La crise sanitaire engendrée par la Covid-19 a conduit, au fil des mois, à connaître un contexte économique dégradé. Ce dossier juridique devra permettre de brosser le tableau des solutions envisageables pour les structures du secteur sanitaire et social en intégrant en premier lieu le licenciement économique et ses modalités, puis les alternatives à ce dernier, comme le dispositif d’activité partielle de longue durée dont les conditions spécifiques devront être envisagées.
Nombre de structures connaissent depuis maintenant plusieurs mois une situation économique dégradée qui peut conduire à envisager de mettre en place des licenciements pour motif économique. Mais en pratique, ce type de licenciement est très verrouillé : le code du travail décrit limitativement et de manière détaillée les modalités selon lesquelles une structure peut envisager de retenir un licenciement pour motif économique.
Les quatre possibilités de motivation du licenciement économique reposent, selon les dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail, sur des difficultés économiques, des mutations technologiques, la réorganisation de l’entreprise ou de l’association pour en sauvegarder la compétitivité ou, enfin, la cessation d’activité.
Les difficultés économiques semblent le recours le plus évident au licenciement pour motif économique compte tenu du contexte économique actuel dégradé du fait de la crise sanitaire.
Or, dès lors que l’entreprise ou l’association entend se baser sur des difficultés économiques, le code du travail prévoit expressément l’obligation de répondre à un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ou tout élément de nature à justifier de ces difficultés.
Le législateur a précisé que la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée si elle répond à des indicateurs chiffrés. Mais en pratique, dans la mesure où la crise sanitaire et économique a été extrêmement rapide et connaît finalement une existence inférieure à une durée de 1 an, le recul nécessaire pour recourir au motif des difficultés économiques n’apparaît pas suffisant, car le code du travail oblige les structures à étudier la situation économique sur un nombre de trimestres établi en fonction de la taille de l’entreprise ou de l’association.
La baisse de l’indicateur économique sera considérée comme significative dès lors qu’elle aura duré au moins :
• 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
• 2 trimestres consécutifs pour une entreprise employant entre 11 et 49 salariés ;
• 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
• 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.
A noter : Le législateur précise également que les difficultés économiques peuvent être caractérisées par tout élément de nature à justifier de ces difficultés. Toutefois, il n’a pas expressément défini cette notion. Il laisse ainsi aux juges la possibilité d’apprécier souverainement ce critère.
Quid de la baisse de marge/rentabilité dans les ESMS avec l’augmentation du coût du matériel de protection des salariés ?
Les problématiques de rentabilité (voir notamment Cass. soc., 1er février 2011, n° 10-30045) ou de perte d’un marché (voir notamment Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-15925) ne peuvent constituer un motif économique excepté si cette situation impacte un indicateur économique suivant les seuils fixés par le législateur.
La difficulté du recours au licenciement pour motif économique va donc reposer sur le fait que les structures du secteur sanitaire et social ne connaissent pas nécessairement de baisse de chiffre d’affaires mais bien une augmentation de leurs charges due notamment à l’obligation de mise en place d’équipements de protection individuelle supplémentaires, aux obligations instaurées par le protocole sanitaire à destination des entreprises et des associations… L’absence de subventions supplémentaires par les départements ou les versements tardifs peuvent également conduire les structures à se trouver dans des situations économiques difficiles. Pour autant, il ne s’agira donc pas, à proprement parler, du critère des difficultés économiques tel qu’il est défini par le code du travail et la seule possibilité serait alors de parvenir à utiliser les critères reposant notamment sur la baisse des marges des structures. Or, la Cour de cassation n’a livré que très peu de jurisprudence à ce titre, et le risque pour la structure pourra être important en cas de contestation.
L’introduction de nouvelles technologies au sein de la structure permet de justifier une cause économique même en l’absence de difficultés économiques (voir notamment Cass. soc., 2 juin 1993, n° 90-44956). Ainsi, une structure qui enregistrerait des bénéfices pourrait procéder à des licenciements économiques à condition d’avoir connu des mutations technologiques et que ces mutations soient la cause de la suppression des postes de travail. On prendra l’exemple notamment de l’acquisition d’une nouvelle machine qui permet d’autonomiser les tâches effectuées préalablement par un ou plusieurs salariés.
