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De nouveaux profils pour favoriser l’autonomie

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Le mot est sur toutes les lèvres : les personnes accompagnées suivent un « parcours ». Ce terme recouvre une double dimension. Temporelle, avec l’organisation d’une prise en charge coordonnée dans le temps. Et spatiale : elle est réalisée sur un territoire et à proximité du domicile. D’où l’émergence d’une nouvelle fonction de coordination et de métiers pour l’incarner.

A Avec la promotion d’une société inclusive, l’accompagnement se pense désormais dans une logique de réponse et de parcours individualisés. La réussite de cette prise en charge repose sur la participation et l’implication des usagers, sur l’intervention efficace et coordonnée des acteurs du système de soins, des établissements et services sociaux et médico-sociaux, des collectivités territoriales et des services de l’Etat. Dans ce contexte, où de multiples structures et interlocuteurs interviennent, la coordination des actions devient un axe majeur de la garantie d’une réponse adaptée et de qualité. Et le « coordonnateur de parcours » est un acteur essentiel.

« Il est là pour entendre les attentes de la personne, l’aider à exprimer un projet de vie et veiller à ce que les différents opérateurs proposent des réponses en accord avec ces attentes », explique le psychosociologue Jean-René Loubat. Et l’auteur de Coordonner parcours et plans personnalisés en action sociale et médico-sociale (Ed. Dunod, 2019) de détailler les fonctions de cette nouvelle profession : « Il a un rôle d’avocat. Il est le défenseur des intérêts, des droits et des causes des personnes qu’il suit. Il est là pour veiller à ce qu’elles soient entendues, que leurs attentes soient prises en compte. » Le coordonnateur de parcours a aussi un rôle de « courtier ». Il va chercher les meilleures réponses possibles dans l’environnement de la personne. Et c’est là qu’apparaît une première limite, selon Jean-René Loubat : « Si on suit les recommandations des pouvoirs publics, qui invitent à solliciter le droit commun avant le secteur spécialisé, le coordonnateur de parcours va d’abord chercher des réponses hors des services proposés par l’opérateur qui pourtant le paye. Cela peut engendrer des complications. Son employeur peut faire pression sur lui et influencer les solutions qu’il proposera à la personne accompagnée. »

« Clé de voûte »

Pour s’y retrouver dans un secteur aussi complexe, l’usager a besoin de l’expertise d’un professionnel à même de coordonner les services qui interviendront auprès de lui. « L’aide à domicile, par exemple, est très morcelée. Il y a les services à la personne, les services médicalisés comme les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), mais aussi l’hospitalisation à domicile. L’usager lambda n’y comprend donc rien », illustre Jean-Christian Sovrano, directeur de l’autonomie et de la coordination des parcours de vie à la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés (Fehap).

Cette notion de coordination est aussi importante au sein même d’une structure. Par exemple, dans un Ehpad, au-delà du soin propre, les aides-soignants et les aides médico-psychologiques gèrent la relation avec les aidants, laissant aux médecins traitants le soin de manager d’autres salariés, de gérer les commandes et de s’occuper des stagiaires. « Sollicités en permanence, ils sont la clé de voûte du dispositif, assure Sylvain Connangle, administrateur chez Nexem (organisation professionnelle des employeurs associatifs du secteur social, médico-social et sanitaire). Pour monter en compétence et reconnaître ces multiples casquettes, nous avons donc imaginé une nouvelle profession : “le référent de proximité”. »

Et aux côtés de ces derniers et des coordonnateurs de parcours, les nouveaux métiers visant à favoriser l’autonomie des personnes sont légion : l’autonomie planner (voir l’encadré page ci-contre), l’aide-soignant coordinateur (voir encadré ci-dessous) ou encore l’assistant aux projets et parcours de vie(1).

Le coordonnateur de parcours, comme le « case manager », est d’abord quelqu’un qui applique une démarche, une méthode. Il est cependant nécessaire de connaître les spécificités du public pris en charge. On n’accompagne pas de la même façon un enfant, un adulte, une personne âgée dépendante ou en situation de handicap et un migrant. « Je suis convaincu que la démarche est transposable à des publics très différents, estime Jean-René Loubat. Elle pourrait même l’être à des chômeurs. Actuellement, les sous-traitants de Pôle emploi se recrutent parmi les chargés d’insertion professionnelle. Ce métier émergent de conseiller en évolution professionnelle (non reconnu par un diplôme) ressemble énormément à un coordinateur de parcours. Il accueille la personne, entend son projet professionnel. C’est exactement la même démarche. »

