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L’inceste, impensé sociétal

Que retiendront les historiens de la fin des années 2020 ? On peut parier sans trop prendre de risque que la libération de la parole des victimes d’agressions sexuelles et de viols marque un tournant sociétal qui fera date, bien au-delà de la durée de vie des hastags #MeToo ou #MeTooInceste qui ont pourtant connu une formidable résonnance sur les réseaux sociaux. Deux révélations ont particulièrement marqué les esprits ces dernières semaines. D’abord La familia grande, le livre de Camille Kouchner dans lequel elle décrit les viols subis par son frère jumeau, alors encore adolescent, et perpétré par le politologue Olivier Duhamel. Mais aussi la prise de parole du neveu de Gérard Louvin, célèbre producteur de télévision, qui l’accuse de l’avoir laissé en pâture sexuelle à son mari Daniel Moyne dès l’âge de 10 ans. Ces affaires, qui sont aussi médiatiques, ne constituent que la partie émergée de l’iceberg. Elles servent aussi de puissante catharsis à toutes les victimes anonymes qui réalisent qu’elles ne sont pas seules et qui trouvent parfois la force de se reconstruire.

Si cette émotion, évidemment légitime, est nécessaire, elle constitue aussi un terrain mouvant à même d’engloutir les meilleures intentions. Au-delà du récit glaçant des victimes, l’inceste apparaît pour ce qu’il est : un impensé sociétal.

Ce crime, la transgression de ce tabou ultime, pose des questions profondes. En cas d’inceste, lorsque la victime décide briser le silence, c’est l’ensemble de la cellule familiale qui explose. Car le statu quo n’est plus tenable. Et ceux qui savaient – les mères, la fratrie, les grands-parents, les amis, les cousins, les oncles et les tantes – ne peuvent plus se réfugier ni dans le déni, ni dans le non-dit. Les services sociaux ne sont aujourd’hui pas suffisamment préparés à accompagner les victimes, à l’instar des autres membres de ces familles explosées. Y compris les bourreaux ordinaires qui se comptent par dizaine de milliers, et qu’il faudra bien rééduquer. La représentation sociale de la famille, hétéronormée, tend encore à légitimer l’idée qu’un père violeur et incestueux vaut mieux que pas de père du tout. L’immense difficulté des victimes d’inceste à se libérer vient aussi de ce puissant carcan qu’est la société patriarcale.

Comment apprendre aux futurs pères, nos fils, à ne violer personne ? La question est vertigineuse. La réponse se trouve évidemment du côté de l’éducation. Le chantier est colossal : c’est le travail d’une génération.

Éditorial

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