Cette hypothèse a été introduite dans le code du travail en 2016 par la loi « El Khomri ». Elle avait préalablement été admise par la jurisprudence de la Cour de cassation.
Une entreprise ou une association qui ne connaît pas de difficultés économiques peut recourir à des licenciements économiques si elle peut démontrer qu’une réorganisation est nécessaire pour rester compétitive par la suite en raison, par exemple, des problématiques touchant le secteur d’activité. L’objectif poursuivi par ce motif de licenciement est d’anticiper les difficultés à venir.
On peut prendre l’exemple de l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché qui menaceraient la compétitivité de la structure (voir notamment Cass. soc., 2 février 2011, n° 09-69520).
La Cour de cassation rappelle régulièrement que ce motif est valable et licite à condition que l’employeur démontre que les problématiques de compétitivité interviendront dans un avenir proche.
Cette hypothèse posée par la jurisprudence a également été introduite en 2016 par la loi « El Khomri ». De jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que la cessation d’activité doit être totale et définitive (voir notamment Cass. soc., 15 octobre 2002, n° 01-46240 ; Cass. soc., 23 mars 2017, n° 15-21183).
A noter : La cessation partielle d’activité ne peut justifier un licenciement économique excepté s’il existe des difficultés économiques, des mutations technologiques ou qu’une réorganisation de l’entreprise ou de l’association est nécessaire pour sauvegarder la compétitivité.
Compte tenu du contexte sanitaire et économique actuel, on remarquera que les mutations technologiques comme la réorganisation de l’entreprise ou de l’association ne peuvent trouver application. Reste toutefois la cessation d’activité de l’entreprise ou de l’association si les conditions sont remplies et que la structure est contrainte de cesser toute activité de façon permanente.
Conformément à l’article L. 1233-3 du code du travail, l’élément causal du licenciement doit se cumuler avec l’élément matériel. Or ce dernier peut résulter d’une suppression d’emploi ou du refus par le salarié de la transformation de son emploi ou d’une modification d’un élément essentiel de son contrat de travail.
La notion de suppression d’emploi a été précisée par la Cour de cassation qui retient plusieurs significations distinctes. En effet, cette dernière peut être due de façon générale à la disparition des tâches préalablement accomplies par le salarié mais également au regroupement de plusieurs emplois en un seul (Cass. soc., 22 mars 1995, n° 93-41918), à la répartition des tâches entre les salariés demeurés dans la structure (Cass. soc., 2 juin 1993, n° 90-44956) ou encore au remplacement par des collaborateurs bénévoles (Cass. soc., 7 octobre 1992, n° 88-45522).
A noter : En cas de délocalisation, la condition de suppression d’emploi est remplie si le transfert d’emploi s’effectue « dans un milieu différent ». Pour apprécier cet élément, les juges prennent en considération les conditions de travail, de vie ou encore de rémunération pour les deux postes (Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42690, Vidéocolor).
Certains éléments du contrat de travail sont considérés comme essentiels, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être modifiés sans l’accord exprès du salarié concerné. Tel est le cas notamment de la durée du travail, de la rémunération, de la qualification ou du lieu de travail du salarié.
Conformément à l’article L. 1222-6 du code du travail, lorsque l’employeur envisage de modifier le contrat de travail d’un salarié, il doit respecter une procédure spécifique. En effet, l’employeur doit proposer la modification du contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception. Le courrier doit préciser que le salarié dispose d’un délai de 1 mois à compter de sa réception pour formuler une réponse. En l’absence de réponse dans ce délai, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée par l’employeur.
On notera que l’employeur a l’obligation de respecter cette procédure puisque, à défaut, il ne peut se prévaloir ni d’un refus, ni d’une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié (Cass. soc., 25 janvier 2005, n° 02-41819).
Les conditions de mise en place d’un licenciement pour motif économique sont contraignantes et strictes. Face à cette situation, le législateur a récemment mis en place trois dispositifs qui permettent d’accompagner l’employeur qui ne répondrait pas à l’ensemble des critères légaux mais qui se trouverait en difficulté.
Au-delà des dispositifs classiques existants pour les entreprises ou associations rencontrant des problèmes économiques, des mesures spécifiques ont été créées ou remobilisées afin de faire face à la crise sanitaire et subséquemment économique déclenchée par la Covid-19.
