En matière pénale, les conditions d’audition des mineurs victimes doivent normalement être aménagées pour tenir compte de leur vulnérabilité et les protéger. Pourtant, l’attention qui devrait leur être portée n’est, dans la pratique, pas encore acquise par tous les professionnels. Pour les aider, le comité Alexis Danan de Bretagne, association spécialisée dans la protection de l’enfance, a mis au point la méthode Calliope inspirée d’un protocole existant au Québec dans les centres d’aide aux victimes d’actes criminels (Cavac). Son fondement est simple : un enfant mérite d’être respecté lors de la procédure judiciaire, d’être préparé, soutenu, de se sentir en sécurité au tribunal, d’être interrogé dans un langage adapté à son âge et à son niveau de développement.
La méthode Calliope est donc un programme d’accompagnement de la parole des plus jeunes, qu’ils soient victimes de violences physiques, sexuelles ou témoins. Un outil facilitant leur témoignage devant la justice. L’objectif du comité Alexis Danan de Bretagne est de former 100 professionnels dans le secteur de la cour d’appel de Rennes. Les premiers à l’être ont été les gendarmes de la capitale bretonne les 20 et 21 février derniers. « Il y a tellement d’enfants qui ne sont pas préparés à être auditionnés. Ils ne parlent pas et l’audition se passe mal, remarque Laurence Brunet-Jambu, la présidente. Résultat : les procédures sont classées sans suite faute d’éléments. »
Le protocole a été expérimenté auprès de 55 enfants par deux travailleurs sociaux de l’association. « Plus on est préparé, mieux on délivre les mots. C’est d’autant plus vrai pour un enfant », explique Emmanuelle Vinayagasoundirame, intervenante sociale spécialisée dans le développement de l’enfant et le handicap. Il faut compter cinq à sept séances d’une durée de 1 h à 1 h 30. La procédure n’est jamais abordée et les intervenants sociaux ne sont d’ailleurs pas mis au courant des faits. « On les aide à mener un entretien construit avec un adulte inconnu, à répondre à des questions parfois compliquées, à ne pas se laisser déstabiliser », souligne Laurence Brunet-Jambu.
Le but est de travailler sur certaines compétences utiles lors d’un témoignage : être capable de démontrer sa certitude, ne pas changer de version, corriger les adultes au besoin… « Des compétences précieuses dans la vie de tous les jours, et pas seulement dans le cadre de la procédure », assure Emmanuelle Vinayagasoundirame. Les questionnaires comportent 32 questions l’intervenante sociale arrête souvent la rencontre avant la fin pour respecter le temps de l’enfant. Elle peut avoir recours à des jeux de rôle et utiliser des marionnettes. L’une des clés du succès réside dans la capacité à créer un lien de confiance.
« Certains enfants ayant développé beaucoup de méfiance envers les adultes ce n’est pas toujours facile, observe la professionnelle. Il est aussi essentiel de prendre en compte leurs mécanismes de défense. » L’intervenante sociale insiste en outre sur la nécessité de préparer la fin des rencontres : « C’est important de poser un cadre, d’expliquer à l’enfant et aux parents jusqu’où va l’accompagnement. Les jeunes victimes ont parfois tendance à s’attacher et à nous considérer comme des décharges à émotion. » Le comité Alexis Danan de Bretagne espère former un maximum de professionnels dans la région. De nombreux travailleurs sociaux et avocats se sont montrés intéressés.