Impossibilité de prendre un rendez-vous en préfecture pour renouveler un titre de séjour, délais de traitement des dossiers aberrants dans les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), demandes répétées de nouvelles pièces justificatives pour finaliser un dossier d’accès à une aide spécifique… Les démarches prennent souvent des allures kafkaïennes pour les usagers. Quand il s’agit de demander ou de faire valoir leurs droits, les étrangers et les publics du secteur médico-social sont bien souvent désemparés.
Alors même que se succèdent les discours politiques sur la volonté de simplifier les procédures, la réalité est tout autre. C’est donc sur leur patience bafouée et leurs espoirs déçus que se constitue peu à peu, insidieusement, un nouveau marché lucratif : celui de l’assistance administrative. Né des défaillances du service public à assurer l’accompagnement qui constitue l’une de ses missions principales, ce marché séduit des usagers fragilisés par leur entrée dans le champ du handicap ou par la précarité de leur statut de demandeur de titre de séjour. Pour éviter un long parcours du combattant, certains acceptent de payer des prestataires, qu’ils soient légaux ou s’apparentent à du marché noir, pour mettre toutes les chances de leur côté. Les plus nantis se tournent vers des start-up ou des avocats qui se spécialisent de plus en plus (page 8). Le danger est alors celui d’une segmentation des usagers : ainsi, à l’avenir, seuls les plus aisés pourront-ils accéder aux services que leur doit le service public tandis que les autres, les plus démunis, n’auront d’autre solution que d’affronter son délitement au risque de ne plus recourir à leurs droits ? Un non-recours qui concerne une personne sur quatre parmi les populations précaires et sur lequel portera notre 22e podcast SMS (à retrouver sur votre plateforme préférée). C’est l’un des processus enclenchés avec la marchandisation des services publics, qui transforme peu à peu l’administration en une entreprise comme une autre, avec ses objectifs de rentabilité et de gestion des coûts (page 12). Confrontés au manque de moyens qui leur sont alloués, les agents des services administratifs se retrouvent impuissants face aux instructions qu’ils reçoivent tandis que leur incapacité finale à accompagner les usagers et à traiter leurs dossiers dans des délais raisonnables est patente (page 11). Le bureau de l’accueil des étrangers est même devenu la « punition », là où personne ne veut aller.