Ainsi, l’article 53 de la loi du 17 juin 2020 a institué un dispositif spécifique d’activité partielle dénommé « activité réduite pour le maintien en emploi »(1).
Un décret du 28 juillet 2020, modifié par décret du 29 septembre 2020, est venu fixer les conditions d’application pratique de l’activité partielle de longue durée (APLD)(2).
Contrairement au dispositif d’activité partielle classique (voir encadré page 24), l’APLD ne peut être mise en œuvre que via un accord collectif d’entreprise ou par décision unilatérale, mais uniquement lorsque cette dernière repose sur un accord de branche. Ainsi, seule l’existence d’un accord collectif conclu au niveau de la branche et étendu génère la faculté de dispense.
Or, pour l’ensemble des branches composant le secteur social et médico-social, aucun accord de branche n’a été négocié ni étendu.
A noter : Les seuls accords étendus, au 31 décembre 2020, sont ceux de la métallurgie, de Syntec, de la bijouterie et de l’horlogerie, des ateliers et chantiers d’insertion, de la fabrication de l’ameublement, du transport routier interurbain de voyageurs, de l’exploitation cinématographique et des distributeurs conseils hors domicile.
Il apparaît donc que les structures relevant du secteur social et médico-social sont dans l’impossibilité de recourir à la décision unilatérale s’appuyant sur un accord de branche. La seule possibilité de recours à l’activité partielle de longue durée devient celle de la mise en place d’un accord collectif d’entreprise, d’établissement ou de groupe.
Les dispositions légales et les décrets ayant précisé le dispositif de l’APLD ont fixé un contenu minimal obligatoire pour la mise en place de l’activité partielle de longue durée.
L’accord devra obligatoirement comprendre un préambule, comme cela est habituellement le cas pour les accords d’entreprise classiques. On conseillera à l’employeur de fixer un préambule reprenant la situation économique et les perspectives éventuelles d’activité de la structure ainsi que, le cas échéant, de la branche d’activité si cette dernière fait partie des activités les plus touchées.
Il est indispensable également de fixer la durée d’effet de l’APLD et également la date d’entrée en vigueur. En pratique, il conviendra de relever que le dispositif peut être mis en place sur une durée maximale de 24 mois, comprise à l’intérieur d’une période de 36 mois, de manière consécutive ou non.
La question du périmètre de l’accord – quels salariés ? quelles activités ? – est également cruciale. Il est en effet indispensable de préciser à quels types de salariés seront visés par l’application de l’accord, ainsi que les types de contrats : contrats à durée déterminée ou indéterminée, contrats de professionnalisation… La durée du travail doit également être envisagée pour savoir si l’accord tend à s’appliquer uniquement aux salariés à temps plein ou à temps partiel ou si l’accord recouvre les deux types de salariés. Il convient d’être particulièrement prudent sur le choix des types de salariés et les activités concernées. Il semble en effet difficilement envisageable de pouvoir intégrer dans l’accord uniquement les salariés à temps partiel ou à temps plein sans risquer ensuite d’éventuelles difficultés quant à la discrimination entre les salariés.
S’agissant des types d’activités concernées, il apparaît également important de bien considérer que le dispositif d’activité partielle de longue durée a vocation à s’appliquer par type d’activités et qu’il ne peut en principe conduire un employeur à pouvoir décider d’une individualisation de la réduction de la durée du travail par salarié.
A noter : La réduction de l’activité peut être prévue au niveau de l’entreprise ou de l’association, d’un ou plusieurs établissements, d’un atelier, service… Il est cependant extrêmement difficile de décider, sans contrevenir à l’esprit du dispositif d’APLD, d’une réduction de l’horaire de travail différente pour des salariés appartenant aux mêmes services concernés. En principe, la réduction de la durée du temps de travail doit pouvoir être mise en œuvre de manière identique, c’est-à-dire dans les mêmes proportions, à l’ensemble des salariés d’un même service. Il est toutefois envisageable de prévoir une réduction de l’horaire de travail et une utilisation du dispositif différenciée en fonction des services de l’entreprise ou de l’association, qui seront plus ou moins touchés par la nécessité de réduction de la durée du temps de travail.
