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L’aide juridictionnelle

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L’aide juridictionnelle

Crédit photo Alison Dahan, Clarisse Girard
Depuis le 1er janvier 2021, les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle ont changé. Désormais, le demandeur n’a plus droit au dispositif si son patrimoine immobilier ou son épargne dépassent certains plafonds. Précisions.

Le droit à un procès équitable constitue un pilier permettant de garantir le fonctionnement du système judiciaire. Toute personne doit pouvoir accéder à la justice tout au long de sa vie. Il pourra s’agir ainsi de litiges d’ordre personnel comme en cas de divorce ou suite à la commission d’une infraction, ou d’ordre professionnel, par exemple suite à la rupture d’un contrat de travail ou à un accident du travail. Or l’accès à la justice peut poser de réelles difficultés. A ce titre, le coût d’un procès peut avoir un effet dissuasif quant à l’exercice des droits des justiciables devant les juridictions.

Tous les justiciables disposent d’un droit au procès équitable. En conséquence, afin de garantir le droit d’accès au juge, l’Etat prend en charge les frais de justice des personnes les plus modestes au titre de l’aide juridictionnelle.

De surcroît, depuis plusieurs années, en raison notamment de l’augmentation du nombre de litiges, le législateur a tenté de développer des modes alternatifs de règlement des litiges. Le dossier s’intéressera plus particulièrement aux principaux modes alternatifs existant en droit français.

I. Le dispositif d’aide juridictionnelle

En vue d’effectuer une demande d’aide juridictionnelle, il convient de remplir des conditions spécifiques.

A. Les conditions d’admission

Le législateur est venu fixer des conditions d’admission en fonction de la situation et des ressources financières du demandeur.

1. La situation du demandeur

Par principe, l’aide juridictionnelle est accordée uniquement aux personnes physiques de nationalité française ou ressortissantes des Etats membres de la Communauté européenne et aux personnes morales à but non lucratif qui ne bénéficient pas d’une protection juridique au titre d’un contrat d’assurance (loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, art. 2).

A noter : L’aide juridictionnelle peut également être accordée aux personnes de nationalité étrangère à condition qu’elles résident de façon habituelle et régulière en France (loi du 10 juillet 1991, art. 3). De surcroît, lorsque le demandeur d’asile effectue un recours devant la Cour nationale du droit d’asile, il bénéficie de plein droit de l’aide juridictionnelle sauf dans l’hypothèse où son recours est manifestement irrecevable (loi du 10 juillet 1991, art. 9-4).

2. Les ressources financières

Les autorités apprécient les ressources financières des personnes en tenant compte cumulativement de (loi du 10 juillet 1991, art. 4) :

• leur revenu fiscal de référence, c’est-à-dire l’ensemble de leurs revenus imposables ou non ;

• la valeur en capital de leur patrimoine mobilier (épargne financière, voiture, meubles…) et immobilier (maison, terrain…) ;

• la composition de leur foyer fiscal.

A noter : La résidence principale du demandeur n’est pas prise en compte pour le calcul du patrimoine immobilier (loi du 10 juillet 1991 et décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020).

Le bureau d’aide juridictionnelle qui étudie les demandes peut se rapprocher des administrations pour vérifier les conditions de ressources du demandeur.

Les plafonds des ressources sont revalorisés chaque année en fonction de l’évolution des prix à la consommation hors tabac par décret en Conseil d’Etat. Au titre de l’année 2021, les taux de prise en charge sont repris dans le tableau récapitulatif ci-dessous.

On notera qu’en l’absence de revenu fiscal de référence, le calcul est effectué sur la base du double du montant des revenus imposables perçus par le foyer fiscal au cours des 6 derniers mois après abattement de 10 % (décret du 28 décembre 2020, art. 4).

Par ailleurs, il convient de préciser que l’appréciation des ressources est individualisée lorsque la procédure oppose des personnes au sein d’un même foyer ou qu’il existe une divergence d’intérêt au sein du foyer (ex. : en cas de demande d’ordonnance de protection par une femme victime de violences) mais également lorsque la procédure concerne une personne majeure ou mineure rattachée au foyer fiscal de ses parents ou de ses représentants légaux et qu’ils manifestent un défaut d’intérêt à son égard (loi du 10 juillet 1991, art. 5).

3. Le type de procédure sollicitée

L’aide juridictionnelle peut être accordée pour différentes procédures judiciaires (procédure de divorce, contestation d’un licenciement devant le conseil de prud’hommes…). Toutefois, elle n’est pas accordée aux personnes dont l’action paraît manifestement irrecevable, dénuée de fondement ou abusive notamment en raison du nombre de demandes ou de leur caractère répétitif (loi du 10 juillet 1991, art. 7).

B. Le processus de demande d’aide juridictionnelle

1. La demande d’aide juridictionnelle

En vue de constituer un dossier de demande d’aide juridictionnelle, il convient de remplir un formulaire Cerfa de demande d’aide juridictionnelle ainsi qu’une attestation de non-prise en charge par l’assureur(1). Cette demande peut être réalisée avant le lancement de la procédure judiciaire ou en cours de procédure au bureau d’aide juridictionnelle compétent.

