Hakan Marty est né le 15 avril 1992. Les rapports, conservés par l’aide sociale à l’enfance (ASE), constituent presque l’unique mémoire de son histoire familiale. Sa grand-mère, sa mère et ses quatre frères et sœurs ont été placés comme lui dès leur naissance, d’abord en pouponnières puis en famille d’accueil. A un an et demi, il est confié à une assistante maternelle qu’il appelle « Tata » chez qui sa mère avait séjourné avant sa majorité. Le compte rendu de l’éducatrice note qu’à 22 mois, Hakan est « un enfant joyeux qui aime beaucoup les câlins » et qui est « toujours très heureux quand sa mère vient le voir ». En revanche, il enrage quand, avec ses compagnons d’infortune, ils sont traités de « bougnoule », « dent de lapin », « coco la pisse » par les enfants de sa famille d’accueil : « Cela nous rappelait sans cesse qu’on était enfants de l’ASE, les pièces rapportées, la fausse famille. » Hakan est aussi le bon à tout faire, une maltraitance quotidienne qu’il dissimule aux travailleurs sociaux de peur d’être envoyé ailleurs mais qui le conduit à tenter de mettre fin à ses jours à 14 ans et à engloutir en cachette des quantités énormes de sucre sous toutes ses formes. « L’ASE pense qu’il y a de la violence chez nous. Si vous dites ce qui se passe à la maison, vous serez enlevés. Tout ce que vous avez, vous ne l’aurez plus », avait prévenu tata avant la visite de l’assistante sociale. Les dysfonctionnements de la protection de l’enfance, l’auteur les connaît par cœur. Mais il a aussi rencontré de belles personnes qui l’ont « sauvé ». Aujourd’hui, le jeune homme est éducateur spécialisé dans un service d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) et directeur de colonies de vacances. Avec ce témoignage d’une profonde sincérité, il souhaite provoquer une prise de conscience pour améliorer la politique de l’enfance en France. « Nous avons un système qui est malheureusement aussi défaillant que les parents à qui on a retiré la garde de leurs enfants, conclut-il. Il est aujourd’hui impératif d’arrêter les dégâts. »
« Enfant mal placé » – Hakan Marty – Ed. Max Milo – 19,90 €.