L’accord doit fixer, à ce titre, la réduction maximale de l’horaire de travail en deçà de la durée légale dans la limite de 40 % de l’horaire légal par salarié, calculée sur la durée totale de l’accord. Par exception, la réduction pourra être portée à 50 % de la durée du travail, uniquement dans l’hypothèse de difficultés exceptionnelles pour lesquelles l’accord a fixé expressément les conditions des situations particulières permettant de recourir aux 50 % en lieu et place des 40 % de la réduction maximale de l’horaire de travail.
A noter : Il n’est pas obligatoire de prévoir une réduction de la durée du travail de 40 % sur l’intégralité de la période de l’APLD. En effet, pourront être envisagées des périodes de suspension totale d’activité et des périodes d’activité normale ou d’activité réduite, dès lors que, sur l’ensemble de la période de l’accord collectif, la durée du travail n’a pas été réduite de plus de 40 %.
Contrepartie obligatoire à la mise en place de l’APLD et à son financement partiel par l’Etat, l’accord doit impérativement comprendre des engagements en matière de maintien dans l’emploi et de formation professionnelle. L’accord d’entreprise a la possibilité de prévoir des engagements en matière de maintien de l’emploi ne portant pas sur l’intégralité des emplois de l’établissement ou de l’entreprise. Ainsi, en pratique, l’accord collectif aura donc la possibilité de ne réserver l’engagement de maintien dans l’emploi qu’à une seule partie des salariés. Cet élément est tout à fait déterminant, car c’est la seule possibilité offerte à l’employeur de pouvoir ensuite, en cas de difficultés économiques, envisager des licenciements économiques. A défaut de précisions dans le texte de l’accord collectif, l’employeur aura l’obligation de faire bénéficier à l’ensemble des salariés de la structure des engagements de maintien de l’emploi. L’accord pourra en conséquence être limité aux salariés et aux services bénéficiant du dispositif de l’APLD.
A noter : Les engagements en matière de maintien dans l’emploi et de formation professionnelle ont pu prendre la forme, en pratique, d’engagements de l’employeur à maintenir l’emploi des salariés visés par l’activité partielle pendant une durée minimale après le dispositif, excluant les licenciements pour motif économique sur les postes occupés par les salariés présents à la date de signature de l’accord… Des clauses prévoyant un maintien de salaire aux salariés en formation à hauteur de 100 % ont également pu être insérées ou encore utilisant la mise en place de plateformes de formation en ligne aux salariés concernés par l’APLD.
La dernière clause impérative devant figurer dans l’accord est celle relative aux modalités d’information des syndicats signataires et des représentants du personnel sur la mise en œuvre de l’accord. Le dispositif légal prévoit que cette information est obligatoire a minima tous les 3 mois et l’accord doit impérativement rappeler les conditions pratiques choisies par la structure pour répondre aux obligations légales.
Au-delà du contenu obligatoire de l’accord, certaines clauses peuvent valablement être ajoutées, comme une clause relative aux conditions dans lesquelles les dirigeants salariés, les actionnaires ou encore les mandataires sociaux qui entrent dans le périmètre de l’accord vont fournir des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant la durée du recours au dispositif. Cette clause peut permettre une signature plus aisée de l’accord avec les représentants du personnel ou le délégué syndical.
On notera, par ailleurs, que le décret du 28 juillet 2020 suggère d’intégrer différentes autres clauses dans l’accord collectif s’agissant de l’utilisation du compte personnel de formation et des congés payés.
S’agissant des congés payés, la clause doit permettre d’inciter les salariés à poser des congés avant de mettre en place le dispositif d’activité partielle de longue durée ou de limiter ce dernier.
On relèvera également que le décret précité fixe également la possibilité d’ajouter une clause relative au suivi par l’ensemble des organisations syndicales. Cette clause va toutefois bien au-delà des obligations légales qui se limitent à l’information des signataires de l’accord et, dans la mesure où cette dernière n’existe pas dans le cadre de la négociation collective classique, il ne semble pas intéressant de l’intégrer pour l’APLD.
Le dispositif d’APLD vise précisément à éviter le recours au licenciement pour motif économique par l’entreprise ou l’association. Ainsi, il est donc prévu, en principe, que si la structure recourt à l’APLD, elle ne peut prononcer de licenciement économique pendant l’applicabilité du dispositif.