A noter : De nombreux contrats d’assurance (automobile, habitation…) intègrent une protection juridique qui peut prendre en charge les frais de justice de différents litiges.

Par ailleurs, il convient de préciser que la demande d’aide juridictionnelle a pour effet d’interrompre le délai d’action ou de recours jusqu’à ce que le bureau d’aide juridictionnelle rende sa décision (décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991).

2. L’attribution de l’aide juridictionnelle

L’attribution de l’aide juridictionnelle peut être partielle ou totale en fonction des ressources du justiciable (voir tableau récapitulatif page 19). Elle recouvre les dépens supportés par le bénéficiaire, c’est-à-dire l’ensemble des frais et émoluments dus par le demandeur aux auxiliaires de justice (avocat, notaire, huissier) mais également les frais inhérents aux actes ordonnés par le juge (une expertise par exemple).

Dans l’hypothèse où l’aide juridictionnelle a été accordée partiellement, l’Etat prendra en charge seulement une partie des frais dus aux auxiliaires de justice. Il conviendra alors de signer une convention d’honoraires complémentaires.

Lorsque le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle perd son procès ou est condamné aux dépens, il a la charge exclusive des dépens de son adversaire excepté dans l’hypothèse où ce dernier bénéficie également de l’aide juridictionnelle (voir notamment Cass. civ. 1re, 3 octobre 2019, n° 18-19311). En outre, l’aide ne couvre pas les frais que le justiciable peut être condamné à payer par la décision de justice (les dommages et intérêts par exemple).

3. Le recours en cas de refus de l’aide juridictionnelle

Les justiciables peuvent faire un recours contre les décisions rendues par le bureau d’aide juridictionnelle si leur demande a été refusée ou s’ils bénéficient d’une aide partielle alors qu’ils avaient sollicité une aide totale. Par principe, les recours sont examinés par le premier président de la cour d’appel dont dépend le tribunal ou la cour d’appel chargée du litige. On notera qu’en matière administrative, l’autorité compétente est le président de la cour administrative d’appel dont dépend le tribunal, ou la cour d’appel, chargé du litige (loi du 10 juillet 1991, art. 23).

Le recours doit être effectué dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision du bureau d’aide juridictionnelle (décret du 19 décembre 1991, art. 56). Il contient à peine de rejet, l’exposé des faits et des motifs sur lesquels il se fonde ainsi qu’une copie de la décision attaquée (décret du 19 décembre 1991, art. 59).

4. Le retrait de l’aide juridictionnelle

Le bénéfice de l’aide juridictionnelle peut être retiré en tout ou partie dans certaines hypothèses :

• le bénéficiaire de l’aide a effectué des déclarations ou a fourni des pièces inexactes ;

• au cours de l’instance, le bénéficiaire a des ressources telles que s’il les avait eues au jour de sa demande d’aide juridictionnelle, elle ne lui aurait pas été accordée ;

• la décision passée en force de chose jugée a conféré au bénéficiaire des ressources excédant les plafonds d’admission à l’aide juridictionnelle ;

• la procédure engagée par le demandeur bénéficiaire a été jugée dilatoire, abusive ou manifestement irrecevable ;

• les éléments extérieurs du train de vie du bénéficiaire apparaissent manifestement incompatibles avec le montant des ressources annuelles prises en compte pour l’attribution de l’aide.

Le retrait de l’aide juridictionnelle est réalisé par le président du bureau d’aide juridictionnelle excepté dans le cas où le retrait est dû à l’existence d’une procédure dilatoire, abusive ou manifestement irrecevable. Dans cette hypothèse, le juge saisi est en droit de prononcer le retrait de l’aide juridictionnelle (loi du 10 juillet 1991, art. 51).

A noter : Ce retrait peut être effectué dans un délai maximal de 4 ans à compter de la fin de l’instance et il peut être demandé par toute personne intéressée (ex. : la partie adverse).

Une fois le retrait prononcé, le bénéficiaire est contraint de restituer l’ensemble des sommes qui lui ont été versées par l’Etat (loi du 10 juillet 1991, art. 52).

II. Les modes alternatifs de règlement des conflits

L’accès au droit et à la justice peut intégrer un recours à un mode alternatif au contentieux, à caractère facultatif ou obligatoire.

A. En matière civile

En matière civile, il existe plusieurs modes alternatifs de règlement des litiges, parmi lesquels la conciliation et la médiation ainsi que l’arbitrage.

1. La conciliation et la médiation

Conformément à l’article 1530 du code de procédure civile (CPC), la conciliation et la médiation sont des processus par lesquels « deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence ».

Ces procédures sont déjà présentes dans certains types de contentieux, par exemple devant le conseil de prud’hommes ou le tribunal paritaire des baux ruraux, ou encore en matière de divorce.

Elles tendent également à se développer dans de nouvelles matières. En effet, la réforme de la procédure civile de 2019 prévoit, depuis le 1er janvier 2020, à peine de nullité de la procédure, une obligation de tenter une mesure de conciliation ou de médiation pour les litiges en matière civile dont le montant n’excède pas 5 000 € (CPC, art. 750-1). Il existe toutefois des exceptions notamment en cas d’urgence, de motif légitime ou encore en cas de demande d’homologation d’un accord par les parties.

