses d’Epargne-Fondation Abbé-Pierre, le prêt « travaux amélioration de la performance énergétique » d’Action Logement (salariés du secteur privé)…

IV. Dispositifs d’aides directes aux foyers vulnérables

A ce stade, les ménages rencontrent des difficultés dans le paiement de leurs factures d’énergie. On ne se situe plus dans la prévention et l’incitation, mais dans une démarche d’aide directe d’ordre financier.

A. Interventions publiques et privées

1. Aides des acteurs publics

Etat et collectivités territoriales sont les acteurs publics majeurs pour des aides directes via les dispositifs suivants.

• Les fonds de solidarité pour le logement (FSL). Institués par la loi du 31 mars 1990 relative à la mise en œuvre du droit au logement, les FSL délivrent des aides financières aux personnes rencontrant des difficultés pour régler leurs dépenses de logement (loyers, factures d’énergie…). Chaque année, environ 300 000 ménages sont aidés à ce titre. Ils sont gérés et financés par les conseils départementaux depuis 2005. Une partie de leurs dotations provient de financeurs volontaires, dont les fournisseurs d’énergie (une partie des versements réalisés par les fournisseurs d’électricité fait l’objet d’une compensation par l’Etat).

• Le chèque énergie. Pour une étude plus précise, voir ci-contre.

• L’obligation de maintien de la fourniture de gaz naturel et d’électricité. Sans être strictement une aide directe, ce dispositif doit être souligné. Initialement limitée aux foyers ayant bénéficié d’une aide du fonds de solidarité pour le logement, l’obligation de maintien de la fourniture de gaz naturel et d’électricité entre le 1er novembre et le 15 mars a été élargie à l’ensemble des ménages par une loi du 15 avril 2013. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a ensuite étendu cette trêve jusqu’au 31 mars, en cohérence avec l’allongement en 2014 de la trêve hivernale relative aux expulsions domiciliaires. Il est à noter qu’une ordonnance n° 2021-131 du 10 février, du fait du contexte de pandémie, a prolongé la trêve hivernale jusqu’au 31 mai 2021.

• Les aides au paiement des dettes énergétiques des CAF, MSA et caisses de retraite. En complément des prestations légales, les caisses d’allocations familiales, MSA et caisses de retraite développent des mesures d’action sociale en faveur des familles allocataires qui rencontrent des difficultés financières ou sociales. Des aides ponctuelles pour aider au paiement de certaines factures peuvent être accordées.

• Les aides des CCAS et des CIAS. Au niveau des communes, en complément des prestations légales, la majorité de centres communaux d’action sociale distribuent des aides financières pour l’aide au paiement des impayés ou des factures d’énergie.

2. Aides des acteurs privés

Les associations de lutte contre la précarité sociale sont très dynamiques dans ce domaine.

On retrouve des acteurs privés historiques : Secours catholique, Secours populaire, Croix-Rouge française, SOS Familles Emmaüs.

Les aides financières à l’énergie distribuées par ces structures sont des aides facultatives extra-légales. Elles visent à aider les ménages précaires à faire face à une importante facture ou à un impayé d’énergie. La majorité des ménages sollicitant des aides à l’énergie sont orientés par des travailleurs sociaux.

Des aides qui viennent souvent en complément des aides légales pour parer aux situations les plus urgentes. Mais elles peuvent aussi s’adresser à des foyers précaires non éligibles aux aides légales.

B. Le chèque énergie

1. Une mesure devenue pérenne

Ce dispositif a été créé par la loi sur la transition énergétique du 17 août 2015.

Après cette loi, divers décrets sont venus préciser ses modalités et améliorer son fonctionnement (décrets n° 2016-555 du 6 mai 2016, n° 2018-1216 du 24 décembre 2018 et n° 2020-1763 du 30 décembre 2020).

Ce dispositif d’aide au paiement des dépenses d’énergie s’est substitué aux tarifs sociaux de l’énergie (tarif de première nécessité pour l’électricité et tarif spécial de solidarité pour le gaz naturel) qui ont disparu au 31 décembre 2017.

Le chèque énergie est une aide nominative pour le paiement des factures d’énergie du logement. Son montant peut varier de 48 € à 277 € par an.

2. Conditions et modalités

Le chèque énergie est attribué sur la base d’un critère fiscal unique, tenant compte du niveau de revenu et de la composition des ménages. Il permet aux ménages bénéficiaires de régler leur facture d’énergie, quelle qu’en soit la source (électricité, gaz, fioul, bois…). S’ils le souhaitent, les bénéficiaires peuvent également utiliser le chèque pour financer une partie des travaux d’économies d’énergie qu’ils engagent dans leur logement.

Le ménage doit être résident fiscal en France et être soumis au paiement d’une taxe d’habitation, même s’il en est exonéré. Le chèque énergie est destiné aux personnes ayant des ressources modestes.

