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Le Qatar, cimetière géant des travailleurs migrants

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Le Qatar, cimetière géant des travailleurs migrants

Crédit photo Étienne Cassagne
Plus de 6 500 forçats exploités dans l’émirat gazier sont morts ces dix dernières années. La plupart étaient employés dans des chantiers liés à la Coupe du monde de football de 2022.

En septembre, les ASH alertaient déjà sur les nouvelles lois censées améliorer le sort des travailleurs migrants au Qatar, des législations principalement imposées par des organisations internationales. Si nous soulignions alors la faiblesse des mécanismes de contrôle censés veiller à l’application de ces timides avancées, un rapport explosif rendu public par The Guardian pourrait contraindre les autorités de l’émirat à prendre enfin le problème au sérieux. Selon le quotidien britannique, plus de 6 500 travailleurs migrants d’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bengladesh et du Sri Lanka sont morts au Qatar depuis que le pays a obtenu l’organisation de la Coupe du monde de football 2022, il y a dix ans. Ces résultats, compilés à partir de sources gouvernementales, pourraient être très en deçà de la réalité en raison de l’absence de chiffres communiqués par de grands pourvoyeurs d’expatriés précaires dans la péninsule arabique, à l’instar du Kenya ou des Philippines.

Autre problème : les données des derniers mois de l’année 2020 ne sont pas encore inclues dans cette comptabilité macabre, alors que des projets faramineux sont en phase de finalisation, dont sept nouveaux stades, un aéroport, des hôtels et même une nouvelle ville censée accueillir la finale. « Une proportion très importante des travailleurs migrants décédés depuis 2011 ne se trouvaient dans le pays que parce que le Qatar a obtenu le droit d’accueillir la Coupe du monde », souligne Nick McGeehan, directeur de FairSquare Projects, un groupe de défense des droits du travail dans le Golfe. Comme la plupart des ONG déterminées à lever le voile sur les pratiques semi-esclavagistes des roitelets du Golfe, FairSquare Projects, basé à Londres, agit pour rendre visibles ces martyrs de la « diplomatie du sport » que le Qatar exploite pour rehausser son image à l’international.

Décès soudains et inexpliqués

« Derrière les statistiques se cachent d’innombrables histoires de familles dévastées, qui se sont retrouvées sans leur principal soutien, luttant pour obtenir une indemnisation et connaître la vérité quant aux circonstances du décès de leur proche », écrit The Guardian, avant de mettre en lumière quelques-uns de ces destins funestes : « Ghal Singh Rai, du Népal, a payé près de 1 150 euros de frais de recrutement pour faire le ménage dans un camp pour les travailleurs qui construisent le stade d’Education City. Moins d’une semaine après son arrivée, il s’est suicidé. Mohammad Shahid Miah, du Bangladesh, a été électrocuté dans son logement. En Inde, la famille de Madhu Bollapally n’a jamais compris comment l’homme de 43 ans, en bonne santé, a pu mourir de “cause naturelle”. »

Des enquêtes médico-légales exigées

C’est bien cette classification de « mort naturelle » qui est la plus troublante, car la plupart des migrants sont dans la force de l’âge. D’après les statistiques officielles, elle concerne 69 % des décès parmi les travailleurs indiens, népalais ou bangladais, loin devant d’autres causes comme « les multiples blessures dues à une chute de hauteur », « l’asphyxie par pendaison » ou « la cause indéterminée de mort par décomposition » (sic). En clair, selon une étude menée par l’Organisation internationale du travail des Nations unies, les chantiers du Qatar confrontent, sans protection ni précautions, les ouvriers à des températures extrêmes pendant au moins quatre mois de l’année, provoquant stress thermiques et arrêts cardiaques.

Le pays continue de « traîner les pieds sur cette question critique et urgente au mépris apparent de la vie des travailleurs », a déclaré Hiba Zayadin, chercheuse du Golfe à Human Rights Watch : « Nous l’avons appelé à modifier sa loi sur les autopsies pour exiger des enquêtes médico-légales sur tous les décès soudains ou inexpliqués, et à adopter une législation exigeant que tous les certificats de décès incluent une référence à une cause de décès médicalement significative », ajoute-elle.

…et d’ailleurs

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