Afin de bénéficier d’une exception, il est indispensable que l’employeur justifie que les licenciements pour motif économique visent des salariés non concernés par l’APLD, pour lesquels il ne s’est pas engagé à maintenir l’emploi. A défaut, l’entreprise aura l’obligation de rembourser, par salarié concerné, le montant total des sommes qui auront été versées, divisé par le nombre de salariés placés en activité réduite.
Une seconde exception est mise en place, intégrant trois hypothèses : l’incompatibilité du remboursement avec la situation économique et financière de l’établissement l’entreprise ou le groupe, la dégradation des perspectives d’activité par rapport à celles prévues dans l’accord collectif ou, enfin, lorsque la rupture du contrat ne relève pas du motif économique (rupture conventionnelle collective, licenciement pour motif personnel, plan de départ volontaire…).
La gestion de la rédaction de l’accord collectif mettant en place l’APLD est donc une question très importante si la structure souhaite par la suite pouvoir recourir au licenciement économique en cas de dégradation importante de sa santé économique.
La rupture conventionnelle collective a été intégrée dans le code du travail par les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017. Elle permet à l’employeur, entreprise comme association, de proposer à plusieurs salariés volontaires de rompre leur contrat de travail de façon négociée.
L’utilisation de ce dispositif n’est pas nécessairement liée au contexte économique de la structure. L’employeur ne doit justifier d’aucune menace sur sa compétitivité ou difficulté économique.
Par conséquent, ce type de rupture des contrats de travail peut être utilisé dans les structures qui ne remplissent pas les conditions spécifiques du licenciement pour motif économique et constituer une alternative dans le contexte actuel.
A noter : L’accord est conclu selon les conditions de droit commun (voir page 22).
L’accord collectif portant sur la rupture conventionnelle doit impérativement déterminer (code du travail [C. trav.], art. L. 1237-19-1) :
• l’ensemble des modalités d’information et les conditions afférentes de consultation du comité social et économique ;
• le nombre maximal de départs envisagé ainsi que les suppressions d’emplois associées et la durée totale de la mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective ;
• les conditions fixées devant être remplies par les salariés pour en bénéficier ;
• les modalités de présentation et d’examen de candidatures des salariés intégrant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif ;
• les critères mis en place afin de départager deux potentiels candidats au départ ;
• les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties aux salariés (attention : respect obligatoire du minimum de l’indemnité légale de licenciement) ;
• une liste de mesures visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents comme le congé de mobilité, les actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou encore la reprise d’activités existantes… ;
• les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord.
A noter : L’accord doit également préciser la durée pendant laquelle l’employeur s’engage à ne pas procéder à des licenciements pour motif économique. En effet, ce processus exclut tout type de licenciement (C. trav., art. L. 1237-19).
L’administration intervient dans le processus de la rupture conventionnelle collective à deux reprises : préalablement à l’ouverture des négociations et postérieurement à la conclusion de l’accord collectif.
L’administration doit être avertie de l’ouverture des négociations sans délai (C. trav., art. L. 1237-19). L’information du directeur de la Direccte compétente s’effectue par voie dématérialisée (C. trav., art. D. 1237-7).
Une fois l’accord conclu, l’employeur doit le transmettre à l’autorité administrative pour validation (C. trav., art. L. 1237-19-3). Il joint également les informations permettant de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles il a été conclu ainsi que les informations permettant de vérifier la mise en œuvre effective de l’information du CSE ou, en cas de carence, le procès-verbal de carence (C. trav., art. D. 1237-9).
La notification de la décision de validation motivée s’effectue dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l’accord. Elle est également notifiée au comité social et économique et aux signataires de l’accord. En l’absence de réponse dans ce délai, l’accord est considéré comme validé par l’administration. Il incombe alors à l’employeur d’informer le CSE et les signataires de l’accord (C. trav., art. L. 1237-19-4).
Après validation de l’accord collectif, la décision doit être portée à la connaissance des salariés par voie d’affichage ou par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information (C. trav., art. L. 1237-19-4). Les salariés peuvent ensuite se manifester volontairement auprès de l’employeur pour bénéficier du dispositif. En cas d’acceptation de la candidature d’un salarié par l’employeur, le contrat de travail est réputé rompu d’un commun accord (C. trav., art. L. 1237-19-2). Les parties doivent alors conclure une convention individuelle de rupture selon les modalités fixées par l’accord collectif.
