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Hors les murs, des professions à la lisière du social et du soin

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Depuis quelques années, un profond mouvement de désinstitutionnalisation se développe. Il s’agit de favoriser l’inclusion et d’apporter une réponse adaptée à chaque situation particulière. Une évolution qui nécessite de nouvelles compétences et modifie les pratiques des professionnels.

Carole Castelain, éducatrice spécialisée, sillonne depuis mai 2020 le département de l’Oise en compagnie de sa collègue Héléna Roche, infirmière. Professionnelle expérimentée, elle a exercé son métier successivement en pédopsychiatrie en milieu associatif, en hôpital de jour et en service d’AEMO (action éducative en milieu ouvert) renforcé, avant d’être recrutée par les Apprentis d’Auteuil, qui lançaient une « équipe mobile ressource ». Objectif : répondre à l’appel des professionnels des foyers de la protection de l’enfance, confrontés à des situations très difficiles de jeunes en souffrance psychique, venir les évaluer et apporter des solutions. « C’est l’ensemble de mes expériences qui m’ont menée vers cette nouvelle façon de pratiquer mon métier. Nous ne sommes pas une équipe d’urgence, nous répondons sous 72 heures et intervenons avant la crise, quand la situation se dégrade et que l’équipe ne sait plus comment faire, pour éviter les ruptures de parcours. » La méthode : mettre enfant, équipe éducative et partenaires autour de la table pour créer un « projet individuel renforcé », d’une durée de six mois à un an.

« Nous n’avons pas à gérer les enjeux éducatifs quotidiens des équipes référentes. Etre à l’extérieur facilite le regard, la compréhension. Nous donnons des clés, des outils aux équipes, qui sont toujours associées à notre travail car nous ne sommes que de passage. Et surtout, nous établissons le maillage nécessaire entre les partenaires, pour établir une cohérence de parcours, remettre l’enfant au cœur de sa prise en charge, et le faire ainsi adhérer aux soins, aux activités proposées, au lieu de se sentir morcelé », détaille Carole Castelain.

Fort de cette expérience, Frédéric Marseille, directeur des établissements des Apprentis d’Auteuil de l’Oise, entend aller plus loin : « Nous espérons à terme créer une plateforme d’équipes mobiles sur le département, avec toutes les spécialités, pour intervenir auprès des jeunes quelle que soit leur situation. Il s’agit de rompre les silos entre la pédopsychiatrie, l’école et la protection judiciaire de la jeunesse. »

Expertise et coordination en première ligne

Allison Canizzaro, directrice de l’EPMS (établissement public médico-social) Chancepoix, en Seine-et-Marne, observe que cela induit une évolution des profils recherchés et des pratiques : « Le rôle du social étant désormais de faciliter une adaptation de l’environnement, plutôt que de demander à la personne de s’adapter. Cela impacte les métiers, parti­culièrement celui d’éducateur spécialisé, à qui l’on va demander un plus grand niveau d’expertise pour mieux identifier les besoins et difficultés des enfants, ainsi que des compétences de coordination pour bâtir des interventions affinées d’une manière collégiale, et sensibiliser l’environnement au handicap, à la protection. »

Cet établissement seine-et-marnais vient ainsi de monter une équipe mobile d’aide à la scolarisation, constituée d’un éducateur, d’un psychologue, d’un ergothérapeute et d’un psychomotricien, que les enseignants pourront solliciter s’ils remarquent un décrochage ou rencontrent une difficulté avec un enfant. Après une phase d’observation à l’école, l’équipe propose des astuces et outils à l’enseignant ou à l’accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) pour améliorer l’apprentissage ou la concentration. Elle peut également intervenir auprès d’une communauté éducative, qui rencontre régulièrement les mêmes problèmes, et bâtir un programme d’information et de sensibilisation pour que les enseignants apprennent à gérer ces situations.

« En faisant bénéficier le territoire de leur expertise à travers des pratiques collaboratives et hors les murs, les établissements et services de demain, vont devenir des centres d’appui et de ressources, et ainsi favoriser l’inclusion », prévoit Allison Canizzaro. Et cela vaut également pour les publics adultes (voir encadrés).

Ces nouveaux dispositifs souples et hors les murs sont encouragés par l’Etat : depuis 2019, les contrats signés avec les départements incluent l’obligation de proposer des solutions innovantes pour les enfants placés en situation de handicap. Elles peuvent donc prendre la forme d’équipes mobiles expertes, qui viennent en soutien des équipes référentes, des écoles, des familles d’accueil, mais aussi celle d’un accueil repensé et assoupli pour correspondre davantage aux besoins des enfants et des personnes qui les accompagnent.

Dispositifs innovants mais limités

L’association Les Papillons blancs de Lille a répondu à cet appel : « Nous avons proposé au département du Nord et à l’agence régionale de santé que les professionnels exerçant dans notre institut médico-éducatif aillent soutenir à domicile les familles d’accueil qui accompagnent les enfants de l’aide sociale à l’enfance déficients intellectuels », explique Guillaume Schotté, directeur général de l’association. Cela évite l’isolement des assistants familiaux et de nouvelles ruptures de parcours pour les enfants. Effectif depuis le mois de décembre dernier, cet étayage à domicile est complété par un dispositif d’accueil-relais pendant les week-ends et les vacances des établissements médico-sociaux.

Le travail hors les murs peut toutefois montrer certaines limites. L’établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés de Cornouaille, en Ille-et-Vilaine, géré par APF France handicap, a ouvert en décembre, en complément de son accueil à temps plein, un service de prestation en milieu ouvert (PMO). L’équipe pluridisciplinaire propose un accompagnement thérapeutique, éducatif et rééducatif dans tous les lieux de vie de l’enfant (domicile, école, crèche). « La prestation en milieu ouvert peut convenir pendant un temps à un tout-petit, mais ça ne suffit plus dès qu’il grandit, tempère Loriane Levacher, chef de service au sein de la structure. Pour les enfants qui sont toujours à domicile et ne fréquentent aucun établissement, le risque est d’obtenir l’effet inverse de celui recherché : un enfermement dans le cocon familial. »

Catherine Derouette, directrice de l’établissement, regrette une forme de prise en charge à moindre coût : « Tous ceux que nous recevons aujourd’hui en accueil séquentiel, ou qui bénéficient du dispositif de PMO, sont en réalité en attente d’une place à temps plein dans nos établissements. Il y a onze ans, quand je suis arrivée, il y avait quatre enfants sur la liste d’attente. Aujourd’hui, ils sont 50, et ça ne bouge pas ! »

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