Awa ne s’imaginait pas ce que pouvait être la vie avec un gamin « différent ». Jusqu’au jour où Yanis, son deuxième enfant, est né. Pendant près de deux ans, les médecins lui disent que le petit garçon a le syndrome de West, une forme d’épilepsie rare, et un polyhandicap. Il ne tient pas sa tête, ni assis, ne parle pas et n’a pas de contact visuel. Et puis un jour, le diagnostic tombe : malformation au cerveau. Pour la famille, qui entre dans un monde lui étant étranger, le parcours d’obstacles a commencé depuis longtemps. Il n’y a pas plus d’accompagnement pour le bébé que pour les parents. Awa est assistante sociale d’entreprise depuis ses vingt-deux ans : avec une mère violente, aider les autres était une nécessité pour elle, comme une prédestination. C’est donc avec son mari qu’elle prend en charge Yanis. « Je découvre combien l’épuisement et l’isolement sont le lot quotidien des aidants familiaux. Sans compter les problèmes financiers ou de santé qui s’ajoutent, jusqu’à parfois conduire à la dépression, voire au suicide dans les cas les plus graves. Je suis horrifiée », écrit la jeune maman qui a le sentiment que personne ne peut comprendre. Son témoignage ressemble à celui de beaucoup d’autres parents, souvent des mamans, aux prises avec le handicap d’un enfant, démunis et abattus par moments mais toujours combatifs. Au fil du temps, Awa apprend à être une maman différente et nourrit un espoir : scolariser son fils un jour. Un objectif qui l’a conduite à créer, en 2014, Les Tilleuls, une micro-crèche inclusive dans les Yvelines accueillant des enfants porteurs de handicap et des « valides », via l’entreprise solidaire L’Abeille et le Papillon à laquelle Awa est associée. Son idée est aussi de changer le regard sur le handicap en implantant sa structure en plein centre-ville pour la rendre visible. Son expérience la pousse également à vouloir soutenir les aidants familiaux et à fonder, en 2016, avec d’autres parents dans sa situation, l’association Second souffle. Yanis a maintenant 11 ans. Mais on se demande en refermant le livre pourquoi la société est toujours aussi indifférente aux personnes les plus vulnérables.
« Le Tiroir à bonheurs » – Awa Camara – Ed. S-Active, 14 €.