Le virus Sars-Cov-2 a bouleversé nos vies. C’est entendu. Reste que certains de ses effets collatéraux n’étaient pas à dédaigner. On peut classer dans cette catégorie la suspension de la réforme de l’assurance chômage. Las, Elisabeth Borne, vient de ranimer une mesure qui durcira drastiquement l’accès à l’indemnisation des chômeurs. La ministre du Travail est passée en force dans ce dossier, ignorant l’hostilité frontale de l’ensemble des grandes centrales syndicales. A terme, près d’un chercheur d’emploi sur deux verra son allocation baisser avec la nouvelle méthode de calcul retenue par le gouvernement. Six mois de travail seront désormais nécessaires, contre seulement quatre à ce jour. Le dispositif de rechargement des droits est également plus sévère. Les allocations versées aux cadres seront, quant à elles, dégressives.
Quelles que soient les motivations politiques ou idéologiques profondes d’Emmanuel Macron, cette décision est inique et indécente.
L’aberration de la situation réside d’abord dans l’atonie économique actuelle, alors que la crise liée au Covid-19 n’en finit plus de s’étirer. Une fois la menace épidémique résorbée, les experts du marché de l’emploi s’attendent à une explosion des licenciements. Les entreprises qui survivent pour le moment grâce aux dispositifs de sauvegarde mis en place pendant la crise seront alors livrées à elles-mêmes. Beaucoup d’entre elles mettront la clé sous la porte, laissant nombre de salariés sur le carreau. Le discours des tenants d’une telle réforme pourrait prétendre à un semblant de cohérence si notre pays connaissait le plein emploi. Deux chiffres viennent à eux seuls rappeler que nous en sommes loin : le nombre d’inscrits à Pôle emploi a désormais franchi la barre symbolique des 6 millions, quand le nombre de postes vacants ne dépasse pas 300 000. Le renforcement de l’accès à l’indemnisation n’est donc pas de nature à résorber un chômage subi et de longue durée.
A l’heure du « quoi qu’il en coûte » et des plans de relance à 100 milliards, les économies envisagées semblent dérisoires. Le chiffre de 1 milliard d’euros est avancé par les tenants de cette réforme. Une paille quand les marchés financiers prêtent aux Etats à des taux négatifs. Cette réalité échappe à nos gouvernants, qui semblent se fixer pour ambition de faire enfler la pauvreté au sein de la sixième puissance économique mondiale. Une fois ce constat dressé, restent les faits, implacables : selon l’Insee, à la fin 2020, la France comptait 10 millions survivant sous le seuil de pauvreté.