Vers une redéfinition des fonctions

Si beaucoup d’opérateurs commencent à mettre en place la coordination de parcours, il n’y a pas de reconnaissance statutaire au sein des conventions collectives. Quelques formations existent sur le territoire – par exemple, le DIU coordinateur et gestionnaire de parcours de l’Isped (Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement), à Bordeaux. Mais on connaît surtout les qualités attendues chez ces nouveaux professionnels. Jean-René Loubat tente de dresser un profil type de candidat : « Le coordonnateur de parcours doit avoir des qualités personnelles, humaines mais aussi des compétences techniques particulières.Le métier séduit des éducateurs spécialisés, des assistantes sociales, des infirmières, mais aussi des ergothérapeutes, des conseillers en économie sociale et familiales, voire des psychologues. »

Ces nouveaux professionnels modifient les pratiques au sein des institutions. Comme l’explique Cyrielle Claverie, cheffe de projet handicap à la Croix-Rouge française, « ­l’arrivée d’un coordonnateur de parcours peut questionner les autres professionnels, surtout les éducateurs spécialisés. Normalement, ce sont eux les référents. Ils peuvent prétendre à exercer ce rôle de coordination, à donner un avis sur les besoins de la personne. Cela oblige donc un repositionnement de certaines fonctions. » « Dès que l’on crée un nouveau métier, il y a le risque d’un effet “millefeuille” », confirme Sylvain Connangle. C’est pourquoi l’administrateur chez Nexem livre ce conseil : « Le coordonnateur de parcours ne prend sens que s’il a un rôle d’aidant, de facilitateur. Si c’est un personnel en plus, si cela ajoute de la complexité, ça n’a pas d’intérêt. »

Mais globalement, avec le virage inclusif et l’autodétermination des personnes, la coordination de parcours a un bel avenir devant elle. D’autant que pour Jean-René Loubat, « tôt ou tard la France va s’inspirer du modèle scandinave. Il faudra donner des aides non plus aux institutions mais directement aux bénéficiaires. A ce moment-là, les coordonnateurs de parcours deviendront véritablement des case managers au service des personnes. Il faudra qu’il soit évidemment habilité, formé, avec un code déontologique. » Et de conclure : « C’est le métier d’avenir dans le champ de l’action sociale et médico-sociale. »

Autonomie planners : un pivot pour la vie à domicile des personnes âgées

Victor Perrazi, 33 ans, ancien directeur d’Ehpad, a imaginé les autonomie planners en partant d’un constat : bon nombre de personnes âgées entrant en établissement pourraient continuer à vivre à domicile. Mais les familles étant souvent dans l’incapacité d’organiser les choses autrement (manque de temps, distance, épuisement), elles intègrent des Ehpad. « Les autonomie planners sont donc là pour prendre le relais, explique-t-il. D’autant que la prise en charge chez soi ne repose pas sur les seules compétences des services à domicile. Il faut aussi organiser le suivi médical, la vie sociale, la partie administrative. Nous coordonons tous ces acteurs, comme un chef d’orchestre. »

« Je ne suis plus dans le “faire” mais dans la supervision »

Il y a quinze ans, la direction de l’Ehpad Bon Rencontre à Notre-Dame-de-l’Osier (Isère) de la Fondation Partage & Vie a créé un nouveau poste : l’aide-soignant coordinateur. Il vient en appui à l’infirmière coordinatrice (Idec) et favorise l’accompagnement des équipes de terrain. « Je suis là pour superviser les prises en charge des résidents, apporter mon expérience aux autres professionnels, leur donner des conseils, explique Audrey Carlin, aide-soignante coordinatrice de l’Ehpad L’Arc-en-Ciel à Tullins (Isère). Mais je gère aussi les plannings, l’organisation du travail. » Comment en est-elle arrivée là ? « J’ai commencé en tant qu’agent de soin, puis je suis devenue aide-soignante, métier que j’ai exercé durant treize années. Il y a cinq ans, on m’a proposé le poste. J’ai un peu hésité car j’aimais beaucoup être sur le terrain et j’avais peur de trop m’en éloigner, de perdre la relation “soin”. Mais ce n’est pas le cas. Je ne suis plus dans le “faire” mais je supervise, je conseille pour une meilleure prise en charge des résidents. Coacher une équipe, structurer les process, c’est aussi contribuer au bien-être des personnes accueillies. »

Notes

(1) Voir ASH n° 3177 du 25-09-20, p. 36.

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