« Nous sommes contents d’être au conseil d’administration d’ATD Quart monde », raconte Elodie Espejo-Lucas. Son mari Vincent et elle, qui ont voulu « vivre cet engagement en couple », estiment fort utile leur participation à la prise de décision au sein du mouvement. « C’est bien qu’il y ait des militants “Quart monde” dans le conseil. On ne veut plus subir les choses, mais devenir parties prenantes des choix qui nous concernent. »
Pionnière dans le domaine de la participation des personnes accompagnées à ses instances de prise de décision, l’association, qui compte seulement 47 salariés mais près de 3 000 militants, a mis en place des moyens importants pour qu’elle soit effective. « Avant les conseils d’administration, nous avons un échange avec la présidente, qui nous aide à formuler nos avis ensuite devant tout le monde, raconte Elodie. Et si nous n’osons pas prendre la parole devant tout le monde, elle relaie nos avis, puisqu’on les lui a donnés la veille. Cela nous permet d’être membres à part entière. »
« Cela prend du temps, c’est plus compliqué qu’une prise de décision qui serait verticale, imposée d’en haut », commente la présidente, Marie-Aleth Grard. Mais elle défend ce choix et veille à ce qu’au conseil d’administration chacun prenne la parole.
Dans ce conseil, les militants sont aussi présents dans le pôle « politique ». Et cela lui semble précieux : « Même après quarante ans de militantisme, je reste parfois surprise de la façon dont des situations de la vie quotidienne peuvent être abordées différemment selon les personnes. » Et d’illustrer ce décalage par l’exemple du retour à l’école après le premier confinement : pour les non-précaires, une prise en considération des élèves fragiles et, pour les parents en difficulté, l’envoi des enfants des plus pauvres en première ligne pour tester les protocoles. Aussi faut-il souvent prévoir du temps pour convaincre. Parfois au prix du report d’un vote au conseil d’administration suivant. « On est lents, chez ATD, sourit la présidente, parce que nous nous mettons au rythme de celui qui rencontre le plus de difficultés. Or, la grande pauvreté, ça casse les individus. »
L’association reste fermement attachée à ce croisement des savoirs, qu’elle développe entre personnes précaires, professionnels et chercheurs. « J’ai moi-même beaucoup appris dans le mouvement, confie Marie-Aleth Grard. Travailler aux côtés des plus pauvres m’a conduite, lorsque j’ai été élue locale, à animer des instances de façon particulière, en associant tout le monde. Ce qui, pour moi, était naturel en a surpris plus d’un ! »