A noter : Si le salarié est protégé, il convient d’obtenir l’autorisation de l’inspection du travail.
Comme le dispositif de la rupture conventionnelle collective, l’accord de performance collective est également issu des ordonnances « Macron » de 2017 (C. trav., art. L. 2254-2).
Il constitue une alternative au licenciement économique et à la rupture conventionnelle collective. En effet, le licenciement économique nécessite de démontrer l’existence d’un élément causal et d’un élément justificatif, mais également de respecter une procédure particulièrement complexe. De surcroît, la rupture conventionnelle collective est subordonnée au volontariat des salariés. Ce troisième mécanisme pourrait donc parfaitement trouver application dans le contexte sanitaire et économique actuel qui touche particulièrement le secteur social et médico-social.
L’accord de performance collective permet de poursuivre trois finalités distinctes : répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou de l’association, préserver l’emploi ou développer l’emploi. Il n’est donc pas nécessaire de démontrer l’existence de difficultés économiques. Le législateur a mis en place ce dispositif en vue « d’offrir aux entreprises un cadre juridique sécurisé permettant, par le biais du dialogue social, de rechercher la performance sociale et économique »(1).
Dans son « Questions-réponses » sur l’accord de performance collective publié en juillet 2020, le ministère du Travail donne trois illustrations de situations dans lesquelles ce dispositif pourrait être utilisé :
• afin de faire face à la nécessité de redéployer le personnel sur les différents sites de production de l’entreprise en prévoyant une mobilité géographique des salariés ;
• afin de faire face à un surcroît durable de l’activité de l’entreprise en prévoyant une majoration du temps de travail hebdomadaire ;
• afin de rationaliser la gestion du personnel en harmonisant les règles de rémunération.
L’accord de performance collective est conclu selon les modalités de droit commun rappelées précédemment dans le cadre de la rupture conventionnelle collective (voir page 22).
Il doit obligatoirement contenir un préambule mais peut avoir plusieurs objectifs distincts limitativement énumérés par le code du travail :
• aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;
• aménager la rémunération dans le respect des salaires minima hiérarchiques ;
• déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise ou à l’association.
A titre d’illustration, l’accord de performance collective peut prévoir que la durée maximale quotidienne de travail sera de 12 heures dans la limite de 46 heures par semaine en moyenne. Il peut également prévoir une répartition du temps de travail sur 6 jours par semaine dans le respect des dispositions relatives au repos hebdomadaire.
De surcroît, le code du travail prévoit également quatre clauses facultatives :
• les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée ainsi que, le cas échéant, l’examen de la situation des salariés au terme de l’accord ;
• les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés, les mandataires sociaux et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés ;
• les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés ;
• les modalités d’accompagnement des salariés ainsi que de l’abondement du compte personnel de formation.
A noter : Si l’accord prévoit un dispositif d’aménagement du temps de travail supérieur à la semaine tel que prévu par les articles L. 3121-41 et suivants du code du travail, il doit respecter les dispositions légales relatives au décompte des heures supplémentaires, à l’information des salariés, au contenu de l’accord ou encore au délai de prévenance des salariés. De même, l’accord ne permet pas de contrevenir aux dispositions légales relatives à la mise en place ou à la modification du dispositif de forfait annuel prévues par les articles L. 3121-53 à L. 3121-66 du code du travail.
Une fois l’accord collectif valablement conclu, l’employeur doit informer les salariés de son existence et de son contenu. Il doit également leur indiquer qu’ils ont la possibilité d’accepter ou de refuser l’application de cet accord.
En cas d’accord du salarié, le contenu de l’accord collectif se substitue de plein droit aux clauses de son contrat de travail contraires ou incompatibles.