Par ailleurs, les procédures de médiation et de conciliation peuvent également être proposées par le juge au cours de la procédure s’il estime qu’une résolution amiable du litige est envisageable.

2. L’arbitrage

L’arbitrage est une procédure de règlement des litiges conventionnellement prévue par les parties avant tout litige (on parle alors de « clause compromissoire ») ou après la naissance du litige (on parle alors de « compromis d’arbitrage ») (CPC, art. 1442).

Cette procédure consiste à soumettre le règlement du litige à des tierces personnes, appelés « arbitres », en lieu et place du juge. La décision rendue par l’arbitre ou le tribunal arbitral doit ensuite être homologuée par le juge pour qu’il lui donne force exécutoire. On parle alors d’« ordonnance d’exéquatur » (CPC, art. 1487).

B. En matière pénale

Deux mécanismes principaux se développent dans le domaine pénal, intégrant la médiation et la composition pénale.

1. La médiation pénale

La médiation pénale est une procédure de règlement amiable d’un litige. Elle concerne uniquement les faits simples, établis, de faible gravité et reconnus par leur auteur (ex. : non-paiement d’une pension alimentaire ou violences légères).

Cette procédure peut être proposée par le procureur de la République ou les officiers de police judiciaire (code de procédure pénale [CPP], art. 41-1). Elle est ensuite organisée et mise en place par un médiateur pénal.

L’objectif est que l’auteur de l’infraction et la victime se mettent d’accord de façon amiable sur les modalités de réparation du préjudice. Cette procédure peut être mise en œuvre uniquement si la victime l’accepte.

Dans l’hypothèse où l’une des parties refuse l’accord ou si l’accord n’est finalement pas exécuté par l’auteur de l’infraction, le procureur de la République est en droit de reprendre les poursuites contre l’auteur de l’infraction.

2. La composition pénale

La composition pénale est une mesure alternative au procès pénal proposée par le procureur de la République avant la mise en place de l’action publique. Cette procédure consiste à proposer une sanction à l’auteur d’une infraction à condition qu’il reconnaisse avoir commis les faits (CPP, art. R. 15-33-38 et s.).

Elle concerne uniquement les contraventions ou les délits punis d’une peine inférieure ou égale à 5 ans d’emprisonnement (ex. : vol simple ou non représentation d’enfant).

Après accord entre l’auteur et le procureur, il convient d’obtenir la validation du président du tribunal. A défaut d’accord ou de validation, les poursuites pénales peuvent être engagées.

Rapport « Perben » et les problématiques de l’aide juridictionnelle

En juillet 2020, Dominique Perben a remis un rapport au ministre de la Justice sur l’avenir de la profession d’avocat. Ce rapport dresse un état des lieux de la profession et s’intéresse plus particulièrement à l’aide juridictionnelle. Il pointe certaines problématiques et émet des recommandations.

Le rapport « Perben » fait état de plusieurs difficultés. Un rapport du Conseil national de l’aide juridique, publié en juin 2019, établit qu’en matière civile comme en matière pénale le barème de l’aide juridictionnelle présente des incohérences. A titre d’illustration, il existe une différence de barème entre les avocats des parties victimes et celui des parties au litige mises en cause. De surcroît, les frais de déplacement des avocats ne sont pour l’instant pas pris en compte.

Enfin, le rapport constate que la rétribution des modes alternatifs de règlement des litiges n’est que peu incitative. En effet, seules les mesures de médiation ordonnées par une juridiction et les demandes d’homologation d’un accord intervenu après une médiation conventionnelle peuvent être prises en charge.

Face à ces constats, le rapport « Perben » formule plusieurs recommandations parmi lesquelles figurent notamment :

• la revalorisation de l’unité de valeur ;

• la revalorisation des rétributions concernant les modes alternatifs de règlement des litiges ;

• la prise en compte des frais de déplacement des avocats ;

• l’introduction d’une contribution pour l’aide juridique à hauteur de 50 €.

Le « droit à un procès équitable »

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme reconnaît à toute personne le droit à un procès équitable. Conformément à la Convention européenne et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, ce droit fondamental se compose de trois éléments distincts :

• le droit d’accéder à un tribunal ;

• le droit au bon juge ;

• le droit à l’exécution de la décision du juge.

Parmi ces différentes composantes, on retrouve notamment le droit d’accès au juge. Il a été reconnu par un arrêt majeur dénommé « Golder c/ Royaume-Uni » rendu le 21 février 1975. Cette jurisprudence a ensuite été complétée par l’arrêt « Airey c/ Irlande » du 9 octobre 1979. Cet arrêt fondateur a précisé que les Etats devaient garantir un accès effectif à un tribunal et que, en conséquence, il convenait de mettre en place un système d’aide juridictionnelle.

Notes

(1) Pour plus d’informations sur ce point, voir https://bit.ly/3a09ULZ.

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