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La mobilisation des retraités, une bonne piste contre une crise sanitaire ?

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L’association Amicap plaide pour la mise en place d’une réserve d’intervention sanitaire, sociale et médico-sociale. Soit des dizaines de milliers de volontaires mobilisables, selon elle, en cas de crise. Pourquoi pas ? répond la CFDT Santé sociaux, mais à certaines conditions : le maintien d’un bon niveau de compétences des personnes sollicitées et le refus qu’elles se substituent aux recrutements.
L’Amicap défend la création d’une réserve d’intervention sanitaire sociale et médico-sociale (RISSM). Pourquoi ?

Georges Riffard(1) : Nos arguments sont évidemment conjoncturels, totalement liés à l’état d’urgence. Nous devons apporter une réponse exceptionnelle à la situation que nous vivons, qui l’est tout autant. En 2020, le système hospitalier a su faire face de façon admirable à une situation totalement inconnue de tous. Les équipes ont affronté ce que personne ne pouvait prévoir en témoignant d’une grande polyvalence. Une grande cohésion a existé, qui a reposé uniquement sur les personnels eux-mêmes. Elle n’est pas née d’une quelconque circulaire. Donc les professionnels savent se servir des espaces de liberté qu’on leur donne. Pour autant, l’obligation du système de santé, qui consiste à assurer la santé publique, n’a pas été respectée. Pratiquement seuls les cas de Covid ont été pris en considération. Les soins des autres personnes, dont l’état de santé nécessitait pourtant une prise en charge, ont été reportés ou n’ont tout simplement pas été programmés. Evidemment, cela induit d’importantes pertes de chances. Nous avons failli à nos obligations. Une réserve médico-sociale se serait avérée bien utile, puisqu’elle peut rassembler des dizaines de milliers de personnes.

Evelyne Rescanières(2) : Sans doute. Mais après une cessation d’activité, qui date parfois de plusieurs années, une remise à niveau s’impose. L’exercice professionnel fait monter en compétences. Les progrès médicaux vont tellement vite qu’il faut exercer pour rester efficace. Et pas n’importe où ! On ne peut pas, par exemple, débarquer comme ça en réanimation. Ça ne s’improvise pas, même si les forces ont manqué dans ces services. Un temps d’adaptation au poste est nécessaire. Or les professionnels en activité manquent eux-mêmes déjà de formation. Alors les retraités…

La création d’une RISSM serait-elle donc, à vos yeux, une fausse bonne idée ?

E. R. : Non, si on permet à ces professionnels de garder à jour leurs compétences. Mais je me demande comment faire pour y parvenir. C’est pour moi le principal frein. Ensuite vient la question de savoir où on les affecte, et comment… Infirmière, j’étais en poste au CHU de Toulouse au moment de la catastrophe d’AZF. Il est ressorti de cette crise que les services (Samu, pompiers, médecine privée, etc.) ne coopéraient pas entre eux. On a perdu beaucoup de temps du fait d’une information qui ne circulait pas. Des leçons ont été tirées, avec, par exemple, les « plans blancs ». Peut-être faudrait-il élargir les plans « blancs » et « bleus » pour mobiliser d’autres acteurs, dont cette réserve. Il y a des choses à inventer !

G. R. : Aucun professionnel ne peut reprendre du service dans une situation exceptionnelle sans remise à niveau, c’est vrai. Et il doit être affecté au seul poste qu’il est capable d’occuper. Le professionnel doit arriver avec une attitude modeste et admettre qu’il n’exercera pas forcément la mission qui était la sienne auparavant. Il pourra avoir une fonction moins élevée dans la hiérarchie. Ce qui implique en effet que les personnels permanents soient, eux, constamment formés. En outre, il nous semble nécessaire que, deux fois par an, les professionnels retraités volontaires pour intégrer cette réserve reçoivent, d’une façon ou d’une autre, des informations pour leur permettre de suivre les évolutions. Et il faudrait aussi une simulation au moins une fois par an de la mobilisation de cette réserve. Dans chaque département, pas à Paris seulement ! Ils doivent garder le lien avec les professionnels de proximité auprès desquels ils pourraient être amenés à intervenir. En somme, il faut travailler en circuits courts, entre gens qui se connaissent et que la décision soit prise localement, sans tomber du ministère.

Ces mises en situation vous semblent-elles souhaitables ?

E. R. : Evidemment. Y compris pour les professionnels en activité. Le jour de la catastrophe d’AZF, ces simulations m’ont beaucoup servi. Or, maintenant, on ne les fait plus. Cela nuit à la coopération entre les services, d’autant qu’on a tendance à hyperspécialiser les professionnels. On divise, mais on ne règne pas. On perd en efficacité, en cohésion, en investissement social. Le saucissonnage des activités fait perdre en cohérence entre les acteurs.

Comment sortir de cette ornière ?

G. R. : Il faudrait que la loi de financement de la sécurité sociale [LFSS] et l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie [Ondam] deviennent des débats politiques et stratégiques, au lieu d’être cantonnés à des questions de gestion d’équilibres budgétaires. Il faudrait commencer par débattre de ce que l’on veut en termes de santé publique, y compris pour gérer des situations exceptionnelles, et en y incluant la question de la réserve que nous préconisons. C’est seulement dans un second temps qu’on devrait s’interroger sur les coûts. Pour ce qui est de la réserve, nous estimons qu’elle pourrait nécessiter un investissement d’environ 300 millions d’euros par an. Ce qui nous semble acceptable, comparé aux milliards que coûte l’arrêt de certaines activités. Si on posait la question en ces termes devant le Parlement, je ne vois pas comment cela pourrait être refusé.

E. R. : Aujourd’hui, en effet, le projet de LFSS ne permet pas qu’on investisse dans les secteurs sanitaire, social et médico-social. Il faut donc changer de paradigme et de vision sur cette loi, qui ne devrait pas se réduire à une limitation des dépenses. Alors, ces 300 millions pourraient être perçus comme un investissement en faveur des structures et pour répondre aux besoins des personnes.

Quelles actions menez-vous pour vous faire entendre ?

G. R. : Le gouvernement ne nous répond pas. Nous sollicitons aussi les départements et les régions, pour tenter de trouver des volontaires pour mener à bien une expérimentation territoriale de cette réserve d’intervention. C’est d’autant plus important que cette crise ne sera pas la dernière. Mais attention : la réserve n’a pas pour vocation de remplacer des postes manquants.

E. R. : Si de telles expérimentations ne dégagent pas les établissements de leurs responsabilités en matière de recrutement et de formation, nous les soutiendrions. Si cette réserve voit le jour, elle doit représenter une aide, pas un substitut.

Notes

(1) D’abord éducateur spécialisé, Georges Riffard a dirigé divers établissements ainsi que la Fehap (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne non lucratifs).

(2) Infirmière, Evelyne Rescanières a exercé tant dans le secteur privé lucratif qu’au sein d’établissements hospitaliers publics.

Contats : riffardg@wanadoo.fr erescanieres@sante-sociaux.cfdt.fr

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