A compter du 1er janvier 2021, la valeur faciale TTC du chèque énergie, définie à l’article R. 124-3 du code de l’énergie, est ainsi fixée en fonction du revenu fiscal de référence annuel (RFR) et de la composition du foyer déterminée en unités de consommation (UC) (voir tableau ci-contre).

La valeur des unités de consommation composant le ménage est calculée comme suit :

• 1re personne du foyer : 1 UC ;

• 2e personne du foyer : 0,5 UC ;

• toutes les personnes en plus comptent pour 0,3 UC.

Les deux dernières valeurs dont divisées par 2 si elles concernent des personnes physiques mineures en résidence alternée dans chacun des logements des parents (voir exemple ci-dessus).

Le chèque énergie est envoyé automatiquement par courrier au domicile du bénéficiaire, à la dernière adresse connue par l’administration fiscale selon un calendrier qui s’étend entre le 29 mars et le 30 avril 2021 en fonction du département.

A noter : Pour estimer son éligibilité au chèque énergie, le ministère de la Transition écologique et solidaire a mis à disposition un outil de simulation sur son site Internet. Il suffit d’y inscrire son revenu fiscal de référence pour connaître son éligibilité.

En 2020, le chèque énergie a bénéficié à 5,5 millions de ménages.

Covid-19 et précarité énergétique

Les divers confinements et couvre-feux ont contribué à faire grimper les factures des ménages. Plus présents chez eux, les consommateurs particuliers – comprenant les salariés contraints de télétravailler à domicile – ont davantage recouru à l’électricité et au gaz. Pendant le premier confinement de 2020, on estime que les factures d’énergie ont pu augmenter de 18 à 97 € par mois.

Le second confinement, à l’automne, alors que l’on a recommencé à chauffer, a continué à peser sur les finances des particuliers. Il est à noter que, selon l’Ademe, 60 % des dépenses en énergie sont imputées au chauffage.

Les ménages les plus précaires ont été très impactés. Enregistrant perte de revenus et hausse de la facture d’énergie, l’effort énergétique a été plus important. Conséquence : les impayés risquent d’exploser à la fin de la trêve hivernale 2021. A ce titre, le médiateur national de l’énergie a exposé un sombre sentiment, dans un communiqué de presse du 8 mars 2021, craignant « une reprise importante des coupures d’énergie dès la fin de la trêve, à partir du 1er juin prochain ».

La loi « climat et résilience » en discussion

Un projet de loi intitulé « climat et résilience » est actuellement en discussion au Parlement. Celui-ci porte une nouvelle fois sur la réduction du risque de réchauffement climatique. Ordonné autour de six thématiques – consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir, renforcer la protection judiciaire de l’environnement – et appelé, selon Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, à faire « pénétrer l’écologie au cœur du modèle français dans ce qu’il a de plus fondamental, l’école, les services publics, la justice, mais aussi le logement et l’urbanisme, la publicité et les transports », il contient des dispositions relatives à la précarité énergétique. Notamment, le texte prévoit un encadrement du loyer des logements « passoires thermiques » (classés F et G, soit environ 5 millions de logements). A partir de 2028, ces logements ne seraient plus classés « logement décent » mais interdits à la location. En cas de vente, un audit énergétique obligatoire serait également envisagé.

L’adoption définitive du texte du projet de loi par le Parlement est prévue « au plus tard en septembre ».

D’ores et déjà, le texte à l’étude est l’objet de vives critiques pour son manque d’ambition.

Parmi d’innombrables exemples, Eric Piolle, maire de Grenoble et figure du mouvement écologiste, a fustigé le texte dans Les Echos : « Le projet de loi “climat” n’améliorera pas les fins de mois des Français. »

• Exemple de calcul d’éligibilité au chèque énergie

M. et Mme Martin ont quatre enfants mineurs et présentent à eux deux un revenu fiscal de référence de 22 000 €.

Peuvent-ils bénéficier du chèque énergie ?

Calcul du nombre d’unités de consommation (UC) composant le foyer :

• M. Martin = 1 UC

• Mme Martin = 0,5 UC

• 1er enfant = 0,3 UC

• 2e enfant = 0,3 UC

• 3e enfant = 0,3 UC

• 4e enfant = 0,3 UC

La famille Martin compte 2,7 UC.

Calcul de l’éligibilité au chèque énergie :

22 000 ÷ 2,7 = 8 148,15.

Eligibilité effective :

Le foyer perçoit entre 7 700 € et 10 800 € par UC. A ce titre, il bénéficie en 2021 d’un chèque énergie d’une valeur de 76 €.

Notes

(1) « Rapport sur l’amélioration énergétique du parc de logements existants » – Rapport préparatoire au Grenelle de l’environnement, oct. 2007.

(2) Voir récemment « La précarité énergétique au quotidien », bâti autour d’un corpus d’entretiens auprès de 30 ménages concernés, 2021. Téléchargeable sur onpe.org.

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