En cas de refus, le salarié doit se manifester dans le délai de 1 mois à compter du moment où il a eu connaissance de l’existence et du contenu de l’accord. L’employeur dispose ensuite d’un délai de 2 mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement conformément aux dispositions légales s’il le souhaite. Il doit alors convoquer le salarié à un entretien préalable et lui notifier son licenciement qui repose sur une cause réelle et sérieuse. Le salarié est en droit d’exercer son préavis et de prétendre à l’indemnité légale de licenciement s’il remplit les conditions. Il peut également bénéficier de l’indemnité chômage. De surcroît, l’employeur est tenu d’abonder le compte personnel de formation du salarié licencié d’un montant minimal de 3 000 € (C. trav., art. R. 6323-3-2).
La cause du licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou de l’association si elle n’appartient pas à un groupe.
En revanche, si la structure appartient à un groupe, la cause sera appréciée au niveau du secteur d’activité commun aux autres structures du groupe établies sur le territoire national. Le juge vérifiera ainsi si la cause économique s’apprécie également dans les autres structures du groupe qui appartiennent au même secteur d’activité et qui se situent sur le territoire français (C. trav., art. L. 1233-3).
Le code du travail précise que le secteur d’activité est caractérisé notamment par « la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée ainsi que les réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché ».
En cas de fraude, le périmètre d’appréciation sera étendu au niveau international (C. trav., art. L. 1233-3).
Les salariés bénéficient d’une indemnisation d’un montant égal à 70 % de leur salaire brut horaire servant d’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés dans la limite de 4,5 Smic (décret n° 2020-926, 28 juillet 2020, art. 8).
De leur côté, les entreprises et les associations disposent d’un remboursement fixé à 60 % de la rémunération horaire brute du salarié dans la limite de 4,5 Smic (décret n° 2020-926, 28 juillet 2020, art. 7).
Le dispositif d’activité partielle est mis en place afin de faire face à des difficultés qui n’ont pas vocation à devenir pérennes. Il s’agit ici de problèmes de nature économique qui doivent être temporaires et exceptionnels.
A l’inverse, le dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD) doit trouver application dans l’hypothèse de difficultés de nature plus durable, mais non définitives ou pérennes.
De surcroît, on notera que les modalités de recours à l’activité partielle et à l’APLD sont différentes dans la mesure où l’activité partielle ne nécessite pas la mise en œuvre d’un accord collectif de branche ou d’entreprise. De plus, la durée envisageable des deux dispositifs est très différente.
Enfin, il est important de relever que la mise en place de l’APLD impose à l’employeur de prendre des engagements, notamment en matière de maintien de l’emploi, ce qui n’est pas le cas pour l’activité partielle classique.
Le comité social et économique (CSE) doit être régulièrement informé sur la mise en œuvre de l’accord collectif sur l’activité partielle de longue durée (APLD). A ce titre, le procès-verbal de la dernière réunion au cours de laquelle le CSE a été informé doit être annexé au bilan périodique adressé à la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi).
Le CSE est également informé en cas de non-remboursement des allocations et, à ce titre, de la demande de l’employeur à la Direccte de ne pas rembourser les allocations d’activité partielle ou de l’information de la Direccte à l’employeur du fait qu’elle ne sollicitera pas le remboursement des sommes dues par ce dernier.
On notera par ailleurs que les représentants du personnel, membres du CSE, se voient appliquer le dispositif d’APLD comme l’ensemble des salariés de l’entreprise. En principe, les représentants du personnel doivent donner leur accord mais, dans le cadre des mesures d’urgence prises pour la gestion de la crise sanitaire, une exception a permis d’imposer l’activité partielle classique aux représentants du personnel, sans obtenir leur accord préalable, dès lors que la mesure affecte les salariés de l’entreprise, de l’établissement ou du service de manière identique. On relèvera qu’aucune disposition n’a été prise pour l’activité partielle de longue durée et que le dispositif permettant de recourir à l’activité partielle pour les salariés protégés sans leur accord devait prendre fin le 31 décembre dernier. Il est donc conseillé, en toute hypothèse, d’obtenir l’accord des représentants du personnel.
(1) Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, J.O. du 18-06-20.
(2) Décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020 relatif au dispositif spécifique d’activité partielle en cas de réduction d’activité durable et décret n° 2020-1188 du 29 septembre 2020 relatif à l’activité partielle et au dispositif spécifique d’activité partielle en cas de réduction d’activité durable.
(1) Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion – « L’accord de performance collective – Questions-réponses », juillet 2020, Question 3 – https://bit.ly/3dfa3i5