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Au cœur du pavillon 4B

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Ce qui a frappé l’auteure quand elle a pénétré dans le pavillon 4B pour la première fois, « c’est l’odeur, elle flotte en nappes molles, une odeur de collectivité et de macération, de légume bouilli et de détergent, de sauce refroidie et d’inquiétude, âcre, insistante, une odeur d’enfermement ». Tous les mercredis, pendant un an, Joy Sorman a été autorisée à circuler librement au sein de ce pavillon dans un hôpital psychiatrique (HP). Le service compte douze lits et une chambre d’isolement. Franck, 40 ans, vient d’y passer un mois. Les soignants ne lui ont pas rendu ses chaussures de crainte qu’il fugue, comme à son habitude, pour aller retirer de l’argent au distributeur, boire un whisky et acheter du « shit ». Lorsqu’il était petit, sa mère buvait et son père le battait pour un oui ou pour un non. Il a connu l’HP à l’âge de 19 ans, en est sorti au bout de deux ans, puis, quelques années plus tard, ses délires ont recommencé et il a fini par tuer le chien de sa mère. Il y a aussi Maria, bipolaire, qui se prend pour une sorcière ; Nadia, internée sous contrainte parce que ses voisins de palier la jugent paranoïaque, alors qu’elle fait seulement « la fofolle » et puis Jacques, qui a cassé une voiture dans la rue parce qu’elle « respirait trop fort ». Au fil des pages, la romancière brosse un portrait de ces écorchés et nous familiarise avec leur quotidien répétitif et mortifère : la prise de médicaments en file indienne, les repas livrés sous vide, le silence pesant, la sieste, la télé, la promenade dans le jardin, la cigarette, « modeste enclave de liberté et d’addiction consentie ». Et puis, il y a les soignants, trop peu nombreux pour avoir le temps de parler avec les patients. « La bienveillance ne se chiffre pas. Le plus efficace peut être imperceptible, non quantifiable », écrit l’auteure. Barnabé, l’infirmier empathique, le sait : « L’essentiel est affectif. Les psychiatres ne tiennent pas la main, ne savent pas quel est le chanteur préféré de leurs patients », dit-il. Ce récit fort se lit comme un roman et nous dévoile une psychiatrie protocolisée et déshumanisée.

Notes

« A la folie » – Joy Sorman – Ed. Flammarion, 19 €.

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